22 mai 2020

Compte rendu de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs

de la Banque centrale européenne

qui s'est tenue à Francfort-sur-le-Main

le mercredi 29 et le jeudi 30 avril 2020

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Christine Lagarde

Présidente de la Banque centrale européenne

Traduction : Banque de France

En cas de question, la version anglaise fait foi.

1. Examen des évolutions financières, économiques et monétaires et des options possibles

Évolutions sur les marchés financiers

Mme Schnabel a procédé à l'examen des évolutions intervenues sur les marchés financiers depuis la précédente réunion de politique monétaire régulière du Conseil des gouverneurs des 11 et 12 mars 2020. En dépit de l'atténuation du sentiment général d'aversion au risque et de l'amélioration progressive de la liquidité de marché, les marchés financiers ont continué de montrer des signes de fragilité, essentiellement de quatre points de vue.

Premièrement, la plupart des écarts de rendement des obligations souveraines de la zone euro se sont creusés par rapport aux obligations allemandes de référence, indépendamment de leur notation de crédit. Dans certaines juridictions, les écarts de rendement des obligations ont temporairement retrouvé, voire dépassé, les niveaux observés avant l'annonce du programme d'achats d'urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP), évolution amplifiée par les anticipations de besoins accrus d'émission et par le contexte de forte incertitude concernant les retombées économiques et financières de la crise. Des signes montrent également que les primes de liquidité ont probablement accentué les tensions à la hausse sur les primes de terme résultant des besoins accrus d'émission. Les écarts entre cours acheteur et cours vendeur sont demeurés nettement supérieurs à leur niveau normal dans de nombreuses juridictions.

Dans ce contexte, des éléments indiquent que le PEPP s'est imposé comme un ancrage de stabilité important pour les marchés obligataires de la zone euro, au-delà des effets d'annonce initiaux. Une forte demande de la part des investisseurs a été observée dans les adjudications d'obligations souveraines, avec parfois des taux de couverture des émissions atteignant des niveaux historiques. Malgré le niveau très élevé de la prime de rendement pour certaines émissions, les achats de l'Eurosystème contribuent à préserver la bonne transmission de la politique monétaire dans l'ensemble de la zone euro.

Deuxièmement, bien que le PEPP ait contribué à assouplir les conditions financières et à stimuler les émissions, les préoccupations quant aux perspectives de rentabilité des entreprises impliquent que les conditions financières pour les entreprises et les banques sont demeurées plus restrictives qu'avant l'apparition de la pandémie de coronavirus (COVID-19). Les émetteurs bien notés (investment-grade) connaissent actuellement des écarts de rendement environ deux fois plus élevés qu'avant la crise, reflétant en partie les anticipations d'une forte augmentation des dégradations de notations. Le nombre d'obligations de la catégorie « ange déchu » (fallen angel) augmente, et les dégradations d'émetteurs bien notés sont déjà beaucoup plus visibles. Les taux de défaut des entreprises pourraient augmenter sensiblement au cours des douze prochains mois.

Troisièmement, bien que les marchés boursiers mondiaux aient en partie effacé les pertes enregistrées fin février et début mars 2020 - l'indice EuroStoxx 50 a augmenté de plus de 20 % depuis l'annonce du PEPP -, des signes indiquent que la persistance d'une incertitude significative quant aux perspectives économiques

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continue de faire peser un risque sur les valorisations actuelles. Si les anticipations de croissance des bénéfices

  • court terme pour les douze prochains mois ont nettement diminué, les anticipations de bénéfices à plus long terme ont continué de résister étonnamment bien jusqu'à présent. Soit les investisseurs ont été optimistes en ce qui concerne les répercussions à long terme de la crise et prévoyaient une reprise en V sans effets prolongés sur la croissance, soit ils ont eu du mal à évaluer l'impact de la pandémie de COVID-19 sur la croissance et sur les bénéfices. Le niveau de risques extrêmes intégrés par le marché, tel qu'il se reflète dans les prix des options, suggère qu'on ne peut écarter la deuxième hypothèse. Dans le même temps, les investisseurs ont été moins optimistes en ce qui concerne les perspectives de bénéfices des banques. L'indice EuroStoxx Banks a diminué au total de 50 % environ, l'ampleur des pertes sur actions bancaires de la zone euro n'étant pas très éloignée de celle constatée pour les banques aux États-Unis.

Quatrièmement, les conditions de financement de marché des banques se durcissent sur les marchés monétaires pour les opérations en blanc, comme en témoigne le creusement constaté au cours des dernières semaines de l'écart entre les taux Euribor et OIS à trois mois, écart qui a récemment atteint son niveau le plus élevé depuis 2012. Ces évolutions reflètent sans doute, au moins en partie, les tensions qui subsistent sur le marché du commercial paper. Les nouvelles émissions de commercial paper sont restées limitées sur les échéances les plus courtes en raison du repli de certains acquéreurs traditionnels, plus particulièrement des fonds d'investissement monétaires et des sociétés, face à la détérioration de la situation de liquidité.

Toutefois, les opérations actuelles et futures d'apport de liquidité de l'Eurosystème, conjuguées au programme d'assouplissement des garanties, permettent un allègement immédiat des coûts plus élevés du financement de marché, préservant ainsi la transmission de la politique monétaire et maintenant ouvert le canal du crédit bancaire. Dans ce contexte, la nouvelle série d'opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) est extrêmement intéressante pour une grande partie du secteur bancaire de la zone euro, et les intervenants de marché ont doublé leurs anticipations de tirage au cours des dernières semaines, les portant à 1 100 milliards d'euros au total. Dans le même temps, les anticipations de nouveaux ajustements des taux d'intérêt directeurs de la BCE se sont atténuées au cours des dernières semaines, la courbe des taux à terme de l'OIS s'étant nettement déplacée vers le haut. Les mesures des anticipations de taux d'intérêt extraites des instruments de marché sont cohérentes avec les données tirées d'enquêtes, et ne signalent pas d'anticipation significative d'une nouvelle réduction du taux de la facilité de dépôt.

Environnement international et évolutions économiques et monétaires dans la zone euro

M. Lane a procédé à l'examen de l'environnement international et des évolutions économiques et monétaires récentes dans la zone euro.

S'agissant de l'environnement extérieur, les données d'enquêtes signalent un ralentissement économique prononcé et sévère. L'indice des directeurs d'achat (PMI) indique une forte contraction de l'activité mondiale au premier semestre 2020, probablement plus prononcée que le creux observé durant la Grande crise financière. L'indice composite des directeurs d'achat pour la production mondiale hors zone euro a enregistré une baisse

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significative, revenant de 52 en janvier à 45 en février, puis à 41 en mars - les services étant plus gravement touchés que l'industrie manufacturière. En raison des perturbations de la chaîne d'approvisionnement et de l'ampleur du choc de demande, le commerce mondial devrait nettement diminuer, selon les estimations, comme le signale par exemple la baisse significative du PMI pour les nouvelles commandes dans l'industrie manufacturière. Les perturbations affectant la production se sont étendues et devraient peser sur le commerce mondial pendant un certain temps encore.

