Monsieur le Président du Conseil, cher Paolo,

Monsieur le Président du Parlement européen, cher Antonio

Cher Romano Prodi,

Monsieur le ministre, cher Carlo,

Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs,

Signore e signori, buongiorno a tutti,

Merci de me donner l'occasion d'évoquer l'avenir de notre Union avec vous, au milieu d'hommes et de femmes qui connaissent bien l'Europe et qui, pour certains, ont apporté leur pierre à la construction européenne. Et je veux remercier Il Messaggero pour cette invitation.

Peut-être puis-je commencer en évoquant ma conviction et mon sentiment personnel sur notre Europe, comme citoyen et comme négociateur de l'Union, depuis le référendum au Royaume-Uni.

Le 24 juin 2016, l'Europe s'est réveillée dans la stupéfaction. Nous avions du mal à croire que les citoyens britanniques venaient de décider, souverainement, de mettre fin à 44 ans d'histoire commune. Nous avons eu du mal à réaliser, quelques mois plus tard, que la relation transatlantique risquait de changer sous l'effet de l'élection de Donald Trump. Et naturellement, après chaque attentat terroriste, nous avons du mal à croire que des enfants de nos pays puissent commettre l'irréparable sur notre sol.

Mais à chaque fois, de ces moments de stupéfaction est née une réponse commune. Très vite, après le référendum britannique, les Européens ont exprimé leur envie de continuer à avancer ensemble. Très vite, après l'élection de M. Trump, l'Union a réaffirmé avec force son engagement en faveur du multilatéralisme et de la lutte contre le changement climatique. Très vite, après chacun des attentats que nous avons vécus sur notre sol, à Paris, Bruxelles, Nice, Londres, Manchester, Berlin, Stockholm ou encore Barcelone, s'est manifestée la solidarité entre les peuples européens et une détermination à combattre la terreur côte à côte.

C'est la preuve que ce qui nous unit, nos valeurs communes, notre envie et notre intérêt à être ensemble, sont plus forts que tout ce qui pourrait nous diviser.

Quand Jean-Claude Juncker m'a fait confiance en me proposant de conduire cette négociation, peu de temps après le référendum, le sentiment général était au pessimisme. On nous disait que l'Union serait divisée. On nous prédisait la victoire des populistes au Pays-Bas, en France, en Autriche. On nous disait que d'autres pays européens suivraient à coup sûr l'exemple britannique.

Près d'un an et demi plus tard, rien de tout cela ne s'est produit. Nous ne devons pas banaliser les progrès des populistes. C'est notre tâche à tous d'en comprendre les raisons, et d'y apporter des réponses, ne jamais confondre le populisme avec le sentiment populaire qu'il faut écouter et auquel il faut répondre.

Paradoxalement, le Brexit aussi nous a unis à 27. Je finirai bientôt mon deuxième tour des capitales européennes. Je rencontre depuis un an chacun des chefs d'Etat et de gouvernement. Et je peux vous dire qu'il y a une prise de conscience collective et un esprit de responsabilité devant la gravité des enjeux et des défis.

Notre unité est fondamentale pour réussir cette négociation. Elle est dans l'intérêt des 27. Elle est aussi dans l'intérêt du Royaume-Uni.

Notre unité, Mesdames et Messieurs, nous permet de poser avec fermeté trois clefs pour conclure un partenariat ambitieux avec le Royaume-Uni. Pas seulement pour faire du commerce ensemble mais aussi pour notre sécurité et notre défense.

D'abord, nous devons nous mettre d'accord sur le retrait ordonné du Royaume-Uni. Avant d'engager la discussion sur notre future relation et une éventuelle période de transition.

  • Les 27 Etats membres et le Parlement européen, sous l'impulsion d'Antonio Tajani, ont été, depuis le début, très clairs sur ce que veut dire ce retrait ordonné.
  • Au moment de la séparation que les Britanniques ont souhaité, nous devons garantir les droits des citoyens européens au Royaume-Uni et britanniques dans l'UE. Nous devons rendre des comptes justes aux contribuables. Et nous devons trouver le moyen de maintenir la stabilité, le dialogue en Irlande. C'est la condition de la confiance entre les Britanniques et l'Union. Une confiance dont nous avons absolument besoin.
  • Je reviendrai aujourd'hui en début d'après-midi à Bruxelles pour reprendre les négociations. Le temps presse. Le Conseil européen d'octobre a voulu maintenir la dynamique des discussions et je m'inscris dans cet état d'esprit. Mais le moment d'une vraie clarification approche.

