(Actualisé avec bilan et participation § 3, 5, 9, 10)

par Andrew Cawthorne et Diego Oré

CARACAS, 21 juillet (Reuters) - De nombreuses rues du Venezuela étaient désertes et barricadées jeudi en raison d'une grève nationale lancée par l'opposition pour obtenir l'organisation d'une élection présidentielle et l'abandon du projet d'instauration d'une assemblée constituante.

Des Andes à l'Amazone, des millions de Vénézuéliens ont participé à cette grève de 24 heures lancées par l'opposition pour accroître la pression sur le Parti socialiste au pouvoir et nombre d'entreprises sont restées portes closes.

Deux jeunes hommes ont été tués par balle dans des manifestations, ont annoncé les autorités.

"Cela a bien commencé. Pas de circulation, tout reste fermé. Nous devons tous faire de notre mieux pour nous débarrasser de ce tyran", déclarait à un barrage filtrant, sur une grande artère de Caracas, un jeune manifestant de 17 ans, Miguel Lopez, à propos du président Nicolas Maduro.

L'opposition a estimé que 85% du pays s'était joint au mouvement de grève.

Cette grève nationale, qui a débuté à 06h00 locales (11h00 GMT), intervient quatre jours après l'organisation d'un référendum informel par l'opposition.

De nombreuses sociétés privées de transport ont relayé l'appel tandis que des étudiants, des habitants et des militants de l'opposition ont utilisé des poubelles et des meubles pour constituer des barricades.

Des incidents sporadiques ont opposé des forces de l'ordre, faisant usage de gaz lacrymogènes, à des étudiants lançant des pétards.

Ronney Tejera, âgé de 24 ans, et Andres Uzcategui, âgé de 23 ans, ont été tués par balle dans des manifestations à Caracas et à Valence, dans l'Etat de Caracobo, a déclaré le bureau du procureur de l'Etat. Plus de 170 personnes ont été arrêtées, a annoncé un groupe de défense des droits de l'homme en fin d'après-midi.

La crise qui secoue le Venezuela a fait 97 morts depuis avril, et plusieurs milliers de blessés.

Dans un discours, le président Maduro a déclaré que des opposants avaient attaqué le siège de la télévision publique et brûlé un kiosque appartenant à la poste.

Des employés de la télévision se sont défendus avec l'aide de militaires, a-t-il dit. "J'ai ordonné la capture de tous les fascistes terroristes", a ajouté le chef de l'Etat.

"ILS NE REVIENDRONT PAS!"

Dans certains quartiers de Caracas, comme les zones pauvres de Catia et du 23-Janvier, l'activité semblait normale et les commerces étaient ouverts.

"Je suis en grève par le coeur", a commenté un ingénieur d'une usine métallurgique dans l'Etat de Bolivar à l'arrêt du bus qui devait le conduire sur son lieu de travail. "Si on ne se présente pas au travail, ils vont nous virer".

Après trois mois et demi de manifestations quasi quotidiennes, certaines violemment réprimées par les forces de l'ordre, la coalition Table de l'unité démocratique avait annoncé dimanche une "heure H" pour marquer le début d'une nouvelle vague de protestation.

Syndicats d'étudiants et groupes de transports avaient assuré qu'ils répondraient à l'appel à la grève et de nombreuses petites entreprises s'étaient engagées à ne pas fonctionner.

Le président Maduro, dont le mandat prend fin début 2019, juge le référendum organisé dimanche sans valeur et propose pour sa part aux 30 millions de Vénézuéliens la création d'une assemblée constituante dont l'élection est prévue le 30 juillet.

"L'Assemblée constituante va se tenir", a déclaré Eulogio Del Pino, président de la société pétrolière PDVSA, à la télévision locale de l'Etat de Monagas. Plusieurs ouvriers l'entourant vêtus de chemises rouges chantaient, "ils ne reviendront pas", en référence à un éventuel retour de l'opposition au pouvoir. Aucune perturbation n'était prévue dans la production de la société pétrolière qui fournit 95% des revenus d'exportation du pays.

ORDRE D'IGNORER L'APPEL DANS LE SECTEUR PUBLIC

Dans les entreprises publiques, ordre a été donné aux près de trois millions de salariés d'ignorer l'appel à la grève.

Un appel à la grève similaire lancé l'année dernière n'avait globalement pas été suivi. Le gouvernement avait alors promis de nationaliser toutes les entreprises qui ne travailleraient pas.

Dans l'Etat de Barinas, une ancienne place forte de l'ex-président Hugo Chavez, décédé en mars 2013, devenu un bastion de l'opposition ces dernières années, la grève a été fortement suivie, selon les autorités locales.

La crise politique et les violences qui touchent le Venezuela ont en toile de fond un marasme économique qui dure depuis des années, avec inflation galopante et pénurie de biens de première nécessité.

Le président Maduro, que l'opposition juge incompétent et autocratique, accuse les Etats-Unis de soutenir ses opposants dans l'objectif de contrôler les richesses pétrolières du pays.

Mardi, Donald Trump a menacé le Venezuela de "mesures économiques fortes et rapides" s'il menait à bien son projet d'assemblée constituante. (Avec Franciso Aguilar à Barinas, Nicolas Delame, Eric Faye, Pierre Sérisier et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)