Dans un contexte de très forte volatilité, les conditions financières à l'échelle mondiale sont demeurées globalement inchangées dans les économies avancées depuis la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs des 11 et 12 mars, mais se sont nettement durcies depuis mi-février, lorsque le coronavirus a commencé à se propager dans le monde. Depuis la réunion, les prix du pétrole ont diminué de 50 % environ pour s'établir à moins de 20 dollars le baril, essentiellement en raison de l'effondrement brutal de la demande dû à la pandémie de coronavirus. L'euro s'est considérablement affaibli par rapport au dollar mais ne s'est que légèrement déprécié en termes effectifs nominaux depuis la réunion de politique monétaire des 11 et 12 mars.

S'agissant de la zone euro, les derniers indicateurs économiques et résultats d'enquêtes couvrant la période à partir de laquelle le coronavirus a commencé à se propager dans la zone euro enregistrent un recul sans précédent, signalant une contraction significative de l'activité économique et une détérioration rapide de la situation sur les marchés du travail. La pandémie de coronavirus et les mesures d'endiguement associées ont fortement perturbé le secteur manufacturier et les services, pesant lourdement sur les capacités productives de l'économie de la zone euro et sur la demande intérieure. Au premier trimestre 2020, qui n'a été affecté que partiellement par la propagation du coronavirus, le PIB en volume de la zone euro s'est contracté de 3,8 %, en rythme trimestriel, sous l'effet des mesures de confinement au cours des dernières semaines du trimestre. Le net ralentissement de l'activité économique en avril donne à penser que les retombées négatives seraient encore plus marquées au deuxième trimestre. Abstraction faite des perturbations immédiates engendrées par la pandémie de coronavirus, la zone euro devrait retrouver la croissance avec la levée progressive des mesures d'endiguement, soutenue par les conditions de financement favorables, l'orientation budgétaire de la zone euro et une reprise de l'activité mondiale.

Étant donné le degré élevé d'incertitude qui entoure l'évolution de la pandémie, il est difficile de prévoir l'ampleur et la durée probables de la récession en cours et de la reprise qui s'ensuivra. Toutefois, sans préjuger des projections macroéconomiques établies par les services de l'Eurosystème, qui seront publiées en juin, les scénarios de croissance produits par les services de la BCE suggèrent que le PIB de la zone euro pourrait reculer de 5 % à 12 % cette année, avant une reprise et une normalisation de la croissance au cours des prochaines années. L'ampleur de la contraction et de la reprise dépendront essentiellement de la durée et de la réussite des mesures d'endiguement, du degré de dégradation permanente des capacités de l'offre et de la demande intérieure et du succès des politiques d'atténuation des conséquences néfastes sur les revenus et l'emploi.

S'agissant de l'évolution des prix dans la zone euro, la hausse annuelle de l'IPCH dans la zone euro est revenue de 0,7 % en mars à 0,4 % en avril, principalement sous l'effet de la baisse des prix de l'énergie, mais aussi

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d'une hausse un peu plus faible de l'IPCH hors énergie et produits alimentaires. Sur la base de la forte baisse des prix actuels du pétrole et des prix des contrats à terme sur le pétrole, l'inflation totale devrait continuer de décélérer considérablement au cours des prochains mois et atteindre un point bas aux alentours de juin. Le net ralentissement de l'activité économique devrait avoir une incidence à la baisse sur l'inflation sous-jacente. Cependant, les conséquences à moyen terme de la pandémie de coronavirus pour l'inflation sont entourées d'une grande incertitude étant donné que les pressions à la baisse liées à l'affaiblissement de la demande pourraient être en partie compensées par des tensions à la hausse résultant de dommages plus durables du côté de l'offre.

Les indicateurs des anticipations d'inflation à plus long terme extraits des instruments de marché sont demeurés à de très faibles niveaux. Si les indicateurs des anticipations d'inflation tirés d'enquêtes se sont détériorés à court et moyen terme, les indicateurs des anticipations à plus long terme ont été moins impactés.

S'agissant des conditions financières dans la zone euro, la partie courte de la courbe des taux à terme de l'Eonia est demeurée globalement inchangée depuis le 21 février, date à laquelle les perturbations sur les marchés financiers internationaux ont commencé à apparaître en raison de la propagation mondiale du coronavirus. Par conséquent, les taux sans risque à long terme dans la zone euro sont demeurés globalement inchangés sur cette période. Les cours boursiers ont fortement diminué en raison de la propagation mondiale du coronavirus, en dépit de l'amélioration récente du sentiment sur les marchés. S'agissant des conditions de financement des sociétés non financières, on observe un durcissement limité des coûts de financement ainsi que des préoccupations concernant l'accès au financement externe.

S'agissant des évolutions de la monnaie et du crédit, la croissance de l'agrégat large (M3) s'est accélérée, s'établissant à 7,5 % en mars 2020, après 5,5 % en février. La croissance de la monnaie traduit la création de crédit bancaire en faveur du secteur privé, qui résulte largement du tirage de lignes de crédit, et la faiblesse des coûts d'opportunité de la détention d'instruments inclus dans M3 par rapport aux autres instruments financiers, tandis que le degré accru d'incertitude économique semble avoir entraîné un report, probablement de précaution, vers les avoirs monétaires. Dans ce contexte, l'agrégat monétaire étroit M1, qui englobe les formes de monnaie les plus liquides, continue d'apporter la principale contribution à la croissance monétaire au sens large.

Les évolutions des prêts au secteur privé ont également été influencées par les effets de la crise du coronavirus. Le rythme annuel de variation des prêts aux ménages est ressorti à 3,4 % en mars 2020, contre 3,7 % en février, tandis que le taux de croissance annuel des prêts aux sociétés non financières s'est établi à 5,4 % en mars, après 3,0 % en février. Ces variations sont aussi clairement ressorties des résultats de l'enquête sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro pour le premier trimestre 2020, qui ont montré une hausse de la demande des entreprises pour les prêts et le tirage de lignes de crédit afin de répondre à leurs besoins de fonds de roulement, alors que les besoins de financement au titre de la formation brute de capital fixe ont diminué. La demande de crédits à l'habitat émanant des ménages a augmenté plus faiblement qu'au trimestre précédent. Les critères d'octroi des crédits se sont durcis, légèrement pour les entreprises, plus fortement pour les ménages. Dans les deux cas, ce durcissement s'explique par la détérioration des perspectives économiques

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et par la dégradation de la solvabilité des entreprises et des ménages. Parallèlement, les banques s'attendent à un assouplissement des critères d'octroi des crédits aux entreprises au deuxième trimestre 2020.