Deuxièmement, et pour bien préparer notre relation future, nous devons tous comprendre et expliquer objectivement ce que veut dire quitter l'Union européenne, le marché intérieur et l'Union douanière. Ces choix ont des conséquences.

  • On ne peut pas être à moitié dans le marché unique et à moitié en dehors.
  • On ne peut pas vouloir mettre fin à la libre circulation des personnes tout en conservant la libre circulation des marchandises, des services ou des capitaux à travers un système d'équivalences généralisées.
  • On ne peut pas vouloir sortir du marché intérieur et continuer à en édicter les règles.
  • On ne peut pas sortir de l'Union douanière mais vouloir bénéficier d'un commerce sans friction avec l'Union européenne.

Ce marché unique qui est notre principal atout économique, c'est un ensemble de lois, de règles, de normes choisies en commun - et le Royaume-Uni les connaît bien puisque, depuis 44 ans, nous les décidons ensemble - et que nous respectons ensemble, avec des institutions et une juridiction communes.

Il n'y a aucune raison, je dis bien aucune, pour que le marché unique soit fragilisé à l'occasion du départ d'un Etat membre.

Troisièmement, il n'y a pas de partenariat futur sans règle du jeu commune. Il n'y aura pas de relation commerciale étroite sans level playing field.

Cette règle du jeu n'est pas si facile à bâtir puisque, pour la première fois dans une négociation avec un pays tiers, il s'agira davantage de maîtriser les divergences réglementaires que d'encourager les convergences.

Mais elle est important parce qu'elle est une des conditions des futurs débats de ratification de notre accord avec le Royaume-Uni devant les Parlements de chaque Etat membre et donc évidemment devant le Parlement italien.

Et quand j'entends le Secrétaire au commerce américain Wilbur Ross appeler à Londres les Britanniques à diverger avec l'Europe pour mieux converger vers d'autres - vers moins de régulation, environementale, sanitaire, alimentaire, sans doute aussi financière, fiscale et sociale - je m'interroge.

Le Royaume-Uni a choisi de quitter l'Union européenne. Est-ce qu'il voudra aussi s'éloigner du modèle européen ? C'est une autre question.

Il y a derrière ce cadre réglementaire européen des choix de société fondamentaux auxquels nous tenons : l'économie sociale de marché, la protection de la santé, la sécurité alimentaire, une régulation financière juste et efficace.

Je le dis ici à Rome où a été signé le traité qui fonde ce modèle : nous n'accepterons pas que ce cadre réglementaire soit remis en cause avec les droits qui s'y attachent pour les citoyens, pour les consommateurs, pour l'environnement, pour les entreprises, pour les collectivités. Nous y tenons et nous le défendrons.

Bien sûr, le Royaume-Uni reste en Europe. Mais c'est aux Britanniques de nous dire s'ils adhèrent toujours au modèle européen. Leur réponse est importante car elle oriente la discussion sur notre futur partenariat et les conditions de sa ratification.

Mesdames et Messieurs,

On voit bien qu'il y a dans cette négociation des principes fondamentaux qui nous unissent.

Et on voit bien aussi que cette unité est plus que jamais nécessaire pour faire face aux défis de l'instabilité géopolitique et de la sécurité, du changement climatique et de la migration, de la compétitivité de nos entreprises.

Pour chaque nation et chaque citoyen, la question est : voulons-nous aborder ces sujets ensemble, dans l'unité, ou voulons-nous les aborder séparément, chacun chez soi et chacun pour soi ?

Si on regarde le monde tel qu'il est, c'est une évidence que nous sommes plus forts ensemble. Etre ensemble est une nécessité pour négocier avec des pays comme la Chine, garantir le respect des règles de la concurrence par les entreprises multinationales ou se protéger la spéculation financière.

