WASHINGTON (awp/afp) - La crise politique et économique au Venezuela coûte cher aux entreprises américaines qui ont beaucoup investi dans ce pays, comme en témoigne la récente saisie par le gouvernement de l'usine du constructeur automobile General Motors.

Le premier constructeur automobile américain, présent au Venezuela depuis 69 ans, a en conséquence licencié ses quelque 2.700 employés. Cette usine, située dans la ville de Valencia, était déjà de-facto à l'arrêt, incapable d'écouler sa production face au chaos qui règne dans ce pays.

GM n'est pas le seul groupe américain victime de la crise vénézuélienne. Le papetier Kimberly-Clark avait vu son usine occupée en juillet dernier et passé dans la foulée une charge de 153 millions liée à la déconsolidation de ses opérations vénézuéliennes.

Même chose pour le biscuitier Mondelez qui a inscrit l'an dernier une charge de 778 millions de dollars pour sortir de ses comptes ses activités dans le pays. Le groupe américain continue d'y vendre ses célèbres Oreo mais n'arrive plus à en comptabiliser les ventes. Pour le limonadier Pepsi, la même situation l'a conduit à inscrire une charge de 1,4 milliard de dollars en octobre.

La chute continue du cours de la monnaie vénézuélienne, l'hyperinflation et la désorganisation du pays rendent impossible pour ces multinationales de calculer précisément leurs revenus sur le marché vénézuélien.

Pourtant, ce pays latino-américain a longtemps été considéré comme un eldorado pour les entreprises américaines. La manne pétrolière, l'existence d'une classe moyenne aisée et la proximité géographique (la Floride et le Venezuela ne sont séparés que par la mer des Caraïbes) en faisaient un marché potentiellement très lucratif.

Mais les relations entre Washington et Caracas se sont progressivement détériorées. En vingt ans, les importations de pétrole vénézuélien aux Etats-Unis ont diminué de plus de moitié, même si elles continuent d'être une source de devises vitale pour un Etat en quasi-faillite.

Washington est aussi directement accusé par les autorités vénézuéliennes d'être derrière les émeutes et les relations entre les Etats-Unis et le prédécesseur de Nicolas Maduro, Hugo Chavez, étaient notoirement mauvaises.

- Situation inconfortable -

Le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, se retrouve dans une situation inconfortable. Il était, avant d'occuper cette fonction, PDG du groupe pétrolier américain ExxonMobil dont les relations avec les autorités vénézuéliennes sont depuis plusieurs décennies difficiles.

Caracas avait ainsi été condamné en 2014 à payer 1,4 milliard de dollars à ExxonMobil pour la nationalisation d'un champ pétrolier sous la présidence de Chavez. Cette amende a toutefois été annulée en mars par l'instance d'appel du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdri), une juridiction d'arbitrage de la Banque mondiale.

ExxonMobil envisage aussi de forer dans un gisement pétrolier contesté entre le Guyana et le Venezuela, appelé Essequibo, et dont la revendication a provoqué une crise politique en 2015 entre ces deux pays, pourtant autrefois amis.

Un autre sujet de friction potentiel entre Washington et Caracas est la présence aux Etats-Unis du réseau de stations-service Citgo, propriété de la compagnie nationale pétrolière vénézuélienne PDVSA.

Des élus américains, au premier rang desquels les anciens candidats républicains à la présidence Marco Rubio et Ted Cruz, se sont inquiétés récemment de la possibilité de voir le groupe pétrolier russe Rosneft mettre la main sur Citgo, basée à Houston (Texas).

Cette crainte vient du fait que Citgo a été apporté comme garantie par PDVSA dans le cadre d'une émission de dette à laquelle a souscrit Rosneft en décembre. Si PDVSA se révélait incapable de rembourser, Rosneft pourrait alors réclamer Citgo en dédommagement.

- Sécurité nationale -

"Nous sommes fortement préoccupés par le fait que le contrôle par Rosneft d'un important fournisseur d'énergie américain pourrait faire peser une grave menace sur la sécurité de l'approvisionnement en énergie du pays, impacter les livraisons d'essence aux consommateurs américains et exposer des infrastructures américaines essentielles à des menaces en terme de sécurité nationale", ont écrit le 10 avril dans une lettre adressée au secrétaire au Trésor Steve Mnuchin, MM. Rubio, Cruz et quatre autres sénateurs.

Selon Matthew Taylor, expert pour l'Amérique latine auprès du Center for Foreign Relations à Washington, l'administration Trump semble suivre la même politique que celle de son prédécesseur Barack Obama face à la crise vénézuélienne.

"Les Etats-Unis ont imposé des sanctions ciblées sur des ressortissants vénézuéliens, comme le vice-président El-Aissami, mais ont sagement résisté à la tentation de confronter le régime plus directement et unilatéralement, laissant les pays latino-américains assurer la gestion. Mais la patience semble s'épuiser à Washington", prévient-il dans un blog.

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