par Juliette Rouillon et Noëlle Mennella

En 2008, ce médicament a dégagé un chiffre d'affaires de 2,45 milliards d'euros.

Lors d'une conférence avec les analystes, Chris Viehbacher a rappelé que l'agence européenne du médicament n'avait pas demandé aux malades qui ont du Lantus de changer de traitement.

Il a aussi évoqué "la mauvaise qualité" des études publiées vendredi et répété que Sanofi-Aventis continuerait à surveiller la bonne tolérance du Lantus en collaboration avec des diabétologues et des cancérologues.

Il a toutefois indiqué que de vastes études cliniques prospectives ne seraient pas pour autant engagées car elles prendraient trop de temps.

Alors que l'action du numéro quatre mondial de la pharmacie a chuté de plus de 12% jeudi et vendredi, Chris Viehbacher a estimé que le Lantus était surtout "un événement boursier". Selon lui, la communauté médicale est "beaucoup moins impressionnée".

Lundi le titre a clôturé sur un gain de 1,47% à 41,4 euros.

Sanofi-Aventis compte beaucoup sur le Lantus, dont de nombreux analystes estiment qu'il pourrait représenter sa deuxième plus forte vente cette année, afin de compenser la perte de vitesse de ses autres médicaments phare, Plavix et Lovenox, concurrencés par les produits génériques.

DÉGÂTS D'IMAGE

Les analystes jugent que les résultats des études sur le risque cancérigène du Lantus sont contradictoires et non concluants, mais restent néanmoins prudents sur l'impact potentiel de cette publicité négative sur les ventes de cet antidiabétique.

"Les études publiées vendredi sont finalement peu impressionnantes mais les dégâts d'image mettront du temps à se résorber", observe Philippe Lanone de chez Natixis. L'analyste remarque que la destruction de valeur a atteint quelque neuf milliards d'euros en trois jours.

"Ce qui compte, c'est de savoir l'impact que cela aura sur les ventes. Or, nous n'aurons cette information qu'en octobre lors de la publication des ventes du troisième trimestre", déclare pour sa part Arsene Guekam (CM-CIC).

Plusieurs brokers ont revu en baisse lundi matin leurs recommandations, leurs objectifs de cours ou leurs estimations de résultats du groupe, ainsi que du chiffre d'affaires dégagé par le Lantus, suivant l'exemple d'autres brokers vendredi.

Après JP Morgan et Morgan Stanley, Oddo Securities et Exane BNP Paribas ont abaissé leur recommandation sur le titre lundi.

Oddo est passé d'"achat" à "accumuler" sur le titre. Le broker met cependant en avant le fait que ces études n'ont pas tiré de conclusion définitive et estime donc qu'elles ne devraient pas mener au "tremblement de terre" redouté.

Exane est passé de "surperformance" à "neutre" sur le titre. Ses analystes estiment que les études sont contradictoires et non concluantes, mais qu'elles peuvent avoir un impact durable.

Bien que les résultats de ces études ne soient pas clairs, la publicité massive dont elles ont fait l'objet place Sanofi dans la position inconfortable d'avoir à défendre la sécurité du Lantus et à prouver qu'il n'est pas cancérigène. Cela peut prendre des semaines, sinon des mois, écrivent-ils.

CONFLIT D'INTÉRÊT ?

Entre le scénario rose - où patients et médecins considéreraient qu'il s'agit d'un non-événement - et le scénario noir - où le chiffre d'affaires du Lantus chuterait de 50% - Exane retient une hypothèse médiane et fixe son objectif de cours à 47 euros, entre un plus haut de 53 euros et un plus bas de 41 euros.

Morgan Stanley estime en revanche que ces études "confirment les craintes qui ont motivé notre récente dégradation du titre" et abaisse massivement ses estimations de ventes du Lantus.

"Maintenant que nous avons ces données en main, nous abaissons nos estimations de chiffre d'affaires du Lantus et de bénéfice par action, de 52% et 11% pour 2010 et de 85% et 23% pour 2015, dit le broker qui anticipe un mouvement vers d'autres thérapies telles que Levemir de Novo Nordisk ou encore le Byetta, commercialisé par le laboratoire américain Eli Lilly en collaboration avec Amylin Pharmaceuticals.

La rumeur d'un lien entre le troisième médicament le plus vendu de Sanofi et le risque de cancer est partie le 11 juin dernier d'une conférence du docteur Ralph DeFronzo, un diabétologue américain, organisée par Credit suisse à l'issue d'un congrès sur le diabète.

Ralph DeFronzo a effectué une étude sur des patients britanniques comparant les avantages du Lantus et du Byetta.

"Le hic c'est que M. De Fronzo est membre du conseil d'administration d'Amylin et que son étude a été financée par Eli Lilly", commente Arsène Guekam, analyste chez CIC Securities.

Le 24 juin, la société de Bourse UBS publie une étude. "Dans nos discussions avec des médecins, peut-on y lire, nous n'avons pas pu confirmer des risques en matière de sécurité mais on nous a fait part d'un certain nombre de préoccupations récurrentes concernant la sécurité, en particulier le fait que l'utilisation de Lantus pourrait être cancérigène".

UBS mentionne à cette occasion que "des données sont en cours d'examen pour évaluer ce risque".

Vendredi, Sanofi dit avoir été informé de nouvelles analyses de données cliniques dont les résultats "ne permettent pas de conclure à une quelconque relation de causalité entre le traitement par Lantus et la survenue de tumeurs cancéreuses".

Quatre études réalisées auprès de 300.000 diabétiques en Europe et diffusées par l'Association européenne d'études sur le diabète (EASD) ne permettent pas d'exclure un lien possible entre l'antidiabétique Lantus et un risque de cancer accru.

Sur son site internet, l'EASD ajoute que ces études menées sur quatre "registres" (bases de données) en Allemagne, en Suède, en Ecosse et au Royaume-Uni sont "loin de permettre de tirer une conclusion", mais "soulignent la nécessité de poursuivre les recherches sur la question".

Édité par Danielle Rouquié