PARIS (Reuters) - Le constructeur américain de voitures électriques Tesla a assuré au gouvernement français qu'il n'avait relevé aucune indication qu'un problème technique puisse avoir provoqué un accident mortel survenu samedi soir à Paris avec un de ses véhicules, a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.

La compagnie de taxis parisienne G7 a annoncé mardi mettre à l'arrêt ses 37 véhicules électriques Tesla modèle 3 à la suite de cet accident ayant impliqué un de ses chauffeurs, qui n'était pas en service.

Le directeur général délégué de G7, Yann Ricordel, a déclaré à Reuters que le chauffeur, qui se rendait au restaurant avec sa famille, avait indiqué aux enquêteurs que sa voiture avait accéléré au lieu de freiner, entamant une course infernale dans les rues du XIIIe arrondissement de Paris avant de s'immobiliser après avoir percuté une camionnette.

Une personne a succombé à ses blessures - un cycliste renversé par la voiture circulant à grande vitesse - et une vingtaine d'autres ont été blessées, dont trois se trouvent dans un état grave, selon une source proche de l'enquête.

"Nous avons pris contact avec les dirigeants de Tesla, bien sûr, ils nous affirment qu'il n'y a pas de problème technique à signaler", a déclaré Gabriel Attal à la presse.

Le gouvernement attend les conclusions de l'enquête en cours pour se faire une opinion, a-t-il ajouté.

Le ministre chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a estimé de son côté qu'il n'y avait pas pour le moment de raison de nourrir "d'inquiétude" à la suite de cet accident.

"A ce stade nous n'avons pas d'élément technique qui nous ferait croire qu'il y a un problème de dysfonctionnement technique sur ces modèles-là", a-t-il dit sur RMC.

Interrogé sur la décision de G7 de mettre à l'arrêt ses Tesla modèle 3, Jean-Baptiste Djebbari a jugé qu'il s'agissait d'appliquer le principe de précaution.

Le ministre a ajouté que le directeur général de Tesla Europe lui avait dit n'avoir connaissance d'"aucune alerte de ce type", alors que le modèle 3 de Tesla est l'un des véhicules électriques les plus vendus au monde et que 70.000 exemplaires sont actuellement en circulation en Europe.

La direction du groupe dit avoir "fourni toutes les données techniques à la justice, au parquet notamment qui mène l'enquête", a ajouté Jean-Baptiste Djebbari.

INTERROGATIONS SUR L'"AUTOPILOT"

La compagnie G7, qui compte une flotte d'environ 9.000 taxis à Paris, n'a pas suspendu l'utilisation d'un autre modèle Tesla, le Model S, dont elle exploite 50 exemplaires, a précisé à Reuters une porte-parole.

Le groupe californien collecte des données détaillées recueillies via les capteurs et les caméras de ses véhicules. Ces données lui ont servi par le passé pour contester les accusations imputant des accidents à un dysfonctionnement technique de ses voitures.

Les images que Reuters a pu consulter ne permettent pas de tirer de conclusion sur les causes de l'accident.

Sur une vidéo extraite d'une caméra de surveillance d'un restaurant du quartier de Tolbiac, où l'accident a eu lieu, on voit une voiture noire passer à très grande vitesse dans la rue - l'avenue d'Ivry - puis, hors image, on entend un choc violent.

Selon une source policière, le conducteur a déclaré aux enquêteurs qu'il avait tenté d'arrêter son véhicule en heurtant tous les obstacles qui se trouvaient sur son passage, dont un container de verre à recycler et une rangée de vélos en libre-service.

Mais avant d'immobiliser son véhicule à moitié détruit au milieu d'un carrefour, le conducteur, dont l'alcoolémie était négative, a aussi percuté le cycliste qui a succombé par la suite à ses blessures et des piétons.

Une enquête a été ouverte pour "homicide involontaire et blessures involontaires par véhicule terrestre à moteur" et confiée au parquet de Paris.

"J'ai cru que c'était un attentat. Il y avait du verre, de la poussière... c'est comme s'il y avait eu une explosion", a déclaré à Reuters un témoin de la scène, Tillard Diomandé, serveur dans le restaurant Moonlight African.

On ne sait pas si le conducteur de la voiture accidentée avait enclenché son Autopilot, le système d'assistance à la conduite avancé qui fait la fierté du patron de Tesla, Elon Musk, selon lequel l'Autopilot réduit par dix le risque d'accident par rapport à la conduite manuelle.

L'Agence de sécurité autoroutière des Etats-Unis a annoncé en août passer en revue une trentaine d'accidents ayant provoqué la mort de dix personnes depuis 2016, dans lesquels l'Autopilot pourrait avoir joué un rôle. Sa responsabilité n'a pour l'heure été écartée que dans trois cas.

(Reportage d'Elizabeth Pineau et Alain Acco, avec Mathieu Rosemain et Gilles Guillaume, rédigé par Myriam Rivet et Tangi Salaün, édité par Bertrand Boucey et Jean Terzian)

par Elizabeth Pineau et Alain Acco