Ecran noir

Le premier est le secteur des opérateurs de cinéma. Pas besoin d'être un grand analyste pour comprendre que les salles obscures ont payé un lourd tribut au confinement, qu'elles ont perdu une partie de leurs capacités d'accueil à la réouverture et qu'elles sont à la merci des nouvelles mesures de distanciation physique. A cela s'ajoutent les décisions des majors du cinéma de repousser la sortie de certains films-phare, un véritable coup de couteau planté dans le dos des exploitants.

"Si beaucoup de spectateurs sont impatients de retrouver un certain niveau de normalité, il y en a encore beaucoup d'autres qui, selon nous, resteront réticents à aller au cinéma avant qu'un vaccin ne soit disponible, ou un peu avant dans l'hypothèse où le taux de transmission diminuerait considérablement", estime Michael Pachter, l'infatigable analyste divertissement de Wedbush Morgan. Il estime que le box-office 2020 aux Etats-Unis devrait baisser d'au moins 79% par rapport à 2019, pour se limiter à 2,4 Mds$, et fixe le curseur à -37% (par rapport à 2019) en 2021, "car les attentes concernant les futures sorties en salles s'amenuisent". Un certain nombre de films devraient en outre débarquer sur les plateformes de VOD, "qui seront confrontées à une pénurie de contenu à la fin de l'année et en 2021, car les productions ont été interrompues dans l'ensemble du secteur".

Les principaux acteurs occidentaux cotés sont Cineworld, Cineplex, Cinemark, Reading International, AMC Entertainment, Everyman et Kinepolis, et leurs parcours boursiers depuis le 1er janvier se passent de commentaires.

Le bilan boursier des grandes entreprises cotées du secteur (Source Zonebourse)

Le bilan boursier des grandes entreprises cotées du secteur (Source Zonebourse)

La croisière ne s'amuse plus du tout

Commençons notre état des lieux par un aveu d'impuissance à rallonge, mais tellement sincère qu'il vaut tous les commentaires. Ce sont les analystes de Berenberg en charge du secteur "Croisières & Voyagistes" qui écrivent. "Nous n'avons absolument aucune idée du moment où les navires navigueront avec un nombre significatif de passagers, de la rapidité avec laquelle la demande va augmenter, de ce qu'il adviendra de l'offre lorsque la construction des navires sera retardée et que certains petits acteurs disparaîtront, des limites qui pourraient être imposées au secteur pour qu'il puisse commencer à naviguer, des perspectives macroéconomiques, de notre conviction que le secteur n'est pas la machine à cash qu'il aime à laisser croire et, enfin et surtout, de l'impact profond que la pandémie a eu sur la structure du capital des compagnies de croisière." Berenberg reste "fermement convaincu" que les amateurs de croisière constituent un public fidèle qui serait prêt à réembarquer au plus vite. Mais un retour à la normale ne lui semble pas envisageable à court terme, et la rentabilité de 2019 attendra probablement 2024 ou même 2025 pour être restaurée. En attendant, le secteur devrait brûler 30 Mds$ de liquidités entre 2019 et 2025 : on est loin d'une vache à lait !

Investir actuellement dans un croisiériste paraît particulièrement osé. Le secteur n'a aucune visibilité et, comme le souligne le bureau d'études précité, son intensité capitalistique est élevée, ce qui se marie assez mal avec une activité nulle et un coût de la dette en forte hausse. Il faudra sans doute regarder ce qui se passe aux Etats-Unis pour savoir si une reprise durable est possible : les nord-américains représentent plus de 50% des consommateurs de croisière du monde, avec un taux de fidélité élevé. En attendant, le secteur, plus que les autres, espère l'arrivée d'un vaccin.

Les principaux acteurs occidentaux sont Carnival, Norwegian Cruise, Royal Caribbean, Tallink et Viking Line. Là aussi, des parcours très compliqués en bourse.

Le bilan boursier des grandes entreprises cotées du secteur (Source Zonebourse)

Le bilan boursier des grandes entreprises cotées du secteur (Source Zonebourse)

Après leurs chutes boursières, les deux secteurs pourraient être considérés comme des gisements d'investissement "value". Mais la profonde dégradation de leurs fondamentaux, la très faible visibilité sur le moyen terme et les risques de liquidité qui perdurent en font des paris encore très risqués.