L'orientation budgétaire de la zone euro a été évaluée comme étant devenue fortement expansionniste, les pays de la zone ayant annoncé des mesures budgétaires importantes pour amortir les effets économiques de la pandémie de coronavirus. Les transferts au profit des entreprises et des ménages ont constitué la part la plus importante de ces trains de mesures.

Réflexions et options possibles de politique monétaire

En résumé, M. Lane a fait remarquer que les économies en Europe et dans le monde subissaient actuellement une contraction économique exceptionnelle et sévère. Les mesures de santé publique prises pour contenir la propagation du coronavirus ont interrompu de nombreuses activités économiques à travers le monde. L'évaluation des évolutions économiques les plus probables a été rendue plus difficile que d'habitude par le niveau d'incertitude exceptionnellement élevé. L'analyse de scénarios a constitué la meilleure approche et les travaux des services de la BCE ont indiqué que même une profonde récession, de 5 % environ en 2020, apparaissait désormais comme un résultat optimiste, des scénarios plus sévères prévoyant une contraction du PIB allant jusqu'à 12 %. Dans le même temps, avec la levée progressive des mesures d'endiguement, le Conseil des gouverneurs pouvait s'attendre à une reprise significative de l'activité économique, mais à un rythme et dans des proportions qui restent très incertains.

L'incertitude relative à la durée de la pandémie et aux conséquences économiques des mesures d'endiguement a provoqué des turbulences sur les marchés financiers. On a assisté à une réévaluation brutale du risque pour les différentes catégories d'actifs et à un durcissement généralisé des conditions financières. Dans le même temps, les résultats de la dernière enquête sur la distribution du crédit bancaire n'ont indiqué qu'un très léger durcissement net des critères d'octroi des prêts aux entreprises. Ce durcissement a été nettement moins prononcé que celui observé au moment de la crise financière et de la crise de la dette souveraine entre 2008 et 2012, ce qui est le signe que les mesures de la BCE (ainsi que l'annonce dans de nombreux pays de garanties de crédit publiques et d'autres mesures de soutien pour les entreprises et les ménages) ont jusqu'à présent protégé en grande partie les flux de crédit bancaire.

L'inflation s'est ralentie en raison de la chute des prix du pétrole et d'un recul de la hausse des prix dans le secteur des services. Les mesures des anticipations d'inflation à plus long terme extraites des instruments de marché sont demeurées à des niveaux très bas, après avoir enregistré de nouveaux points bas historiques. Même si les indicateurs des anticipations d'inflation tirés d'enquêtes se sont également inscrits en recul pour les horizons à court et à moyen terme, ils sont demeurés stables à plus long terme.

Si la politique monétaire ne pouvait pas anticiper le moment auquel l'économie rouvrirait, elle pouvait s'assurer que toutes les conditions nécessaires à un rebond étaient en place, en phase avec l'assouplissement des mesures d'endiguement. En particulier, les mesures de politique monétaire ont contribué à maintenir le flux de

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crédit aux ménages et aux entreprises (en particulier aux petites et moyennes entreprises - PME) et à préserver des conditions de financement favorables qui ont bénéficié à tous les secteurs et à toutes les juridictions.

Outre les mesures d'assouplissement du crédit prises par le Conseil des gouverneurs, la réussite de la mise en œuvre du PEPP - notamment sa flexibilité entre les juridictions tout au long de la durée du programme - était essentielle pour instaurer les conditions financières favorables nécessaires pour soutenir l'économie, compte tenu des risques élevés que la pandémie de coronavirus fait peser sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire et sur les perspectives de la zone euro.

Il était nécessaire de refléter l'évolution rapide de la situation au travers d'un ajustement de l'orientation de la politique monétaire du Conseil des gouverneurs. L'ampleur de la crise macro-financière actuelle et les risques extrêmes qui lui sont associés ont été considérés comme s'étant nettement aggravés depuis les réunions de politique monétaire des 11 et 12 mars et du 18 mars.

Le programme TLTRO III a complété l'effet accommodant des autres mesures de politique monétaire de la BCE, notamment les programmes d'achats d'actifs. Les TLTRO III ont préservé le mécanisme de transmission de la politique monétaire par les banques, canalisant l'assouplissement monétaire associé aux taux d'intérêt négatifs vers les secteurs tributaires de l'accès au crédit bancaire. Par conséquent, lors de la finalisation de la forme révisée du programme TLTRO III, M. Lane a proposé de recalibrer la tarification des TLTRO III. En particulier, le taux d'intérêt sur les opérations TLTRO III, pendant la période allant de juin 2020 à juin 2021, serait abaissé à un niveau inférieur de 50 points de base au taux moyen des opérations principales de refinancement de l'Eurosystème en vigueur sur la même période. De plus, pour les contreparties dont les emprunts nets éligibles atteignent le seuil de performance en matière d'octroi de prêts, le taux d'intérêt sur la période allant de juin 2020 à juin 2021 serait abaissé à un niveau inférieur de 50 points de base au taux moyen de la facilité de dépôt prévalant pendant la même période.

M. Lane a également proposé de lancer une nouvelle série d'opérations non-ciblées de refinancement à plus long terme d'urgence face à la pandémie (pandemic emergency longer-termrefinancing operations, PELTRO) en vue de soutenir les conditions de la liquidité dans le système financier de la zone euro et de contribuer à préserver le bon fonctionnement des marchés monétaires en fournissant un filet de sécurité effectif. Les opérations PELTRO consisteront en sept opérations de refinancement supplémentaires, qui seront menées à partir de mai 2020 et qui arriveront à échéance progressivement entre juillet 2021 et septembre 2021, ce qui correspond à la durée des mesures d'assouplissement des garanties. Les opérations seront effectuées via des procédures d'appel d'offres à taux fixe, la totalité des soumissions étant servies, à un taux d'intérêt inférieur de 25 points de base au taux moyen des opérations principales de refinancement sur la durée de chaque opération

PELTRO.

Avec la forte relance monétaire déjà en place, ces mesures favoriseront les conditions de liquidité et de financement et contribueront à préserver la fluidité de l'offre de crédit à l'économie réelle.

