Après plusieurs jours de rumeurs sur un remaniement à sa tête, Renault a convoqué vendredi matin un conseil d'administration "afin de se prononcer sur la gouvernance du groupe". Dans une démarche peu commune, Thierry Bolloré a pris la parole dans les Echos pour défendre sonA bilan et dénoncer un risque de déstabilisation, nouveau coup de théâtre dans la crise qui a éclaté au grand jour à la tête de Renault.

"La brutalité et le caractère totalement inattendus de ce qui est en train de se passer sont stupéfiants", a-t-il dit dans une interview au journal économique. "La seule chose que l'on me reproche peut-être, c'est d'avoir été nommé directeur-général adjoint début 2018, sur proposition de Carlos Ghosn, à l'unanimité du conseil."

Une source au sein de l'Etat français a indiqué mercredi à Reuters qu'un remaniement à la tête du groupe au losange était bien sur la table, confirmant une information du Figaro selon laquelle Jean-Dominique Senard allait proposer le remplacement de Thierry Bolloré au prochain conseil d'administration avec l'aval de l'Etat actionnaire.

Récusant toute faute sur le plan opérationnel au motif qu'une remontée du cash est en cours, Thierry Bolloré a estimé que son sort n'était pas encore scellé.

"Tant que le conseil d'administration de Renault ne s'est pas prononcé, par définition, rien n'a pu être décidé", a-t-il dit. "J'en appelle au plus haut niveau de l'Etat actionnaire, garant des règles de bonne gouvernance, pour ne pas déstabiliser Renault, fleuron de notre industrie française."

"Ce coup de force est très inquiétant, il est très important de comprendre les tenants et aboutissants de ce qui se passe au Japon", a-t-il ajouté, précisant qu'il réservait cette analyste pour le conseil d'administration, comme il l'a dit aux salariés du groupe.

Invité par Reuters à commenter ces propos, le ministère de l'Economie a dit avoir confiance en Jean-Dominique Senard "pour proposer au conseil d'administration les décisions nécessaires pour mettre en oeuvre la stratégie de l'alliance et de Renault soutenue par l'État actionnaire".

DES CHANGEMENTS EN SERIE POUR L'ALLIANCE

La perspective d'un changement à la tête de Renault intervient peu après que Nissan s'est choisi une nouvelle direction pour tenter de tourner la page Carlos Ghosn, redresser son activité et donner un nouveau souffle à son alliance avec son partenaire français.

Makoto Uchida deviendra directeur général et Ashwani Gupta directeur général délégué du groupe japonais à compter du 1er janvier prochain, un choix salué par Renault et par l'Etat français et qui peut laisser augurer un approfondissement des liens entre les deux groupes, et non plus un repli de la partie japonaise sur elle-même.

Encore sous le choc de l'arrestation au Japon du PDG Carlos Ghosn, fin 2018, Renault avait nommé fin janvier Thierry Bolloré au poste de directeur général afin de maintenir, au côté du nouveau président Jean-Dominique Senard, le fil rouge opérationnel qu'il incarnait depuis début 2018.

Le conseil d'administration avait aussi fixé pour mission à Jean-Dominique Senard de restaurer la confiance avec Nissan et de donner au groupe au losange une nouvelle gouvernance. Or Thierry Bolloré, âgé de 56 ans, reste associé aux années Ghosn.

"Il faut parfois savoir changer les personnes qui sont là depuis longtemps", a dit à Reuters une autre source au fait de la vision qu'a l'Etat du dossier.

Selon BFM Business, la directrice financière Clotilde Delbos pourrait assurer l'intérim de la direction générale.

Agée de 52 ans, elle a rejoint Renault en 2012 après avoir travaillé au sein du groupe d'aluminium Constellium. Elle est directrice financière du constructeur depuis 2016 et l'un des douze membres de son comité exécutif.

(Avec Sarah White, édité par Bertrand Boucey et Jean-Michel Bélot)

par Gilles Guillaume