Souvenons-nous de ce que disait Barack Obama aux Américains 'We are the ones we have been waiting for'. 'Siamo quelli che stiamo aspettando'

Pourquoi cette ambition, cette fierté d'être ensemble, cette volonté d'agir dans le présent, cette capacité d'influer sur le cours des choses serait-elle réservée aux Américains ?

Il y a deux choses dont je suis sûr :

  • Dans le monde d'aujourd'hui, où l'on nous espère encore parfois mais où l'on ne nous attend plus, ce que nous ne ferons pas entre Européens, personne ne le fera à notre place.
  • Et dans ce monde-là, sans une 'masse critique' suffisante, personne ne nous respectera. C'est ce qu'avaient compris Spinelli, De Gasperi, Adenauer, Schuman et Monnet et bien d'autres hommes d'Etat il y a 60 ans déjà.

L'Europe a cette 'masse critique' pour relever les défis d'aujourd'hui et porter à la fois ses valeurs et ses intérêt dans le monde de demain.

L'Union européenne est et restera un acteur mondial. Ensemble, même sans le Royaume-Uni, nous restons un marché de 445 millions de consommateurs avec un PIB de plus de 15 trillions d'euros. Nous sommes la deuxième économie du monde, après les Etats-Unis, la première destination pour les investissements directs à l'étranger, le premier donateur d'aide publique au développement.

Mesdames et Messieurs,

Une fois qu'on est d'accord pour être ensemble, c'est une question différente de savoir comment on est ensemble, et ce qu'il faut changer à Bruxelles.

  • Pour, comme le dit Jean-Claude Juncker, s'occuper davantage des grands sujets et moins des petites choses.
  • Pour réformer, et corriger certaines directives comme on vient de le faire sur le détachement des travailleurs. Cela prouve que, avec de la volonté politique, on peut lever les blocages, mêmes les plus tenaces.
  • Pour poursuivre le renforcement de l'Union économique et monétaire. En transformant le mécanisme européen de stabilité en véritable fonds monétaire européen. Et en créant un jour le poste de ministre européen de l'économie et des finances comme il existe déjà le poste de « ministre européen des affaires étrangères », la fonction qu'anime avec conviction de Federica Mogherini.
  • Pour bâtir, à côté de l'Union bancaire, une véritable union des marchés de capitaux qui prouvera que l'Union dispose des compétences, des fonds et des structures pour rester un centre financier de premier plan après le départ de la City.
  • Pour continuer à bâtir une défense européenne dont Romano Prodi avait posé en son temps les premières bases. La Commission européenne a proposé en juin un Fonds européen de la défense et une coopération structurée permanente.
  • Pour continuer à bâtir notre 'Europe globale' qui a déjà des accords commerciaux avec 60 pays dans le monde, et qui s'apprête à négocier avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
  • Pour bâtir un nouveau partenariat entre l'Union européenne et l'Afrique, cet immense continent qui comptera bientôt deux milliards d'hommes et de femmes, avec tant de problèmes et tant d'opportunités.
  • Pour relever le niveau d'ambition de notre politique étrangère. Comme l'Italie l'a souvent souhaité, l'Union va de l'avant. Nous renforçons notre capacité d'agir ensemble à nos frontières et parfois au-delà.

Mesdames et Messieurs,

Ces projets, parmi d'autres, montrent que l'Europe est capable de s'adapter, de se réformer, d'avancer comme un continent tout entier où les nations ont choisi volontairement de mutualiser leur destin et une partie de leurs politiques. Mutualiser ce n'est pas fusionner. Nous voulons une Europe unie, pas uniforme.

Nous devons continuer sur cette voie sans perdre de vue l'essentiel : l'avenir de l'Union, qui est bien plus important que le Brexit. Et pour reprendre le titre de votre conférence, prenons conscience de notre 'obligation de croître'. Le moment est venu d'un nouveau volontarisme européen.

La Sté European Commission a publié ce contenu, le 09 novembre 2017, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
Les contenus ont été diffusés par Public non remaniés et non révisés, le09 novembre 2017 11:46:03 UTC.

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