J’ai eu quelques difficultés à comprendre ce qu’étaient concrètement ces petites puces magiques, présentes aussi bien dans nos cafetières que dans nos voitures. J’ai donc commencé à prendre de l’information sur le sujet, avant de la synthétiser pour améliorer mes connaissances sur cette industrie. L’objectif final est d’investir dans quelque chose que je comprends et pas de façon moutonnière dans une simple action “bout de papier” à la mode. Je vous fais donc partager dans les lignes qui suivent ce que j’ai appris. Alors attachez-vous et lançons-nous dans le vif du sujet. Cap sur le décryptage d’un secteur encore bien trop flou, qui pourtant, est à la base toute l’informatique moderne.

Source : Statista
  • Semi-conducteurs et puces électroniques.

Quel que soit l’appareil sur lequel vous lisez ces lignes, il fonctionne forcément grâce à la présence de matériaux semi-conducteurs. Effectivement, j’ai bien dit MATÉRIAUX semi-conducteurs. Si le terme semi-conducteur est couramment employé afin de parler de puces, c’est en réalité un abus de langage. Un semi-conducteur n’est ni plus ni moins qu’un matériau. Un matériau aux propriétés particulières puisqu’il peut être à la fois conducteur et non-conducteur (isolant) d'électricité. 

Prenons un exemple. Le Silicium (Si) est l’un de ces matériaux à la particularité de n'être ni tout à fait conducteur d’électricité, ni tout à fait isolant. Pour être tout à fait exact, un semi-conducteur est un isolant qui, lorsque nous l’éclairons, le chauffons ou le soumettons à une tension électrique bien précise, devient conducteur (excitations des électrons).

L’exemple le plus connu sont les plaques photovoltaïques. La plaque devient conductrice et crée un courant électrique lorsqu’elle reçoit des rayons UV : c’est l’effet photoélectrique. Dans un processeur d’ordinateur, c’est une tension électrique qui permet au semi-conducteur de passer d’isolant à conducteur. Pour les plus téméraires et passionnés de physique, voici un article très intéressant qui m’a grandement aidé à comprendre : ici

Maintenant que nous avons vu que les semi-conducteurs ne sont ni plus ni moins que des matériaux bien spécifiques, voyons ce que sont ces puces dont nous entendons sans cesse parler. 

Lorsque nous cliquons sur un appareil électronique, nous nous attendons à une réponse instantanée. Si un délai de plusieurs secondes venait à apparaître, en plus d'être fort désagréable, imaginez la complexité et la dangerosité que cela engendrerait sur le développement de certains produits tels que les voitures électriques…

Ces puces sont en fait le composant principal des processeurs (des mini-ordinateurs pour faire simple). Ceux-ci sont fabriqués à partir de dispositifs actifs miniaturisés et de dispositifs passifs. Les interconnexions entre ces deux dispositifs sont faites à partir d’un mince substrat de matériau semi-conducteur.

Pas d'inquiétude, je résume, condense et schématise :

  • On prend un bloc de matériaux semi-conducteurs (ex : Silicium) qu’on découpe en tranche extrêmement fine et parfaitement polie (Wafer).
  • On y “imprime” un grand nombre de circuits intégrés.
  • On découpe ces circuits intégrés, ce qui nous donne des puces électroniques (Die).
  • Enfin, on encapsule ces puces électroniques dans des boîtiers pour en faire des microprocesseurs.

Pour en découvrir davantage sur le processus de fabrication des puces électroniques : ici

Mais concrètement à quoi ça sert ?  Pour répondre à cette question, le constructeur de puces électroniques AMD propose un exemple simple : “Lorsque nous utilisons un ordinateur portable pour réserver des vacances, trouver une recommandation de restaurant, streamer un film ou accéder à nos e-mails, l'unité centrale de traitement (processeur) et l'unité de calcul graphique (processeur) de l'ordinateur portable, toutes deux basées sur des semi-conducteurs, exécutent des calculs qui transforment instantanément les questions en réponses. ”