Dans le même temps, le Conseil des gouverneurs devait évaluer en permanence chacune de ses mesures, à la fois individuellement et en tant que partie de l'ensemble, afin d'estimer si elles étaient toujours calibrées de

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manière adéquate et d'un volume suffisant pour apporter le degré de soutien monétaire nécessaire dans cet environnement économique incertain. Lors de la réunion de juin, davantage d'informations seront disponibles, notamment les nouvelles projections macroéconomiques établies par les services de l'Eurosystème. À ce moment-là, le Conseil des gouverneurs devra se tenir prêt à ajuster le PEPP et éventuellement d'autres instruments s'il constate que l'ampleur de la relance a été insuffisante par rapport à ce qui était nécessaire.

En ce qui concerne la communication, il a été proposé que le Conseil des gouverneurs reconnaisse que les indicateurs disponibles vont dans le sens d'une contraction très importante de l'activité économique en 2020, qui dépend de la durée des mesures d'endiguement et de la mesure dans laquelle les capacités d'offre et la demande intérieure ont été affectées de manière plus durable, ainsi que de la réussite conjuguée des politiques budgétaire, monétaire et prudentielle pour atténuer l'impact négatif sur les revenus et l'emploi. Il convient de souligner que les mesures décisives prises mi-mars ont été efficaces pour apporter un soutien essentiel à l'économie de la zone euro et que, compte tenu des évolutions rapides de l'environnement économique actuel, le Conseil des gouverneurs mettra tout en œuvre, dans le cadre de son mandat, pour soutenir tous les citoyens de la zone euro dans cette période extrêmement difficile. Il se tient totalement prêt à ajuster l'ensemble de ses instruments, de façon appropriée, pour assurer le rapprochement durable de l'inflation par rapport à son objectif, en indiquant en particulier qu'il est entièrement préparé à accroître la taille du programme PEPP et à en ajuster la composition, autant que nécessaire et aussi longtemps que cela sera requis. Enfin, il convient de saluer les mesures prises par les gouvernements de la zone euro et les institutions européennes pour garantir des ressources suffisantes au secteur de la santé et soutenir les entreprises, les travailleurs et les ménages affectés, tout en réaffirmant la nécessité de poursuivre des efforts ambitieux, notamment à travers des initiatives conjointes et coordonnées, pour se prémunir contre les risques à la baisse et soutenir la reprise.

2. Discussions au sein du Conseil des gouverneurs et décisions de politique monétaire

Analyses économique et monétaire

En ce qui concerne l'analyse économique, les membres du Conseil ont largement exprimé leur accord avec l'évaluation, présentée par M. Lane dans son introduction, de la situation économique actuelle dans la zone euro et des risques pesant sur l'activité. Les membres du Conseil se sont accordés sur le fait que les données disponibles depuis les réunions de politique monétaire du Conseil des gouverneurs des 11 et 12 mars et du 18 mars ont permis une meilleure évaluation de l'incidence de la crise sur l'économie de la zone euro. En particulier, il a été fait référence au cours des discussions aux données du PIB pour le premier trimestre 2020 qui ont été publiées dans un certain nombre de pays, en même temps que les données pour la zone euro. Par ailleurs, les indicateurs tirés d'enquêtes pour la zone euro, tant auprès des chefs d'entreprise que des consommateurs, se sont inscrits en très net recul en mars et avril pour s'établir à des niveaux très bas. Il est clair désormais que l'économie de la zone euro va vers un recul de l'activité sans précédent dans l'histoire récente. La démonstration peut en être faite en comparant les scénarios de croissance dans l'éventualité d'une aggravation de la crise, présentés dans les projections de mars 2020 établies par les services de la BCE, avec

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les différents scénarios élaborés par les services de la BCE qui ont été présentés lors de la réunion. Il est clair que les projections de juin 2020 des services de l'Eurosystème vont être nettement révisées à la baisse par rapport aux projections de mars 2020 des services de la BCE, et la situation actuelle pourrait s'avérer plus préjudiciable que la crise financière mondiale. Il a été indiqué que la situation présente était caractéristique d'une incertitude au sens de Knight ou incertitude « radicale », s'accompagnant de risques non quantifiables.

Compte tenu de ces éléments, s'appuyer sur une série de scénarios est apparu nécessaire dans des circonstances où les perspectives pour la zone euro sont entourées d'une incertitude exceptionnelle. Les membres du Conseil ont salué l'analyse de scénarios réalisée par les services de la BCE, tout en faisant état de certaines réserves liées à la perspective que ces scénarios deviennent rapidement obsolètes au regard d'une situation changeante. Bien que différents points de vue aient été formulés à propos de ces scénarios, il a été considéré de manière générale que, des trois scénarios présentés, le scénario « modéré » était probablement déjà trop optimiste.

Si l'on s'est accordé sur le fait que les perspectives économiques ressortant de l'exercice de projection en cours devaient être révisées drastiquement à la baisse par rapport aux projections de mars établies par les services de la BCE, il convenait également de reconnaître que l'ampleur et la durée de l'épidémie de coronavirus ne sont pas prévisibles et que la crise actuelle, qui trouve son origine en dehors de l'économie, est très différente des crises précédentes. Plus les mesures de confinement auront été mises en œuvre longtemps, plus l'incidence sur l'activité et sur les prix sera importante. Cela étant, il a été souligné que les effets économiques de la pandémie se poursuivraient sur une très longue période une fois le coronavirus maîtrisé. On peut en effet s'attendre à ce que le recul de la demande pour des motifs de précaution ou lié à une perte de revenus pèse sur l'activité économique, ce qui se traduirait par une reprise lente. L'attention a été attirée sur le fait que l'épargne de précaution augmentait déjà et que si les consommateurs ne reprenaient pas confiance rapidement une fois les mesures de confinement levées, il existait un risque que la demande reste déprimée. On peut également s'attendre à ce que les mesures d'endiguement de l'épidémie restent en vigueur pendant un certain temps, au moins jusqu'à ce qu'un vaccin soit disponible. L'incertitude pourrait également avoir une influence négative sur le comportement d'investissement des entreprises. Comme on estime que la demande ne devrait se redresser que progressivement, une reprise rapide « en V » peut probablement déjà être exclue à ce stade.

Dans le même temps, la remarque a été faite qu'il était prématuré de conclure que le scénario « grave » présenté par les services de la BCE était le plus probable. Il a été souligné que les perspectives et la vigueur de la reprise dépendraient de manière cruciale des mesures prises par les États membres de l'UE et par l'Union européenne, ainsi que de l'intensité de la réponse globale. Il est également difficile de dire dans quelle mesure l'esprit d'entreprise et des idées innovantes sur la façon de faire des affaires dans ce nouvel environnement vont émerger. Dans ce contexte, il a également été rappelé que le choc le plus important sur l'activité dans la zone euro se serait probablement produit en avril, et qu'en mai une relative amélioration devrait intervenir en raison de l'allégement de certaines mesures contre la propagation du coronavirus. Abstraction faite des perturbations immédiates engendrées par la pandémie, la zone euro devrait renouer avec la croissance, au fur et à mesure de la levée progressive des mesures d'endiguement, soutenue par les conditions de financement favorables, l'orientation budgétaire de la zone euro et une reprise de l'activité mondiale.

