Lausanne (awp/ats) - L'Administration fédérale des contributions (AFC) peut transmettre aux autorités fiscales françaises les données personnelles des détenteurs de 40'000 comptes détenus auprès d'UBS. Le Tribunal fédéral a accepté vendredi par trois voix contre deux un recours de l'AFC.

Contrairement à l'avis du juge rapporteur, la 2e Cour de droit public a estimé que la demande d'entraide administrative n'était pas une "Fishing Expedition" de Paris visant à recueillir au hasard des informations fiscales. Ou à incriminer UBS dans le cadre de la procédure pénale qui est toujours en cours.

La majorité des juges ont estimé que la Direction générale des affaires financières (DGFA) a livré des données suffisantes pour établir qu'une bonne partie des titulaires des comptes pouvaient être raisonnablement soupçonnés de fraude fiscale.

Vent nouveau

Les magistrats ont rappelé que, depuis la révision de la Convention de double imposition liant les deux pays, les demandes d'entraide administrative reposant sur les seuls numéros de compte doivent être admises si elles comportent assez de détails par ailleurs. L'un des juges a souligné qu'un vent nouveau souffle sur la coopération fiscale et que les interprétations restrictives pratiquées longtemps par la Suisse appartiennent au passé.

Le Tribunal fédéral a cependant estimé que les assurances données par Paris d'utiliser les données des titulaires de comptes uniquement à des fins fiscales n'étaient pas sans ambiguïtés. La décision de l'AFC précisera donc que la France devra se conformer au principe de spécialité consacré par la Convention de double imposition.

UBS craint en effet que ces informations ne soient utilisées dans le cadre du procès qui l'oppose à la justice française. En première instance, la banque a été condamnée en février dernier à une amende de 3,7 milliards d'euros et 800 millions de frais de justice.

Qualité pour agir

La question de la qualité d'une banque pour agir en justice afin de s'opposer à la livraison de données de clients a été aussi évoquée. La cour a conclu que le Tribunal administratif fédéral (TAF) aurait dû refuser d'entrer en matière sur le recours d'UBS. En 2018, les juges de Saint-Gall avaient considéré que la DGFA n'avait pas suffisamment établi que les contribuables visés étaient en délicatesse avec le fisc.

Comme le TAF, les deux juges minoritaires estimaient que l'entraide administrative ne devait pas être accordée dans un tel cas car les indices de fraude fiscale n'étaient pas substantiels. En, outre, ils soulignaient que la DGFA a transmis de nombreux éléments au Parquet de Paris en vue du procès contre UBS. On ne peut donc pas exclure qu'en dépit de toutes les assurances, il en aille de même des informations réclamées à UBS.

Après la proclamation du dispositif, la prudence est de mise chez UBS. "Nous prenons acte de la décision et étudierons le verdict avec soin", réagit la grande banque.

"Il est important de noter que l'AFC devra s'assurer qu'aucune donnée ne pourra être utilisée dans la procédure en cours contre UBS en France. C'est l'exigence que le Tribunal fédéral a aussi clairement exprimé", souligne UBS.

Le Département fédéral des finances prend acte de l'arrêt (DFF). Celui-ci fera l'objet d'une analyse approfondie une fois que la motivation écrite sera disponible, communique-t-il. Selon le communiqué, le président de la Confédération et chef du DFF Ueli Maurer souligne que la place financière suisse suit les normes internationales.

L'arrêt concerne l'entraide administrative dans ce cas concret, qui remonte à plusieurs années, explique Ueli Maurer. A l'avenir également, toute demande d'assistance administrative sera examinée en détail pour déterminer si les conditions de transmission des données sont pleinement satisfaites.

Banquiers sceptiques

Quant à l'Association suisse des banquiers (ASB), elle prend acte "avec beaucoup de scepticisme de la décision rendue ce jour". Il n'y a potentiellement plus de certitude que l'assistance administrative en matière fiscale reste purement une assistance administrative., écrivent les banquiers. Les critères définissant les recherches de preuves ciblées pourraient être assouplis, ce qui accroît le risque de "fishing expeditions".

En outre, l'utilisation des données à des fins autres que fiscales pourrait être autorisée, ce qui porterait un coup fatal au principe de spécialité, estime l'association. Or le respect de ce principe est essentiel et constitue une norme internationalement reconnue. L'ASB note que le Tribunal fédéral exige de la France qu'elle respecte le principe de spécialité: "Nous supposons que les autorités fédérales font du respect de ce principe par la France une priorité absolue".

Les numéros des comptes en question figurent sur des listes fournies par l'Allemagne en 2015. Les autorités françaises demandent que soient livrés les noms et adresses des titulaires et ayant-droits, ainsi que les montants en dépôt entre 2010 et 2015. La DGFA estime à 11 milliards de francs suisses le total des fonds déposés sur ces comptes. (arrêt 2C_653/2018 du 26 juillet 2018)

A la Bourse, l'action UBS a fini en recul de 0,87% à 11,35 francs suisses, dans un SMI en hausse de 0,92%.