Aujourd’hui les processeurs sont utilisés partout autour de nous. Que ce soit dans les PC, les smartphones, les voitures, les serveurs des centres de données (Cloud) les consoles de jeux, ou les machines médicales, leur présence est nécessaire. Or pour construire ces processeurs, il nous faut des puces, donc des circuits intégrés, donc des semi-conducteurs (comprenez matériaux semi-conducteurs). Cependant, le processus de fabrication de puces électroniques comprend de nombreuses étapes. Il faut des années d'expérience et de recherche dans ce secteur pour développer, concevoir, produire, commercialiser et assurer le service après-vente d'une seule gamme de puces électroniques. Il faut traiter du sable, le purifier, le liquéfier à 1 700 degrés pour obtenir des lingots de silicium, qui sont ensuite découpés en wafers. Si la pénurie a fortement accéléré le financement de ce secteur, l’argent ne règle pas tout.

Bien que beaucoup de dirigeants d'entreprises de semi-conducteurs soient optimistes et pensent que les nouvelles usines de fabrication devraient considérablement atténuer les goulets d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement d'ici la seconde moitié de 2022, tous ne sont pas de cet avis. Matt Murphy, PDG de Marvell Technology, opte davantage pour un scénario où les extensions de capacité des usines ne contribueront pas à stimuler la production avant 2023 ou 2024. Une hypothèse partagée par de nombreuses sociétés comme Intel ou GlobalFoundries, qui a récemment indiqué que sa capacité de production ne sera pas maximale avant fin de 2023.

Plusieurs problèmes expliquent ce scénario peu optimiste :

  1. Le processus de construction d'une usine de semi-conducteurs est extrêmement coûteux en capital, en temps et en complexité. Aujourd’hui, la construction d’une usine est estimée à entre 10 et 15 milliards de dollars. De plus, ces projets astronomiques ne seront rentables que dans plusieurs années, à condition que la demande continue à augmenter.
  2. Or, si la croissance doit théoriquement suivre la loi de Moore et continuer de croître, rien n’assure que ce soit suffisant pour rentabiliser de tels projets d’usines. Une des craintes dans le secteur est que, dû au fait que plusieurs entreprises construisent leurs usines en même temps, la capacité de production mondiale surpasse la demande.

Edwin Kan, professeur à l'université Cornell : "Le souci est que si le timing n'est pas correct, ils ne pourront jamais récupérer leur argent. La marge bénéficiaire est élevée à l'heure actuelle, mais une fois que d'autres acteurs seront entrés, la marge bénéficiaire ne pourra plus être maintenue".

Mais ce n’est pas le seul problème. L’industrie des puces électroniques est confrontée à bon nombre d’autres soucis :

Selon l’IPC, 80% des sociétés de l’industrie affirment avoir de grandes difficultés à embaucher des employés qualifiés. Les travailleurs ont besoin d'une formation spécialisée pour manipuler les produits chimiques toxiques utilisés dans le processus de fabrication des semi-conducteurs, ce qui crée un autre goulet d'étranglement pour augmenter les effectifs. Les entreprises offrent désormais des salaires plus élevés, des horaires plus flexibles et des possibilités de formation et d'éducation pour tenter d'attirer de nouvelles recrues. L'Oregonian a récemment rapporté qu'Intel, la plus grande entreprise de semi-conducteurs au monde, mène même une campagne de publicité "help wanted" à la télévision et à la radio, destinée aux étudiants qui sont encore à l'université pour travailler à temps partiel lorsqu'ils ne sont pas en cours.

Enfin, de nombreux objets nécessaires à la fabrication de puces ont également été en pénurie. Les substrats qui composent les cartes de circuits imprimés, la surface sur laquelle les puces sont montées, ont été difficiles à trouver. Divers articles liés au processus de fabrication sont également en rupture de stock, tels que les équipements de protection individuelle et les conduites de gaz.

... Bref, concevoir des puces ne s’improvise pas.

