par Dhara Ranasinghe et Saikat Chatterjee

LONDRES, 7 juin (Reuters) - Les membres du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne qui se réunissent jeudi doivent débattre du rythme des achats d'obligations de l'institution après l'accélération annoncée en mars pour freiner la remontée des rendements obligataires, alors considérée comme une menace pour la reprise économique.

Les déclarations de nombreux responsables de la BCE ces dernières semaines suggèrent toutefois que celle-ci n'est pas pressée de remettre en question le rythme des achats entrepris dans le cadre du Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP), doté d'une enveloppe de 1.850 milliards d'euros.

Mais l'amélioration de la conjoncture, l'accélération de la hausse des prix et les signaux envoyés par d'autres banques centrales en faveur d'une diminution des mesures de soutien fournissent des arguments aux partisans d'une inflexion du discours de la BCE.

Voici cinq points sur lesquels les marchés s'interrogent:

1. La BCE va-t-elle freiner ses achats d'obligations ?

La plupart des analystes s'attendent à ce que la BCE maintienne le rythme actuel des achats jusqu'à la fin du troisième trimestre, un scénario en faveur duquel se sont prononcés plusieurs de ses responsables, comme Fabio Panetta, membre du directoire.

Mais l'institution pourrait afficher plus clairement sa volonté de souplesse en matière d'adaptation des achats aux conditions de marché et aux facteurs saisonniers, ce qui pourrait être interprété comme le signe d'un probable ralentissement du PEPP en août, mois pendant lequel l'offre d'obligations d'Etat diminue généralement.

D'autres observateurs n'excluent pas un léger ralentissement des achats au vu de la reprise de l'activité économique.

2. La BCE va-t-elle débattre de l'enveloppe globale du PEPP ?

Le PEPP court jusqu'à fin mars 2022 et la BCE a déjà dit qu'elle n'utiliserait pas nécessairement la totalité des 1.850 milliards d'euros alloués au programme.

Les "faucons" du Conseil pourraient donc arguer des progrès de la reprise pour plaider en faveur d'une utilisation partielle de cette enveloppe, et la question pourrait être posée à la présidente, Christine Lagarde, lors de sa conférence de presse.

Le gouverneur de la banque centrale des Pays-Bas, Klaas Knot, l'un des faucons, a déclaré la semaine dernière que la reprise était plus rapide qu'attendu alors que Christine Lagarde assurait que la BCE continuerait de soutenir la zone euro pendant une bonne partie de la phase de reprise.

3. La BCE peut-elle débattre de l'arrêt des dispositifs d'urgence ?

Un lancement en bonne et due forme du "tapering", la réduction progressive des achats, est très improbable jeudi et Christine Lagarde pourrait prendre soin de ne pas laisser supposer par ses déclarations qu'un débat sur le "tapering" a débuté. Elle pourrait même aller jusqu'à repousser l'ouverture de ce débat à septembre, après la conclusion de la revue en cours de la stratégie de la BCE.

Elle pourrait toutefois devoir préciser comment l'institution envisage la transition entre le PEPP et le retour à l'APP, le programme "ordinaire" d'achats d'actifs, moins flexible.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a estimé que la BCE pourrait introduire plus de souplesse dans la gestion de l'APP.

"Le débat portera sur la meilleure manière de gérer la transition entre le PEPP et l'APP et l'opportunité de renforcer temporairement l'APP (...) ce qui sera un débat complexe", explique Sébastien Galy, stratège macro chez Nordea Asset Management.

4. Où en est la BCE sur l'inflation ?

L'inflation dans la zone euro a dépassé en mai l'objectif de la BCE d'un taux légèrement inférieur à 2% en rythme annuel, ce qui constitue une difficulté supplémentaire pour les responsables de la banque centrale, plutôt tolérant avec la hausse des prix jusqu'à présent.

Certains des dirigeants de la BCE jugent malvenu le débat sur le risque d'un retour de l'inflation. Et s'il est probable que l'institution relève jeudi ses prévisions d'inflation à court terme, ses projections à plus long terme pourraient rester contenues.

Les observateurs étudieront aussi ses nouvelles prévisions de croissance, les premières qui intégreront les répercussions du soutien budgétaire massif décidé par l'administration Biden aux Etats-Unis.

5. La BCE est-elle préoccupée par l'évolution des rendements obligataires et de l'euro ?

Le discours très accommodant de la BCE a favorisé ces dernières semaines la baisse des rendements obligataires après les pics atteints en mai. Mais certains stratèges s'attendent à une reprise de la hausse, qui ne serait pas forcément préoccupante si elle s'accompagnait de données économiques solides.

Le compte rendu de la réunion de mars du Conseil des gouverneurs a par ailleurs mentionné des préoccupations liées à la vigueur de l'euro et la monnaie unique s'est appréciée de 1,6% face au dollar depuis cette réunion, mais son niveau actuel ne devrait pas être jugé inquiétant par les responsables de la BCE.

Les "colombes" de la BCE devraient garder la main-AllianzGI

(Version française Marc Angrand, édité par Patrick Vignal)