La FTC, principale autorité en matière de concurrence aux Etats-Unis, a voté en faveur de cet arrangement à l'amiable par trois voix contre deux; ses membres démocrates ont jugé que l'accord, qui doit encore être validé par la justice, n'allait pas assez loin ou que l'amende n'était pas assez lourde.

"Alors qu'il n'a cessé de promettre à ses milliards d'utilisateurs dans le monde qu'ils seraient en mesure de contrôler la façon dont les données personnelles étaient partagées, Facebook a restreint les choix des consommateurs", dit le président de la FTC Joe Simons, un républicain, dans un communiqué.

Rohit Chopra, commissaire démocrate de la FTC, estime que la pénalité revient à accorder l'immunité aux responsables de Facebook, à "ne fixer aucune restriction effective au modèle économique de Facebook" et "ne règle pas les problèmes de fond qui ont débouché sur ces infractions."

Facebook, dont l'action perdait 1,7% à Wall Street dans les premiers échanges, a accepté en outre de verser 100 millions de dollars pour mettre un terme à l'accusation d'avoir trompé les investisseurs sur l'usage qui était fait indûment des données des usagers, a annoncé la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain.

Facebook a refusé de s'exprimer avant la publication de l'accord mais l'a fait par la suite.

La FTC reproche à Facebook d'avoir trompé des "dizaines de millions" d'internautes qui utilisent son application de reconnaissance faciale et d'avoir trompé les internautes sur l'utilisation qui serait faite de leur numéro de téléphone et sur une procédure d'authentification.

Dans le cadre de l'accord, Facebook va créer un comité indépendant sur la vie privée qui mettra fin au "contrôle illimité du PDG de Facebook Mark Zuckerberg sur les décisions touchant à la vie privée".

Facebook a également accepté d'exercer un contrôle plus strict sur les applications de tierces parties.

BON POUR LES RÉPUBLICAINS, MAUVAIS POUR LES DÉMOCRATES

Chopra et Rebecca Slaughter, autre commissaire démocrate de la FTC, jugent que l'amende de cinq milliards de dollars ne couvre peut-être même pas les bénéfices que Facebook a tirés de l'usage répréhensible des données des internautes.

"Tant que nous n'aurons pas frappé Facebook directement au portefeuille pour les risques qu'il fait courir à la sécurité intérieure et à notre vie privée nous ne pourrons pas empêcher ces problèmes de resurgir", a dit Chopra.

Slaughter estime elle que la FTC aurait dû poursuivre Facebook et Zuckerberg devant la justice.

Les républicains, majoritaires à la FTC, affirment eux que le compromis "réduit de manière significative le pouvoir de M. Zuckerberg, ce qu'aucun organisme gouvernemental dans le monde n'avait jusqu'à présent réussi à faire".

Si la FTC était allée devant les tribunaux "il est très peu probable qu'un juge aurait imposé une pénalité au civil qui soit le moins du monde comparable à celle-ci", expliquent les commissaires républicains.

Ils observent que Zuckerberg et d'autres responsables de Facebook doivent attester tous les trimestres de la bonne conduite du réseau social en matière de respect de la vie privée.

Facebook estime que l'accord passé avec la FTC lui donnera "un nouveau cadre général de protection des données personnelles" et qu'il s'attend à détecter d'autres problèmes dans la mesure où il va passer ses systèmes en revue.

"A l'avenir, notre approche du contrôle de la vie privée sera parallèle à notre approche du contrôle financier, avec une procédure et des certifications individuelles rigoureuses destinées à s'assurer que nos contrôles fonctionnent et que nous les détectons et les réparons dans le cas contraire", dit Colin Stretch, conseiller juridique de Facebook dans un communiqué.

Pour le sénateur démocrate Richard Blumenthal, l'accord passé avec la FTC n'est qu'un "cache-sexe" qui exonère "les dirigeants de toute responsabilité".

"En recourant à une amende monétaire pour dissuader Facebook, la FTC montre qu'elle ignore les leçons du passé. Facebook a déjà provisionné cette amende face aux profits exceptionnels engrangés depuis 10 ans d'usage illicite des données".

La FTC avait confirmé en mars 2018 l'ouverture d'une enquête sur l'affaire Cambridge Analytica. Facebook avait été accusé d'avoir indûment partagé les informations de 87 millions d'usagers avec ce consultant britannique à présent disparu.

Le bouclage controversé de cet épineux dossier intervient alors même que le département de la Justice (DOJ) des Etats-Unis a annoncé mardi l'ouverture une enquête antitrust pour déterminer si les grandes firmes des technologies numériques étaient engagées dans des pratiques anticoncurrentielles.

Le DOJ ne mentionne pas de sociétés en particulier mais dit que son enquête portera entre autres sur "la recherche, les médias sociaux et certains services de distribution en ligne", ce qui semble se référer à des sociétés telles qu'Alphabet, Amazon.com et Facebook, voire même Apple.

(Juliette Rouillon et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)

par David Shepardson