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Il a été considéré qu'il fallait porter encore plus d'attention qu'habituellement aux différences entre les secteurs, certains secteurs étant particulièrement exposés à l'impact des mesures de distanciation sociale. De plus, bien que le coronavirus soit un choc commun qui a affecté sévèrement l'ensemble des juridictions de la zone euro, il est nécessaire d'entamer de nouvelles discussions à propos de l'incidence sur les différents pays, qui devrait être hétérogène (par exemple dans le cas des pays de la zone euro dépendant plus fortement du tourisme).

Les membres du Conseil ont exprimé des inquiétudes concernant l'éventualité d'effets non linéaires qui amplifieraient les effets de la pandémie de coronavirus sur l'activité, bien qu'ils soient difficiles à quantifier. Au cours des discussions, il a été fait référence en particulier à l'incidence du ralentissement économique sur la liquidité et la solvabilité des entreprises, à la perspective d'une augmentation des niveaux de prêts non performants et aux conséquences pour le secteur bancaire. L'évolution des situations budgétaires et les inquiétudes liées à l'accroissement de la dette publique ont également été citées dans ce contexte, ainsi que le lien entre banques et émetteurs souverains. Toutefois, il a été indiqué que la probabilité de réalisation de ces risques dépendra de la vigueur de la reprise en 2021, qui dépendra elle-même des réponses des autorités. En particulier, il a été avancé que le risque d'une spirale baissière auto-entretenue était contenu en raison de l'effet stabilisateur des mesures de soutien budgétaire et monétaire de grande envergure adoptées par les gouvernements de la zone euro et la BCE, ainsi qu'au niveau mondial. Par ailleurs, il a été observé que, pour autant que les mesures rapides, ciblées et temporaires soient efficaces dans la gestion des déficits de liquidité sévères, elles devraient limiter les répercussions à long terme défavorables sur la soutenabilité des dettes publique et privée.

Les membres du Conseil ont également souligné l'éventuelle incidence de la pandémie sur le commerce extérieur, y compris l'effet des évolutions futures de la structure de la production mondiale, et les risques entourant la vitesse et la vigueur de la reprise dans les économies émergentes compte tenu de leur dépendance vis-à-vis des matières premières. Le risque existe d'être trop optimiste quant à la reprise dans ces économies, et il a été considéré qu'elles pouvaient être la source d'un certain nombre de risques négatifs affectant les perspectives de l'économie réelle, qui doivent faire l'objet d'une surveillance étroite.

S'agissant des politiques budgétaires, les membres du Conseil ont salué les mesures prises par les gouvernements de la zone euro et les institutions européennes pour garantir des ressources sanitaires suffisantes et soutenir les entreprises, les travailleurs et les ménages frappés de plein fouet. Mais des efforts constants et ambitieux sont nécessaires, notamment à travers des initiatives conjointes et coordonnées, pour se prémunir contre les risques négatifs et appuyer la reprise. Une orientation budgétaire ambitieuse et concertée est essentielle compte tenu de la forte correction subie par l'économie de la zone euro. Les mesures prises devraient, autant que possible, être ciblées et temporaires face à l'urgence de la pandémie. L'adoption, par le Conseil européen, de l'accord de l'Eurogroupe concernant les trois filets de sécurité pour les travailleurs, les entreprises et les États, à hauteur de 540 milliards d'euros, a été accueillie favorablement. Dans le même temps, il a été jugé que de nouveaux efforts soutenus et rapides étaient urgents pour préparer et appuyer la reprise.

  • cet égard, les membres du Conseil se sont félicités de l'accord conclu par le Conseil européen en faveur d'un fonds de relance visant à faire face à cette crise sans précédent.

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Il a été noté que les gouvernements de la zone euro ont mis en œuvre des programmes ambitieux et que ces programmes sont nécessaires dans les circonstances actuelles pour réduire le risque que ce qui devrait être un choc temporaire ne devienne un choc plus durable. Toutefois, ces programmes vont se traduire par une très forte hausse des besoins de financement de tous les pays de la zone euro, ce qui devrait, en principe, entraîner une augmentation seulement ponctuelle du ratio dette/PIB, mais également un accroissement des besoins de financement pour plusieurs années.

S'agissant de l'évolution des prix, un large consensus s'est dégagé sur l'évaluation présentée par M. Lane dans son introduction. Les membres du Conseil se sont accordés sur le fait que les perspectives d'évolution de l'inflation totale à court terme doivent être révisées à la baisse, reflétant non seulement la diminution des prix du pétrole mais également l'anticipation d'un ralentissement de l'inflation sous-jacente. Il a été indiqué qu'en 2020 l'effet modérateur sur les prix d'une demande plus faible serait clairement plus important que les effets d'offre. Toutefois, dans un échange de vues concernant l'effet probable de la pandémie sur les perspectives d'évolution des prix à moyen et long terme, il a été souligné que cet effet dépendrait d'un certain nombre de facteurs et pouvait être considéré comme plus ambigu, l'effet net global dépendant de l'équilibre entre une augmentation de la sous-utilisation des capacités et une diminution de la demande agrégée, et un éventuel effet négatif à long terme sur les capacités d'offre agrégées. Dans le même temps, il est possible que la pandémie ait un effet négatif prolongé sur la demande, auquel cas l'écart de production pourrait rester important, exerçant une pression à la baisse sur les prix pendant un certain temps. Une remarque a été formulée selon laquelle l'effet négatif de la pandémie sur le volet offre de l'économie, et sur la croissance potentielle, pourrait même ne pas entraîner de tensions à la hausse sur les prix mais se traduire par de nouveaux effets négatifs sur la demande, du type de ceux associés à la déflation par la dette.

Toutefois, il a également été noté que, dans le passé, l'inflation avait affiché un degré élevé de persistance et que l'on pourrait observer des tensions à la hausse sur les prix résultant du coût des mesures d'endiguement et des perturbations de l'offre, ainsi que de plusieurs effets structurels découlant de la pandémie. Il a été considéré que ces effets incluaient la sortie d'entreprises du marché et les évolutions qui y sont associées quant au degré de concurrence, des modifications durables des chaînes d'approvisionnement et de la localisation de la production, et une importance accrue accordée à la résilience, se traduisant par une hausse des coussins de trésorerie et des stocks. Des limites à la production plus strictes pourraient également être observées à mesure que la distribution spatiale de la production mondiale évolue.

