Il y a quelques semaines, Zonebourse avait abordé l'hypothèse du retour des acquisitions dans le secteur du luxe, pour pallier un rythme de croissance qui devrait se normaliser après une décennie dorée. L'opération annoncée ce matin par LVMH conforte notre sentiment. Mais le numéro un du secteur a pris le marché à contrepied en frappant là où il n'était pas attendu.  
 
Mais que vient faire LVMH dans l'hôtellerie ? Premier élément de réponse, le groupe y est déjà : il exploite des hôtels, via deux marques. L'hôtellerie ultra-luxe de LVMH s'appelle Cheval-Blanc, avec des implantations à Courchevel, aux Maldives, à Saint-Barthélémy et bientôt à Paris (La Samaritaine) et à Saint-Tropez (Résidence de la Pinède). Le directeur général de LVMH Hotel Management, Olivier Lefebvre, a bâti son expérience chez Starwood, un des grands acteurs du secteur. Le groupe opère aussi via Bulgari Hotels & Resorts, à 50% avec Marriott. Cette chaîne possède déjà des établissements à Milan, Londres, Bali, Pékin, Dubaï et Shanghai (523 chambres au total). Des implantations à Paris, Moscou et Tokyo sont programmées d'ici 2020 (239 chambres au total).

Fatigué(e) des Auberges de Jeunesse ? Le Bulgari de Londres et le Cheval Blanc de Courchevel (Copies d'écrans sites internet des sociétés)
 
Six fois plus d'hôtels avec Belmond
 
Mais l'opération Belmond pourrait marquer un tournant. Cheval Blanc est la déclinaison d'une marque interne emblématique, qui a vocation à rester dans la confidentialité de l'ultra-luxe. Chez Bulgari Hotels & Resorts, la griffe italienne filiale de LVMH apporte son savoir-faire, sa marque et son design, la gestion opérationnelle étant assurée par Marriott. Cheval Blanc et Bulgari Hotels & Resorts représentent fin 2018 un total de neuf hôtels très sélects.
 
Belmond, c'est 46 hôtels, trains et croisières fluviales de plus dans 24 pays. LVMH va payer 3,2 milliards de dollars pour s'offrir l'entreprise cotée à New York (dont 600 millions de dollars de dette). Le chiffre d'affaires de Belmond a atteint 572 millions de dollars et sa marge d'Ebitda 24,5%. Jusqu'en 2014, la société s'appelait encore Orient-Express Hotels. Parmi ses actifs les plus emblématiques, figurent le Cipriani à Venise, le Splendido à Portofino ou le Copacabana Palace de Rio de Janeiro, mais aussi le train Venice Simplon-Orient-Express, le Belmond Royal Scotsman et les croisières Belmond Road to Mandalay.
 

Les implantations Belmond dans le monde (Source Slide Belmont - Cliquer pour agrandir)
 
Une offre destinée à une "clientèle exigeante", avec des "expériences rares" et des "actifs emblématiques" dans des lieux "parmi les plus exceptionnels au monde" : Bernard Arnault ne tarit pas d'éloges sur le portefeuille de Belmond, qu'il juge "parfaitement complémentaire" des maisons Cheval Blanc et Bulgari. Il faut noter que l'enseigne est généralement propriétaire ou co-propriétaire de ses hôtels, ce qui constitue une rareté dans un secteur désormais dominé par la stratégie "asset light" (les opérateurs louent les murs des hôtels). 
 
Une nouvelle brique dans la stratégie ? 

Face au poids des objets de luxe vendus par LVMH, il est sans doute prématuré d'imaginer que la branche hôtellerie pourrait devenir une division majeure. Actuellement, il est déjà difficile de connaître les performances financières des actifs concernés. Ils sont logées dans le compartiment "autres activités" des comptes de LVMH, qui comprennent aussi les frais de holding et qui affichent par conséquent des revenus négatifs de -596 millions d'euros et -357 millions d'euros de pertes (vs. 42,6 milliards d'euros de revenus 2017). Ces autres activités regroupent aussi bien le pôle médias (Les Echos, Investir, Le Parisien-Aujourd'hui en France, Connaissance des Arts, Radio Classique), l'ensemble immobilier La Samaritaine en cours de réhabilitation et d'autres investissements dans la Pierre, le fabricant de yachts néerlandais Royal Van Lent, la pâtisserie Cova de Milan, le Jardin d'Acclimatation et LVMH Hotel Management. Ces "autres activités" employaient 4 719 personnes au 31 décembre 2017, mais en intégrant les fonctions support du siège.
 
"L’intérêt de l’opération doit être perçu en fonction de l’atout que constitue l’hôtellerie d’exception dans les perspectives du grand luxe en général, pour satisfaire la classe montante des milliardaires dont les exigences vont croissantes", estime le bureau d'études Invest Securities, qui note que le marché pourrait trouver la transaction un peu chère compte tenu des performances financières affichées. Le changement de patronyme de Belmond s'était accompagné d'un plan d'amélioration des performances qui n'a pas vraiment porté ses fruits. En première approche, Berenberg estime que l'opération apporte un effet relutif de moins de 1% sur le bénéfice par action du groupe, autant dire une goutte d'eau. La rumeur d'une mise en vente de l'enseigne circulait d'ailleurs depuis quelques temps. "Si certains investisseurs risquent d'avoir quelques interrogations sur cette opération qui semble un peu extérieure au coeur de métier de LVMH, je pense au contraire qu'elle est cohérente avec la stratégie de long terme du groupe d'offrir au consommateur toute une palette d'expériences haut de gamme", précise Zuzanna Pusz, qui suit le secteur au sein de la banque allemande.

Pour terminer sur une anecdotye, le nom d'Accor avait été cité aux Etats-Unis comme prétendant potentiel... Accor qui coexploite d'ailleurs désormais la marque Orient-Express avec la SNCF. Mais personne, à notre connaissance, n'avait vu venir LVMH.