(Bien lire au 1er § "l'autoroute" de 2017, et non 2018)

PARIS, 28 novembre (Reuters) - L'évolution de la situation économique et monétaire aux Etats-Unis sera l'an prochain le seul enjeu réellement décisif pour les marchés financiers mondiaux, estime Lombard Odier, qui se prépare à piloter sur une "route de montagne" après "l'autoroute" de 2017.

"C'est vraiment ce qui se passe aux Etats-Unis qui a changé le paradigme du cycle actuel", a déclaré Samy Chaar, économiste en chef de la banque privée suisse, lors d'une présentation à la presse mercredi.

"L'économie américaine va bien, on peut la comparer à un sportif qui remporte toutes les courses; mais le sportif américain est dopé" par les baisses de taxes et un budget expansionniste.

Une stratégie qui n'est pas tenable à long terme, a-t-il souligné en pointant l'écartement récent entre la courbe du chômage et celle du déficit budgétaire aux Etats-Unis, une première depuis plus de 35 ans.

L'évolution de la croissance, de l'inflation et des taux d'intérêt américains seront donc déterminants au cours des prochains mois pour les investisseurs, a souligné Samy Chaar, en raison de leur influence sur le coût du capital.

"Au cours des cinq à dix dernières années, on a eu un coût du capital négatif ou nul; c'était un peu 'l'autoroute de la finance': on pouvait prendre énormément de risque dans les portefeuilles, il y avait beaucoup d'oxygène dans l'air. Aujourd'hui, on a atteint la route de montagne, l'oxygène dans l'air est train de se raréfier."

"On n'est pas en train de dégringoler la montagne, on est en train de monter. Mais pour la gestion d'actifs, c'est plus ardu."

L'EURO ATTENDU À PLUS DE 1,20 DOLLAR FIN 2019

Pour l'économiste, le point d'inflexion du cycle sera le moment où les taux réels (hors inflation) américains auront atteint le niveau de la croissance potentielle.

"La Fed devrait relever les taux en décembre, puis deux ou trois fois en 2019. Ensuite, il est probable qu'elle s'arrêtera. Il y aura alors deux scénarios: soit elle va trop loin, un peu comme en 2006-2007, et on aura une crise assez rapidement; soit elle reste neutre, et alors certains acteurs économiques souffriront mais il n'y aura pas de dégringolade."

Dans ce deuxième cas, Samy Chaar n'exclut pas à terme des épisodes récessifs et une fin de cycle équivalente à celles observées dans les années 1950 et 1960, avec à la clé des mouvements de baisse des marchés boursiers "de 20% à 30%, mais pas de 40% à 50%".

Pour autant, "je n'ai pas l'impression qu'on aura un très gros accident économique et financier l'année prochaine, qu'il s'agisse d'une récession américaine, d'un démantèlement de la zone euro ou d'un atterrissage brutal en Chine", rassure Samy Chaar.

Pour la stratégie d'investissement de Lombard Odier, ces perspectives se traduisent par un positionnement neutre sur les actions, une restructuration de la part obligataire des portefeuilles, sous-pondérés en "investment grade" et sortis du "high yield", et la constitution de "coussins de sécurité", par exemple via le yen et le franc suisse, "des devises qui font bien quand ça va mal".

Lombard Odier estime par ailleurs que le dollar a déjà intégré la totalité des hausses de taux de la Fed alors que le resserrement de la politique de la Banque centrale européenne (BCE) sera progressivement intégré en 2019. L'euro devrait donc s'apprécier face au billet vert l'an prochain pour remonter à plus de 1,20 dollar, contre 1,13 environ aujourd'hui.

LE POINT sur les perspectives de marché 2019 des gérants et stratèges

(Marc Angrand, édité par Patrick Vignal)