Il a également été fait référence dans la discussion au problème de la mesure précise de l'inflation dans les circonstances actuelles, en prenant en compte les évolutions de la composition des achats de biens, ainsi que l'altération de la capacité à collecter les données relatives aux prix et l'incertitude concernant les modalités d'imputation des prix en l'absence de données effectives. Tout cela rendra plus difficile l'évaluation, avec un quelconque degré de précision, de la situation en matière d'inflation.

En analysant les évolutions récentes des anticipations d'inflation, les membres du Conseil ont noté que les anticipations d'inflation à court terme tirées de l'enquête menée par la BCE auprès des prévisionnistes professionnels (EPP) ont été fortement révisées à la baisse, pour s'établir à 0,4 % pour 2020. Dans le même temps, les anticipations d'inflation ressortant de l'EPP pour 2021 et 2022 ont été nettement moins révisées à la

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baisse, tandis que les anticipations d'inflation à plus long terme fondées sur des enquêtes n'ont jusque-là pas été affectées par la crise du coronavirus, se maintenant à 1,7 % pour l'inflation totale. Les indicateurs relatifs aux anticipations d'inflation extraits des instruments de marché sont demeurés très bas et ont encore reculé dans la zone euro, le taux des swaps indexés sur l'inflation à cinq ans dans cinq ans affichant un nouveau point bas historique, à 0,72 %. Il a été souligné que les anticipations d'inflation ont réagi plus fortement aux évolutions de l'inflation effective, ce qui pourrait être vu comme une indication que les anticipations d'inflation deviennent moins bien ancrées. De plus, l'inflation est demeurée inférieure à l'objectif d'inflation de la BCE pendant une période prolongée. Il a été souligné que, depuis le début de la pandémie de coronavirus, la probabilité que l'inflation soit inférieure à zéro ou à 1 %, selon les fonctions de densité de probabilité, a nettement augmenté, indiquant un risque important de déflation ou de très faible inflation dans les années à venir.

S'agissant de l'analyse monétaire, les membres du Conseil se sont largement accordés sur l'évaluation, présentée par M. Lane dans son introduction, selon laquelle l'accélération de la croissance de la monnaie au sens large reflète principalement une augmentation des prêts consentis aux sociétés non financières liée dans une large mesure au recours aux lignes de crédit disponibles. Ces variations ressortent aussi clairement des résultats de l'enquête sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro pour le premier trimestre 2020, qui montrent une hausse de la demande de prêts des entreprises et le tirage de lignes de crédit pour répondre à leurs besoins de fonds de roulement, alors que les besoins de financement au titre de la formation brute de capital fixe ont diminué. Les derniers résultats de l'enquête sur la distribution du crédit bancaire ne montrent également qu'un très léger durcissement net des critères d'octroi pour les entreprises, tandis que les résultats provisoires de l'enquête sur l'accès des entreprises au financement (enquête SAFE) suggèrent que les PME ont enregistré une détérioration significative de leur accès au financement externe en raison de l'évolution défavorable de leurs propres perspectives financières. Il a été souligné que, si l'augmentation des prêts est une évolution bienvenue, elle accroît toutefois le niveau d'actifs risqués dans les bilans des banques et abaisse les ratios de fonds propres, ce qui peut au final conduire les banques à restreindre les prêts. Dans ce contexte, les garanties publiques de prêts sont un élément fondamental pour le maintien des flux de crédit aux entreprises et aux ménages.

Orientation de politique monétaire et considérations sur la stratégie à mener

S'agissant de l'orientation de la politique monétaire, les membres du Conseil ont estimé que les évolutions des marchés financiers ont été volatiles depuis la précédente réunion de politique monétaire régulière du Conseil des gouverneurs, qui s'est tenue en mars, avec une importante réappréciation du risque pour les différentes catégories d'actifs, en particulier vers la mi-mars, mouvement qui s'est ensuite partiellement inversé comme l'a décrit Mme Schnabel dans son introduction. Les conditions financières se sont globalement durcies depuis le déclenchement de la pandémie, malgré les mesures prises par le Conseil des gouverneurs, alors qu'il a été estimé que, au vu de l'assombrissement des perspectives, un assouplissement aurait été approprié. Les primes de liquidité sont demeurées élevées dans les différentes juridictions et les marchés du financement à terme pour

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les banques n'ont pas encore complètement rouvert. Des préoccupations ont également été exprimées concernant la hausse de l'écart entre l'Euribor et les taux des swaps au jour le jour (OIS), l'Euribor étant une référence importante pour la fixation des taux des prêts. Bien que les prix des actions se soient récemment redressés, il a été remarqué que cette amélioration n'était pas fondée sur un renforcement des fondamentaux. L'attention a également été attirée sur le risque d'une hausse des taux d'intérêt réels si l'inflation anticipée continuait de s'inscrire en baisse.

Un large consensus s'est dégagé sur le fait que les mesures de politique monétaire prises en mars par le Conseil des gouverneurs, et renforcées par les décisions concernant le dispositif de garanties prises en avril, ont fourni un soutien monétaire énergique dans un environnement en rapide évolution et ont permis de préserver l'orientation accommodante de la politique monétaire de la BCE et sa transmission efficace au sein de la zone euro, notamment en contrecarrant les hausses injustifiées des primes de risque. Dans le même temps, il a été rappelé que des risques de fragmentation excessifs pourraient réapparaitre en cas de nouvelle détérioration des perspectives économiques. Il a été souligné que l'expérience montre qu'il faut éviter une perte de confiance sur les marchés financiers et que des mesures préventives sont préférables. Les mécanismes d'amplification financière, tels que ceux résultant d'entreprises ou de banques illiquides, pourraient affecter l'économie réelle d'une manière non linéaire et accroître les risques déflationnistes. Dans le même temps, il a été rappelé que la politique monétaire ne pouvait pas résoudre seule ces problèmes et que la politique budgétaire devait également jouer un rôle essentiel. Globalement, il a été estimé que plus la crise durerait, plus le risque d'effets d'amplification financière s'accentuerait.

Les membres du Conseil se sont accordés sur le fait que l'évolution rapide de la situation devait se refléter dans un nouvel ajustement de l'orientation de la politique monétaire du Conseil des gouverneurs, dans la mesure où l'ampleur de la crise macrofinancière et les risques extrêmes qui y sont associés se sont fortement accrus depuis les réunions de politique monétaire de mars. Dans ce contexte, les membres du Conseil ont généralement approuvé les mesures de politique monétaire proposées par M. Lane dans son introduction, à savoir, premièrement, recalibrer les taux applicables aux TLTRO III en abaissant le taux d'intérêt sur les opérations TLTRO III pendant la période allant de juin 2020 à juin 2021 et, deuxièmement, proposer une nouvelle série d'opérations de refinancement à plus long terme non ciblées d'urgence face à la pandémie (pandemic emergency longer-termrefinancing operations, PELTRO) en vue de soutenir les conditions de la liquidité dans le système financier de la zone euro et de contribuer à préserver le bon fonctionnement des marchés monétaires en fournissant un filet de sécurité effectif.

