par Suleiman Al-Khalidi

MER MORTE, Jordanie, 20 décembre (Reuters) - L'Iran a signalé mardi lors d'une conférence en Jordanie à laquelle participait notamment l'Arabie saoudite, son grand rival régional, sa volonté de discuter avec tous les pays du Moyen-Orient, sans toutefois que des avancées réelles soient perceptibles et alors qu'aucun échange direct n'a eu lieu.

Destinée à promouvoir la stabilité de l'Irak et du Moyen-Orient dans son ensemble, la conférence dite "Bagdad II", organisée conjointement par l'Irak et la France, réunissait les présidents desdits pays ainsi que les dirigeants jordanien, égyptien et qatari, notamment.

Présente également en Jordanie, la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a dit devant des journalistes s'être brièvement entretenue avec son homologue iranien Hossein Amirabdollahian pour "lui demander, à nouveau, la libération immédiate des otages qui sont détenus par l'Iran et le plein respect du droit international humanitaire, et du droit international en général".

Un communiqué publié à l'issue de la réunion indique que les participants ont examiné les répercussions des crises internationales sur l'Irak et la région, déclarant qu'une coopération régionale était nécessaire pour surmonter ces crises, mais sans présenter de mesures spécifiques.

Alors que Ryad et Téhéran ont rompu leurs relations en 2016, le rendez-vous sur la rive de la mer Morte constituait une occasion de mener des discussions bilatérales. Toutefois, aucune réunion entre le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faiçal ben Farhan Al Saoud, et le chef de la diplomatie iranienne n'a été mentionnée.

"Nous sommes disposés à coopérer avec tous les pays de la région, dont des pays situés au sud du Golfe persique", a déclaré Hossein Amirabdollahian.

Au cours de son allocution, le ministre saoudien des Affaires étrangères a, lui, promis de soutenir Bagdad mais n'a pas évoqué les relations avec l'Iran.

Depuis l'an dernier, l'Irak a accueilli cinq réunions entre représentants saoudiens et iraniens, dont la dernière en date a eu lieu en avril. Ces discussions n'ont débouché sur aucune avancée majeure dans les relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite, lesquelles pourraient être un vecteur de retour au calme en Irak et dans la région.

"VERMINE"

Téhéran et Ryad, respectivement chefs de file des communautés musulmanes chiites et sunnites au Moyen-Orient, soutiennent des camps différents dans différents conflits régionaux, du Yémen à la Syrie, notamment.

S'il a prôné le dialogue, Hossein Amirabdollahian a aussi mis en exergue le rôle de l'Iran dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie. Il a évoqué par ailleurs Qassem Soleimani, le défunt commandant d'une unité d'élite des Gardiens de la révolution iranienne abattu dans une frappe américaine à Bagdad en janvier 2020.

En marge de l'intervention du ministre iranien des Affaires étrangères lors de la conférence, le successeur de Qassem Soleimani a décrit l'Arabie saoudite comme une "vermine". Elle ne "vaut pas la peine d'être un ennemi", a dit Esmail Ghaani depuis Téhéran.

Le rendez-vous jordanien s'inscrivait dans la lignée du rassemblement organisé l'an dernier à Bagdad dans le but de soutenir la stabilisation de l'Irak, secoué par de multiples crises depuis l'invasion menée par les Etats-Unis en 2003, entre lutte contre des groupes insurgés, corruption et instabilité politique.

"Nous rejetons les ingérences dans les affaires internes (de l'Irak), nuire à sa souveraineté ou attaquer son territoire", a déclaré le Premier ministre irakien Mohammed Chia al Soudani, ajoutant par ailleurs que Bagdad n'acceptait "qu'aucune menace ne soit lancée depuis l'Irak contre tout pays voisin ou de la région".

Après s'être rendu à Doha au Qatar où il a assisté dimanche à la finale la Coupe du monde de football perdue par la France face à l'Argentine, puis sur le porte-avions Charles-De-Gaulle au large de l'Egypte où il a rendu visite lundi aux troupes françaises, Emmanuel Macron a souligné qu'il fallait que les pays se focalisent sur la sécurité, l'économie, l'eau et les infrastructures, avec l'espoir de convenir de projets communs concrets.

Le président français n'a donné aucun exemple spécifique de domaines possibles de coopération. "Il faut que l'on arrive collectivement à aller au-delà des divisions du moment", a-t-il dit, notant que la guerre en Ukraine avait contribué à exacerber les tensions dans la région.

Parmi les autres chefs d'État et de gouvernement présents figuraient le président égyptien Abdel Fattah al Sissi, l'émir qatari cheikh Tamim ben Hamad al Thani, le roi Abdallah de Jordanie ainsi que l'émir koweïtien cheikh Nawaf al Ahmad al Sabah. (Reportage Suleiman al-Khalidi en Jordanie et Nadine Awadalla et John Irish à Paris, rédigé par Tom Perry et Timour Azhari; version française Augustin Turpin et Jean Terzian, édité par Jean-Stéphane Brosse)