(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* L'optimisme de la Fed fait bondir les rendements obligataires

* Un handicap de plus pour les marchés émergents

* Commerce, budget italien et Brexit, trois dossiers en suspens

* Le début de la saison des résultats à surveiller

par Marc Angrand

PARIS, 8 octobre (Reuters) - L'euphorie n'est généralement pas le trait de caractère dominant d'un banquier central. Raison de plus pour que l'optimisme exprimé ces derniers jours par Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed) ait suscité sur les marchés une réaction spectaculaire.

En saluant mardi les perspectives "remarquablement positives" de l'économie américaine et en évoquant le lendemain la possibilité d'un relèvement des taux au-delà de leur niveau neutre, Jerome Powell a précipité l'emballement des rendements des Treasuries.

Le rendement des bons du Trésor à dix ans affichait vendredi un bond de près de 15 points de base sur la semaine, au plus haut depuis la mi-2011. Une hausse qui a dopé le dollar et s'est propagée à l'Asie et à l'Europe, favorisant les valeurs financières.

Au-delà de l'optimisme affiché par Jerome Powell et plusieurs de ses collègues de la Fed, la remontée des rendements s'appuie sur les indicateurs américains solides, qu'il s'agisse du plus haut de plus de 20 ans de l'indice ISM d'activité dans les services ou du plus bas de 49 ans du taux de chômage, tombé en septembre à 3,7% en dépit d'un ralentissement des créations de postes. Avec à la clé une révision des anticipations de marché en matière de taux d'intérêt.

"Ce qui a pris les marchés par surprise, ce n'est pas tant la vigueur du marché de l'emploi ou de l'économie dans son ensemble mais la vitesse à laquelle celle-ci évolue", note Fiona Cincotta, analyste de CityIndex.

"La spéculation va commencer sur la possibilité que la Fed accélère ses hausses de taux cette année et l'an prochain, ce qui donnerait aux marchés obligataires du carburant supplémentaire pour faire flamber les rendements."

LA GUERRE COMMERCIALE N'EST PAS FINIE

Sans surprise, cette flambée fait souffrir les marchés émergents: leur indice MSCI de référence a perdu plus de 4% sur la semaine, sa plus mauvaise performance hebdomadaire en sept mois, et accuse désormais une chute de plus de 13% depuis le début de l'année.

Le risque de voir les capitaux se détourner de cette classe d'actifs au profit des marchés américains est évidemment la première explication de ce mouvement, avec celui de difficultés supplémentaires pour les entreprises et les Etats émergents endettés en dollar.

La situation devrait être au menu des débats des assemblées générales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale en fin de semaine à Bali, en Indonésie.

En prélude, le FMI aura publié mardi ses nouvelles prévisions économiques, qui devraient notamment intégrer l'envolée récente des cours du pétrole et bien sûr l'intensification des tensions commerciales.

Car si, fête nationale chinoise oblige, l'actualité des derniers jours a échappé à de nouveaux soubresauts dans les tensions commerciales sino-américaines, rien n'est réglé et le sujet devrait dominer la visite prévue lundi à Pékin du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo.

Le sujet est d'autant plus sensible pour les autorités chinoises qu'elles doivent faire face à des signes récurrents de ralentissement de la croissance économique.

En attendant les chiffres du produit intérieur brut (PIB) chinois du troisième trimestre (le 19 octobre), on surveillera vendredi ceux de la balance commerciale chinoise de septembre, et notamment ceux des importations.

Sans attendre, JPMorgan a abaissé jeudi sa recommandation sur les actions chinoises à "neutre" pour intégrer la dégradation des perspectives de croissance.

Autre grand pays émergent sous le feu des projecteurs: le Brésil, avec le premier tour dimanche de l'élection présidentielle, dont les résultats devraient animer les marchés locaux.

NUAGES SUR LA NOTE SOUVERAINE ITALIENNE

En Europe, les investisseurs continueront de surveiller les déclarations sur le Brexit d'une part, sur le budget italien d'autre part.

S'il a fait une première concession en revoyant à la baisse ses objectifs de déficit pour 2019 et 2020, le gouvernement de Giuseppe Conte est loin d'avoir apaisé toutes les inquiétudes et la communication à la Commission européenne du projet de budget détaillé, au plus tard le 15 octobre, pourrait réserver des surprises.

La procédure budgétaire s'étalera sur plusieurs mois mais à très court terme, le risque porte sur les notes souveraines italiennes, puisque S&P et Moody's doivent rendre leur décision à ce sujet avant la fin du mois.

"Les risques de dégradation (d'un échelon, notamment par Moody's) ont nettement augmenté après la publication des objectifs de déficit révisés", estime Fabio Fois, économiste de Barclays, pour qui "la qualité et la crédibilité des futurs objectifs de déficit primaire" seront des éléments déterminants des décisions des agences de notation.

Reflet des doutes du marché, l'écart de rendements (spread) entre les titres à dix ans italiens et allemands a atteint son plus haut niveau depuis cinq ans.

L'horizon semble pour l'instant plus dégagé concernant le Brexit, les déclarations, à Londres comme à Bruxelles, semblant nettement plus optimistes ces derniers jours sur la possibilité d'un compromis dans les prochaines semaines.

La livre sterling a apprécié, reprenant près de 1% face au dollar et à l'euro sur les dernières séances.

QUEL HORIZON ÉCONOMIQUE ET FINANCIER POUR 2019 ?

La semaine à venir marquera aussi le début des publications de résultats des grands groupes cotés pour le trimestre juillet-septembre.

Le cru du troisième trimestre devrait confirmer le dynamisme des profits, avec une croissance attendue à 21,6% sur un an pour les sociétés composant le Standard & Poor's 500 et à 13,9% pour celles du Stoxx 600 européen selon les dernières données Refinitiv, tirée avant tout par le secteur pétrolier.

Mais surtout, les présentations de trimestriels seront pour beaucoup d'entreprises l'occasion de présenter pour la première fois des prévisions chiffrées pour l'année prochaine.

Côté américain, le marché décortiquera vendredi les comptes de trois des principales banques des Etats-Unis, Citigroup , JPMorgan Chase et Wells Fargo.

En Europe, c'est LVMH, le numéro un mondial du luxe, qui ouvrira le bal en publiant son chiffre d'affaires trimestriel mardi soir. Il sera attendu notamment sur l'évolution des ventes en Chine, un marché clé pour le secteur, qui suscite régulièrement des inquiétudes.

Au-delà, note Gilles Guibout, responsable des actions européennes chez AXA IM, "sur le plan économique, les investisseurs vont commencer à se projeter sur 2019, tant sur les évolutions d'inflation compte tenu d'un marché du travail tendu aux Etats-Unis, que sur la vigueur de la croissance et de la politique monétaire".

"Aussi, même si la baisse récente des marchés a permis de retrouver des niveaux de valorisations plus acceptables, il est difficile d'imaginer un rebond significatif à ce stade", ajoute-t-il.

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(Edité par Blandine Hénault)