Les modifications proposées des paramètres des TLTRO III ont été considérées comme de nature à renforcer l'orientation accommodante de la politique monétaire. Le sentiment s'est imposé que les taux attractifs offerts sur les opérations TLTRO III, conjugués aux garanties publiques accordées aux banques, ont contribué à inciter les banques à maintenir leurs prêts à un moment où elles font face à des difficultés pour atteindre la valeur de référence applicable à leur activité de prêt, et ont également contrecarré les tensions sur les taux débiteurs bancaires résultant des récentes hausses de l'Euribor. Dans le même temps, des inquiétudes ont été exprimées selon lesquelles un abaissement du taux minimal des opérations TLTRO III à un niveau inférieur de 50 points

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de base au taux de la facilité de dépôt pourrait ouvrir la possibilité pour les banques d'obtenir des fonds dans le cadre des opérations TLTRO III et ensuite de les placer en dépôt au taux de la facilité de dépôt au lieu d'accroître leurs prêts au secteur privé.

Les membres du Conseil ont accueilli favorablement la proposition de réaliser une nouvelle série d'opérations de refinancement à plus long terme non ciblées pour faire face à l'urgence de la pandémie. Ces opérations PELTRO consisteront en sept opérations de refinancement supplémentaires, menées à partir de mai 2020 et arrivant à échéance progressivement entre juillet et septembre 2021, ce qui correspond à la durée des mesures d'assouplissement des garanties du Conseil des gouverneurs. L'apport de financement à terme sans la complexité opérationnelle associée aux TLTRO III a été jugé important pour fournir des financements aux banques à des conditions intéressantes et pour contribuer à préserver le bon fonctionnement des marchés monétaires.

Globalement, avec une vaste panoplie de mesures déjà en place, la réponse de politique monétaire du Conseil des gouverneurs a été considérée comme ayant été adaptée et vigoureuse jusqu'à présent et, avec notamment les mesures supplémentaires actuellement envisagées, elle fournit une liquidité abondante aux banques et un stimulus monétaire approprié à tous les secteurs de l'économie de la zone euro.

  • plus long terme, compte tenu de l'incertitude élevée entourant les perspectives économiques et d'inflation qui ressort des scénarios élaborés par les services de la BCE, il a été souligné que la BCE devait se tenir prête à ajuster l'orientation de sa politique monétaire de façon adéquate et également à garantir le bon fonctionnement du mécanisme de transmission dans l'ensemble de la zone euro. Il a largement été estimé que cela incluait de garantir des conditions de financement favorables et de traiter les risques à la baisse pesant sur la stabilité des prix, notamment ceux résultant des répercussions négatives de la crise sur l'économie réelle et le secteur financier, et également d'éviter la fragmentation. Les mesures de politique monétaire prises en réponse à la crise, tout particulièrement le PEPP, ont été essentielles et ont limité la probabilité d'une spirale baissière s'autoalimentant.

Même si l'annonce du PEPP a été suivie d'une baisse des rendements des obligations souveraines, il a été observé qu'une inversion était intervenue par la suite et que certains rendements étaient actuellement plus élevés qu'avant le début de la crise. Les gouvernements nationaux ont annoncé des trains de mesures budgétaires ambitieux qui impliquent une augmentation significative des besoins de financement pour tous les pays de la zone euro pour plusieurs années. Les membres du Conseil ont largement convenu que pour utiliser le PEPP le plus efficacement possible et pour favoriser des conditions de financement cohérentes avec l'objectif du Conseil des gouverneurs, les achats dans le cadre du PEPP devaient utiliser toute la flexibilité prévue dans le programme pour contrer les risques élevés pesant sur le bon fonctionnement de la transmission monétaire.

Des inquiétudes ont été exprimées à propos des interventions à grande échelle sur les marchés des obligations souveraines qui pourraient faire peser un risque de « prépondérance budgétaire », et la réalisation du programme devra être prudente afin de ne pas encourager des comportements irresponsables de la part de gouvernements. Toutefois, il a également été souligné que cela ne justifiait aucunement que le Conseil des gouverneurs ne remplisse pas son mandat de stabilité des prix et ne soutienne pas la transmission de la politique

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monétaire. Il s'agit notamment de pallier l'auto-réalisation du risque de redénomination et la fragmentation au cas où ces risques augmenteraient. Dans ce contexte, il a été observé que le PEPP, comme le programme d'achats d'actifs (APP), fonctionnait en extrayant le risque de duration des marchés d'actifs, en vue de préserver des conditions de financement compatibles avec un retour de l'inflation vers des niveaux conformes à l'objectif d'inflation à moyen terme de la BCE. Pour assurer la compatibilité avec le mandat de la BCE, il a été souligné que la stabilité des prix devait toujours être mise au premier plan, tandis que l'émission de dette publique et l'évolution des déficits structurels devaient faire l'objet d'un suivi attentif.

S'agissant de la communication, les membres du Conseil se sont largement accordés sur les éléments présentés par M. Lane dans son introduction. Il a été souligné que les mesures décisives adoptées mi-mars ont permis d'apporter un soutien crucial à l'économie de la zone euro. En outre, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l'ensemble de ses instruments de façon adéquate pour assurer le rapprochement durable de l'inflation par rapport à son objectif. Il est pleinement préparé à accroître la taille du PEPP et à ajuster sa composition, et éventuellement ses autres instruments, si, à la lumière des informations disponibles avant sa réunion de juin, il estime insuffisante l'ampleur du stimulus monétaire.

Le Conseil des gouverneurs a souligné sa volonté d'adapter ses outils et de les mettre en œuvre avec détermination en tant que de besoin et continue de se tenir prêt à prendre des mesures audacieuses et innovantes pour préserver le bon fonctionnement du mécanisme de transmission et l'intégrité de l'union monétaire, afin de soutenir la reprise économique et d'atteindre l'objectif de stabilité des prix à moyen terme de la BCE. Dans ce contexte, il a été jugé important de souligner la flexibilité de la mise en œuvre du PEPP.

