PARIS, 18 mai (Reuters) - Les mesures de soutien budgétaire prises pour limiter les effets sur l'économie de la crise de coronavirus vont fortement creuser les déficits publics et faire entrer les marchés de dette souveraine dans une nouvelle ère aux Etats-Unis et en Europe, dit-on chez CPR AM.

Les Etats-Unis ont déjà adopté quatre phases de soutien budgétaire, dont la plus importante devrait augmenter le déficit fédéral d'environ 1.600 milliards de dollars en 2020, rappelle une note publiée lundi par la société de gestion.

Le Trésor américain a indiqué début mai qu'il prévoyait de lever 2.999 milliards de dollars sur le deuxième trimestre et 677 milliards de dollars sur le troisième trimestre, des montants records puisque la somme la plus importante levée par le Trésor sur un trimestre était de 569 milliards de dollars au T4 2008, lit-on dans la note rédigée par Bastien Drut et Juliette Cohen, stratégistes chez CPR AM. Le Trésor va progressivement passer d'un financement à court terme (T-bills) vers un financement à long terme sur des emprunts d'Etat avec des maturités de 2 à 30 ans, avec un choc d'offre à prévoir sur les titres longs à partir de juin, écrivent-ils.

Une forte hausse des déficits est également à prévoir en Europe, où elle sera néanmoins moins importante qu'aux Etats-Unis, soulignent les stratégistes de CPR AM.

Dans la zone euro, les mesures d'urgence prises au niveau national (chômage partiel, aides aux indépendants et PME, report de cotisations sociales et d'impôts, hausse des dépenses de santé) avoisinent 450 milliards d'euros, soit environ 4% du produit intérieur brut (PIB) de l'union monétaire, lit-on dans la note.

Des prêts aux entreprises assortis de garanties d'Etat (PGE) seront également proposés et les Etats européens ont tous prévu des mesures de relance pour le deuxième semestre 2020 dont les montants et les modalités seront dévoilés dans les prochaines semaines, poursuit le texte.

"Dans ces conditions, il est difficile d'estimer précisément de combien augmenteront les déficits et donc les besoins de financement", écrivent Bastien Drut et Juliette Cohen.

"Comme aux Etats-Unis, les déficits publics importants vont générer une augmentation significative des émissions d'obligations d'Etat, qui seront initialement concentrées sur les maturités courtes", ajoutent-ils en rappelant que la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a indiqué que l'augmentation des émissions de dettes dues au coronavirus devrait s'établir entre 1.000 et 1.500 milliards d'euros, selon les estimations de la BCE.

Des inconnues demeurent sur l'ampleur des plans de relance, la vigueur de la reprise, la taille réelle des déficits et la part des financements qui sera mutualisée de façon effective en Europe, soulignent les auteurs de la note.

Les banques centrales ont déjà absorbé une partie de ces nouvelles dettes ou fait savoir qu'elles allaient le faire, ajoutent-ils.

"Même si des ajustements seront peut-être nécessaires en ce qui concerne la taille et les modalités des programmes d'achats, il est très probable que les titres de dette d'Etat achetés par les banques centrales resteront durablement à leurs bilans", écrivent Bastien Drut et Juliette Cohen.

"Cela devrait permettre d'apaiser les craintes sur la solvabilité des Etats."

(Patrick Vignal, édité par Blandine Hénault)