Source : AMD Investors Relations

Or, après l’augmentation exponentielle de la demande accélérée par la crise COVID, l’offre n’a pas suivi. Et le fait que le géant taïwanais TSMC (50% de la production mondiale) et le sud-coréen Samsung Electronics préfèrent vendre leurs composants aux fabricants de smartphones, qui rechignent moins sur les prix que les constructeurs automobiles, n’aide en rien à arranger cette histoire de pénurie. Pénurie qui, selon Pat Gelsinger (Intel), devrait se prolonger jusqu’en 2023. C’est d’ailleurs pour ces raisons que les gouvernements s’affolent et font tout pour faire redémarrer leurs industries au plus vite. Ainsi, Joe Biden ou Thierry Breton (Commissaire européen chargé du Marché intérieur et du numérique) ont promis de colossaux plans d’aides publiques afin d’aider les industries intérieures dans la production de puces électroniques. Bref, que ce soit pour aider l’industrie automobile ou faire marcher notre cafetière, cette problématique est un véritable enjeu de souveraineté technologique.

Maintenant que nous en savons un peu plus sur les pénuries liées à ces matériaux semi-conducteurs nécessaires à la conception CI et donc de puces électroniques, voyons voir de quelle manière se découpe le marché.

  • II - Le marché

L’un des principaux problèmes de ce marché est son immense complexité dans la chaîne de production. Tous les groupes ne possèdent pas de fonderies (usines de fabrication de semi-conducteurs), à cause des coûts colossaux d’investissement qu’elles engendrent, comme nous l’avons vu plus haut. La dernière usine de TSMC, capable de fabriquer des semi-conducteurs en 3 nm et achevée en 2020, a coûté 19,5 milliards de dollars. Ainsi, même le géant américain Intel, envisage d'externaliser une partie de sa production à TSMC. Et c’est principalement ce manque de fonderies qui engendre la pénurie actuelle.

Pour faire simple, il existe donc trois grandes catégories d’entreprises dans ce secteur, à savoir les fabricants de dispositifs intégrés (IDM), les sociétés sans usine de fabrication et les fonderies. 

Les sociétés sans usines de fabrication (fonderies) se concentrent uniquement sur la conception des CI. Les fonderies ne s'occupent que de la fabrication des CI. Les IDM font les deux (conception et fabrication).

En résultent donc deux modèles commerciaux :

- Les IDM (Intel et Samsung)

- Les alliances entre les entreprises conceptrices d’IC et des pure-players dans la fonderie.

Ce second modèle est appelé Fabless-Foundry Model et permet à chaque entreprise de se spécialiser dans un cœur de métier. Si posséder une fonderie pour une société de conceptrice de puces peut être perçu comme un avantage concurrentiel, les taux de croissance du modèle “fabless-foundry” ont été supérieur à ceux des IDM sur la dernière décennie.

Cela soulève la question de savoir si le modèle fabless-foundry finira par dominer l'industrie des semi-conducteurs ou s'il ne se développera que dans une certaine mesure. Néanmoins à terme, plusieurs études s’accordent à dire que ces deux modèles devraient coexister. La part de marché finale d'IDM devrait être d'environ 55 % contre 45% pour le modèle fabless-foundry.

Source : Shinhan Investment Corp.

Aujourd’hui la plupart des acteurs de cette industrie se sont donc spécialisés dans une partie de la chaîne de production. Aussi, tous ne produisent pas le même type de composants. Beaucoup d'acteurs de cette industrie se sont spécialisés dans un secteur bien spécifique comme le Franco-Italien STMicroelectronics dans les puces pour le secteur automobile ou Qualcomm pour les puces 5G.

- Fonderies (Foundry) :

Taiwan Semiconductor (TSMC), Global Foundries, UMC, SMIC, Tower Semiconductor, Powerchip, VIS, Hua Hong Semi, DB HiTek, Nanya, PSMC, Win Semiconductors, Episil, Winbond

- Conception et brevets technologiques (Fabless) :

ARM, Qualcomm, Nvidia, Advanced Micro Device, MD, Micron Technology, Broadcom

- IDM (Integrated Device Manufacturer) :

Intel, Samsung, STMicroelectronics, Infineon, Texas Instrument

Source : Statista
Si vous souhaitez en découvrir davantage sur les acteurs de ce marché, une liste thématique Zonebourse est disponible juste ici