Décisions de politique monétaire et communication

Compte tenu des discussions qui se sont déroulées et sur proposition du président, le Conseil des gouverneurs a pris les décisions de politique monétaire suivantes :

  1. Les conditions des opérations de refinancement à plus long terme ciblées (targeted longer-termrefinancing operations, TLTRO III) seront encore assouplies. Plus spécifiquement, le Conseil des gouverneurs a décidé, pour la période allant de juin 2020 à juin 2021, d'abaisser le taux d'intérêt sur les opérations TLTRO III à un niveau inférieur de 50 points de base au taux moyen des opérations principales de refinancement de l'Eurosystème en vigueur sur la même période. De plus, pour les contreparties dont le volume d'emprunts nets éligibles atteint le seuil de performance en matière d'octroi de prêts, le taux d'intérêt sur la période allant de juin 2020 à juin 2021 sera désormais inférieur de 50 points de base au taux moyen de la facilité de dépôt en vigueur pendant la même période.
  2. Une nouvelle série d'opérations de refinancement à plus long terme non ciblées d'urgence face à la pandémie (pandemic emergency longer-termrefinancing operations, PELTRO) seront conduites en vue de soutenir les conditions de la liquidité dans le système financier de la zone euro et de contribuer à préserver le bon fonctionnement des marchés monétaires en fournissant un filet de sécurité effectif. Les opérations

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PELTRO consisteront en sept opérations de refinancement supplémentaires, qui seront menées à partir de mai 2020 et qui arriveront à échéance progressivement entre juillet et septembre 2021, ce qui correspond

    • la durée des mesures d'assouplissement des garanties. Elles seront effectuées via des procédures d'appel d'offres à taux fixe, la totalité des soumissions étant servies, à un taux d'intérêt inférieur de 25 points de base au taux moyen des opérations principales de refinancement sur la durée de chaque opération
      PELTRO.
  1. Depuis fin mars, des achats ont été réalisés dans le cadre du nouveau programme d'achats d'urgence face
    • la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP), mis en place par le Conseil des gouverneurs et dont l'enveloppe totale s'élève à 750 milliards d'euros, afin d'assouplir l'orientation globale de la politique monétaire et de contrecarrer les risques élevés que la pandémie de coronavirus fait peser sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire et sur les perspectives de la zone euro. Ces achats vont se poursuivre dans le temps, de façon souple, entre les différentes catégories d'actifs et juridictions. Le Conseil des gouverneurs effectuera des achats nets d'actifs au titre du PEPP jusqu'à ce qu'il juge que la crise du coronavirus est terminée, mais, en tout cas, jusqu'à la fin de l'année.
  2. En outre, les achats nets en vertu du programme d'achats de titres (asset purchase programme, APP) vont continuer à un rythme mensuel de 20 milliards d'euros ainsi que les achats au titre de l'enveloppe supplémentaire temporaire à hauteur de 120 milliards d'euros jusqu'à la fin de l'année. Le Conseil des gouverneurs continue de prévoir d'avoir recours aux achats mensuels nets d'actifs au titre de l'APP aussi longtemps que nécessaire pour renforcer les effets accommodants de ses taux directeurs, et d'y mettre fin peu avant de commencer à relever les taux d'intérêt directeurs de la BCE.
  3. Les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance achetés dans le cadre de l'APP se poursuivront pendant une période prolongée après la date à laquelle le Conseil des gouverneurs commencera à relever les taux d'intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire.
  4. Le taux d'intérêt des opérations principales de refinancement ainsi que ceux de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt demeureront inchangés, à respectivement 0,00 %, 0,25 % et - 0,50 %. Le Conseil des gouverneurs prévoit que les taux d'intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas jusqu'à ce qu'il ait constaté que les perspectives d'inflation convergent durablement vers un niveau suffisamment proche de, mais inférieur à 2 % sur son horizon de projection, et que cette convergence se reflète de manière constante dans la dynamique d'inflation sous-jacente.

Le Conseil des gouverneurs est entièrement préparé à accroître la taille du programme PEPP et à en ajuster la composition, autant que nécessaire et aussi longtemps que cela sera requis. Il reste, en toute hypothèse, prêt

  • ajuster l'ensemble de ses instruments, de façon adéquate, pour assurer le rapprochement durable de l'inflation par rapport à son objectif, conformément à son engagement en faveur de la symétrie. Enfin, le Conseil des gouverneurs a pris note du fait que de plus amples détails sur les modifications des modalités des TLTRO III et

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sur les nouvelles opérations PELTRO seront publiés dans des communiqués de presse spécifiques à la fin de la conférence de presse.

Les membres du Conseil des gouverneurs ont ensuite finalisé la déclaration introductive, que la présidente et le vice-président allaient prononcer, comme d'habitude, lors de la conférence de presse tenue à l'issue de la présente réunion du Conseil des gouverneurs.

Déclaration introductive

Conférence de presse du 30 avril 2020

Communiqués de presse

La BCE recalibre ses opérations de prêt ciblées afin de soutenir encore davantage l'économie réelle

La BCE annonce de nouvelles opérations de refinancement à plus long terme d'urgence face à la pandémie

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Réunion du conseil des gouverneurs de la BCE, 29-30 avril 2020

Membres

Mme Lagarde, présidente

M. de Guindos, vice-président

M. Costa *

M. Hernández de Cos

  1. Herodotou M. Holzmann * M. Kazāks M. Kažimír
  1. Knot * M. Lane M. Makhlouf M. Mersch M. Müller M. Panetta M. Rehn M. Reinesch Mme Schnabel M. Stournaras M. Vasiliauskas M. Vasle
    M. Vella *
    M. Villeroy de Galhau M. Visco
    M. Weidmann M. Wunsch

* Membres ne disposant pas de droit de vote en avril 2020 en vertu de l'article 10.2 des statuts du SEBC.

Autres participants

M. Dombrovskis, vice-président de la Commission **

Mme Senkovic, secrétaire, directrice générale du Secrétariat

M. Smets, secrétaire pour la politique monétaire, directeur général Questions économiques

M. Winkler, secrétaire adjoint pour la politique monétaire, conseiller de haut niveau, DG Questions économiques

** Conformément à l'article 284 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

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Personnes accompagnantes

  1. Alves M. Arce
    M. Aucremanne

M. Bradeško

Mme Buch

  1. Demarco Mme Donnery M. Gaiotti Mme Goulard M. Haber
    M. Kaasik M. Kuodis M. Kyriacou M. Lünnemann M. Odór
    M. Rutkaste M. Sleijpen M. Tavlas M. Välimäki

Autres membres du personnel de la BCE

Mme Graeff, directrice générale Communication

M. Straub, conseiller auprès du président

Mme Rahmouni-Rousseau, directrice générale Opérations de marché

M. Sousa, directeur général adjoint Questions économiques,

M. Rostagno, directeur général Politique monétaire

La publication du prochain compte rendu de politique monétaire est prévue le 25 juin 2020.

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La Sté Banque de France a publié ce contenu, le 22 mai 2020, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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