"Un cycle automobile tiré jusqu'en 2017 par la combinaison de conditions de crédit favorables, déflation sur les coûts, sous-investissement et effet de change est apparemment en train de s'achever", résume l'équipe emmenée par Alexander Haissl dans une étude parue le 21 août. L'analyste en veut pour preuve les signaux défavorables qui se sont multipliés début 2018 et qui ont abouti à l'abaissement des perspectives de plusieurs sociétés du secteur.

Mais les causes citées à l'origine, arrivée des nouveaux droits de douane et contraintes réglementaires accrues, sont l'arbre qui cache la forêt, estime Haissl, qui pense que la réalité est moins exogène et qui pointe plus volontiers les baisses de marges sur certains marchés et segments très rentables et la forte détérioration des cash-flows, qui vont peiner à couvrir les dividendes. Le risque le plus grand, selon les spécialistes de Berenberg ? Une certaine tendance à la procrastination de la part des constructeurs, qui se voilent la face avec des causes extérieures alors qu'ils feraient mieux de se préoccuper de la disparition de certains éléments qui ont porté le marché sur les dix dernières années.

Qu'est-ce qui chiffonne Berenberg ?
• La marge cash du secteur (qui intègre l'investissement) a baissé de 3,1% en 2015 à 2,7% en 2017.
Cette marge cash a plus baissé chez les constructeurs premium (de 5,1% à 3,6%) alors qu'elle est restée stable chez les constructeurs grand public (i.e. 2,5%).
• 2018 devrait être la première année depuis 2012 à enregistrer une baisse des résultats.
• Les investissements "verts" (véhicules électriques, technologies de contrôle des émissions) risquent d'être plus compliqués que prévu à rentabiliser compte tenu des bouleversements technologiques de rupture et de la difficulté à franchir de nouvelles étapes dans les émissions de CO2.
• La hausse des salaires, constatée notamment en Allemagne et aux Etats-Unis, est un effet de fin de cycle qui va peser de plus en plus lourd sur les marges.
Les marges financières, qui ont porté les résultats, sont en train de se dégrader.
• Le secteur est engagé dans une période prolongée de révision en baisse des résultats.
• Le marché avait sous-estimé les éléments positifs qui soutenaient l'automobile en 2010 et sous-estiment les éléments négatifs qui sont actuellement à l'œuvre.

Dans un tel contexte, le bureau d'études a conservé ses recommandations mais a ajusté un certain nombre d'objectifs :
Bayerische Motoren Werke (BMW) : conserver, objectif relevé de 79 à 82 EUR. Souvent perçu comme "le dossier le moins enthousiasmant" de l'automobile en Allemagne parce qu'il manque de catalyseurs, c'est au contraire le mieux géré, selon Berenberg, avec de bons arguments dans un marché plus compliqué mais un potentiel de hausse modeste.
Daimler : vendre, objectif abaissé de 57 à 52 EUR. Le dividende paraît fragile, car la détérioration des cash-flows chez Mercedes est trop rapide pour être couverte par les dividendes de la coentreprise chinoise et par la bonne santé des poids lourds.
Volkswagen : vendre, objectif relevé de 120 à 125 EUR. Les espoirs déçus d'une scission des camions et la suppression progressive des facteurs de soutien sectoriels vont peser, estime l'analyste. Des progrès ont été réalisés après le scandale du diesel, mais les perspectives de résultats sont désormais incertaines.
Renault : conserver, objectif abaissé de 82 à 76 EUR. En dépit de la nette baisse du titre ces derniers mois, l'analyste ne voit pas beaucoup de raisons pour une remontée significative. Il demeure préoccupé par la faiblesse de la génération du cash-flow libre sur le cœur de métier. Jusqu'à présent, le groupe a bien géré les dévaluations sur certains marchés émergents clefs, mais cela va-t-il continuer ?
Fiat Chrysler : conserver, objectif abaissé de 17,80 à 14 EUR. Le scénario est en train de changer sur le dossier, estime Berenberg, car il est rentré dans le rang et est redevenu dépendant au cycle (celui qui se dégrade, donc). La période de surperformance par rapport au marché semble terminée, après des trimestriels décevants.
General Motors : vendre, objectif réduit de 34 à 33 USD. Le dividende est à risque après la détérioration des cash-flows au premier semestre. Jusqu'à présent, le dossier était porté par son rendement et par de bonnes décisions stratégiques, mais les options sont désormais taries.
• L'analyste est aussi vendeur sur Peugeot (objectif inchangé de 17 EUR) et Ford (objectif inchangé de 7 USD) mais sans faire de commentaire spécifique sur les deux dossiers.