* Sanofi veut redevenir un des grands acteurs de l'oncologie

* Parie sur l'immunothérapie et l'oncologie moléculaire

* Dit que les combinaisons de produits feront la différence sur ce marché très concurrentiel

* Un chercheur réputé venu de Roche va diriger sa R&D à compter de juillet

par Matthias Blamont

PARIS, 20 juin (Reuters) - Après avoir manqué le train de l'immuno-oncologie, Sanofi mise sur la prochaine génération de médicaments pour redevenir un acteur de premier plan dans le cancer.

Le groupe pharmaceutique français a recruté un chercheur parmi les plus réputés du secteur pour prendre la direction mondiale de sa recherche et développement. John Reed, qui dirigeait les activités mondiales de R&D du suisse Roche Pharma , leader mondial du marché de l'oncologie, prendra ses fonctions le 1er juillet.

Et Sanofi met l'accent sur un portefeuille de 10 produits grâce auxquels il espère bien rafler une part de ce gâteau de 100 milliards de dollars annuels.

Dmitri Wiederschain, à la tête de la recherche en immuno-oncologie de Sanofi, reconnaît que le groupe n'est pas parvenu à tirer profit du décollage de l'immunothérapie - des produits qui activent le système immunitaire du patient pour attaquer les cellules cancéreuses - au début des années 2010.

Mais il ajoute que Sanofi pourrait prendre l'avantage avec les prochaines générations de traitements d'immunothérapie, notamment ceux qui combinent différents produits pour mieux cibler la maladie.

"C'est, bien sûr, un secteur très concurrentiel mais nous avons maintenant les 'actifs fondateurs' pour être mieux placés dans les combinaisons (de produits)", a-t-il déclaré lors d'un entretien à Reuters en citant les approches d'immunothérapie qui ciblent les protéines PD-1 et CD38 ou la cytokine TGF-beta.

"Si on regarde le panorama de la biopharmacie, Sanofi est le seul laboratoire qui dispose de ces trois actifs dans son propre portefeuille ou en partenariat avec Regeneron", a-t-il souligné.

Sanofi fait équipe avec l'américain Regeneron depuis 2007 pour augmenter sa présence dans les biotechnologies.

INNOVATIONS PONCTUELLES

L'immunothérapie est le segment de l'oncologie qui croît le plus vite, avec des ventes annuelles estimées à 25 milliards de dollars (22 milliards d'euros) d'ici 2021, selon des projections d'analystes compilées par Thomson Reuters.

Frédéric Ponchon, gérant chez Sycomore Asset Management qui détient 6,7 millions de titres Sanofi, estime que le champion français ne sera pas en mesure de rivaliser dans un proche avenir avec des leaders de l'oncologie comme Roche et l'américain Merck & Co.

"On voit que Sanofi prend en compte le cancer sérieusement mais il faut garder à l'esprit que les cycles de R&D sont très longs. Je dirais que Sanofi ne sera pas un grand acteur de l'oncologie mais qu'il pourrait connaître des succès ponctuels."

Les champs d'activité principaux de Sanofi sont le diabète, les maladies cardiovasculaires et les vaccins, et les traitements anticancéreux ne représentent que 4% environ de ses ventes. Son chiffre d'affaires en oncologie est ressorti à 1,7 milliard de dollars l'an dernier, contre 25,9 milliards pour Roche.

Sanofi n'a pas toujours été à la traîne en oncologie. Dans les années 1990, il produisait des médicaments phares dans ce domaine comme le Taxotere et l'Eloxatin. Cela fait néanmoins sept ans que le groupe a commercialisé son dernier anticancéreux, le Zaltrap, qui est indiqué dans le cancer colorectal métastatique et a généré un chiffre d'affaires de 75 millions d'euros en 2017.

Pendant ce temps, des laboratoires comme Bristol-Myers Squibb et Merck & Co ont développé leurs blockbusters en immunothérapie. Les traitements efficaces dans ce segment peuvent être vendus plus de 100.000 dollars par an.

Dans la panoplie anticancer actuelle de Sanofi, seul un produit est parvenu au stade de l'examen par les autorités réglementaires des Etats-Unis et de l'Union européenne. Il s'agit de l'anticorps monoclonal humain cemiplimab dans le traitement du carcinome épidermoïde cutané.

Regeneron est le partenaire du groupe français dans ce projet.

UN MARCHÉ ENCOMBRÉ

Sanofi compte soumettre aux autorités sanitaires américaines un autre de ses candidats, l'isatuximab pour traiter le myélome multiple, dans le courant de cette année ou au début 2019.

Avec plus de 2.000 produits d'immunothérapie dans le domaine du cancer, la concurrence n'a jamais été aussi rude, chaque laboratoire jouant des coudes pour faire breveter sa propre version de médicaments souvent similaires.

"Le potentiel du marché est réellement très important mais il y a aussi un très grand nombre d'acteurs, c'est le challenge", commente Nicolas Baudouin, directeur chez Standard & Poor's, à propos de l'immunothérapie.

La plupart des traitements d'immunothérapie ne sont efficaces que sur une minorité de patients, ce que les laboratoires espèrent améliorer en combinant différents produits qui ciblent les tumeurs de différentes façons.

Cette approche, pour laquelle Sanofi s'estime bien armé, s'est révélée difficile jusqu'ici pour les groupes pharmaceutiques. Une étude a montré cette année qu'un médicament expérimental mis au point par l'américain Incyte n'avait pas permis de renforcer l'efficacité du Keytruda, un blockbuster de Merck prescrit dans le cancer de la peau.

Un essai de combinaison de produits a de même échoué pour Roche le mois dernier dans le cancer colorectal.

L'oncologie moléculaire, qui s'intéresse aux modifications de la structure des cellules cancéreuses, sera aussi à l'avenir un élément important de différenciation entre laboratoires concurrents, a déclaré Dmitri Wiederschain.

"Il s'agit de mieux comprendre ce qui fait proliférer les tissus cancéreux, comment fonctionnent les cellules et les mécanismes de prolifération dans l'organisme", a-t-il dit.

Sanofi a lancé des essais précliniques dans le cancer du sein en utilisant cette technologie.

(Dominique Rodriguez pour le service français, édité par Véronique Tison)