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(Easybourse.com) Quel regard portez-vous sur l'évolution du marché financier chinois au cours de ces derniers mois ?
Il y a eu l'année dernière une phase importante de réduction des risques des pays émergents jusqu'au mois de novembre.
Puis, à la suite du plan de relance du gouvernement chinois, nous avons observé une reprise d'appétit pour le risque de la part des investisseurs internationaux.
L'indice H qui concerne les sociétés chinoises cotées sur la bourse de Hong Kong plus aisément accessibles pour les investisseurs étrangers a repris près de 70% depuis son plus bas niveau de 2008.
Ce mouvement à la hausse a duré jusqu'à la première semaine du mois de janvier de cette année.

La non amélioration de la conjoncture économique internationale, les inquiétudes persistantes sur le ralentissement de la croissance aux Etats Unis et en Europe, ont amené un regain de crainte chez les investisseurs.
Ces derniers ont par conséquent de nouveau vendu massivement les marchés émergents et notamment le marché chinois.

Quand percevez-vous un rebond durable du marché chinois ?
Tant que l'environnement global ne se stabilisera pas, la reprise sur le marché chinois ne se fera pas de manière durable.
Cela ne signifie pas pour autant que nous ne sommes pas positifs sur l'évolution de ce marché à moyen-long terme.
Nous sommes convaincus que l'accalmie retrouvée sur les marchés, les liquidités s'orienteront de nouveaux vers les économies émergentes en forte croissance et plus particulièrement vers la Chine.
C'est simplement une question de temps. Des conditions doivent préalablement être remplies.

Quelles conditions en particulier ?
Il faut tout d'abord que le stress sur le marché interbancaire se réduise de manière à ce que les conditions de liquidités s'améliorent sur les principales places internationales. Par ailleurs, les spreads de crédit qui sont encore à un niveau très élevé sont également de bons indicateurs à surveiller.

Il faut par la suite que l'efficacité des plans de relance annoncés un peu partout dans le monde soit avérée. Il y a un attentisme de la part des investisseurs s'agissant de l'adoption et de la mise en application des mesures envisagées pour stimuler la consommation et l'investissement.
Ce sont autant d'indicateurs importants qui doivent être confirmés avant que la confiance ne revienne véritablement sur les marchés financiers, notamment sur les marchés émergents.

Quelle a été la réaction du gouvernement chinois face à la chute de son marché boursier?
Tout d'abord, une participation plus active des fonds de pension a été encouragée pour soutenir le marché.
Les taux d'intérêt ont été fortement baissés, l'impôt boursier a été considérablement diminué. Le gouvernement chinois possède également beaucoup de marge pour diminuer le ratio de réserve bancaire qui se situe à un niveau élevé.

Ces mesures ne visent pas à proprement parler à poser un frein à toute baisse éventuelle mais sont destinées à maintenir une certaine confiance des investisseurs.

La performance du marché local a été impressionnante en relatif…
Le marché A de Shanghai en 2008, dont la performance est reflétée par l'indice composite SHCOMP index a gagné 24% depuis le 1er janvier contre - 10% pour le Nikkei, -3,5% pour le marché de Hong Kong, et -1% pour l'indice HSCEI qui concerne les valeurs chinoises cotées à Hong Kong.
Ainsi par rapport aux autres places asiatiques importantes l'indice de Shanghai a surperformé d'environ 25%.
Cette performance pourrait être expliquée par un effet de rattrapage suite à une performance de -65% en 2008 et surtout par le fait que c'est le marché qui pourrait bénéficier en premier du plan de relance du gouvernement chinois

De quelle manière appréhendez-vous le comportement des investisseurs QFII (Qualified Financial Institutional Investor)?
La participation des investisseurs QFII est très limitée par rapport à l'ensemble de la capitalisation du marché chinois. Il y a seulement 10 milliards de US dollars de quotas qui ont été distribués durant les cinq dernières années. Ces investisseurs ne sont pas en mesure d'influencer de manière conséquente le marché local.
Le seul effet pourrait résider dans une certaine stimulation psychologique des investisseurs locaux. Voyant que davantage d'investisseurs étrangers sont intéressés par le marché domestique, ces derniers pourraient avoir la volonté également d'apporter leur participation.

Etes-vous inquiète eu égard aux effets de richesse négatifs sur la population : baisse du marché immobilier, baisse du marché actions…
Non, et ce pour deux raisons principales. Le marché immobilier chinois a énormément augmenté ces dernières années. Dans les régions qui se situent aux alentours de Shanghai, le prix des appartements haut de gamme a été multiplié par 3 ou par 4 en seulement 4 à 5 ans.
Même si récemment une baisse a été observée, la plupart des propriétaires sont encore gagnants par rapport au prix d'acquisition de leur bien.
Par ailleurs, les Chinois continuent de s'enrichir. C'est uniquement le rythme de croissance de cet enrichissement qui a ralenti. En 2007 le pays a révisé son PIB de 11,9 à 13%.
En 2009, le gouvernement table sur une croissance de 7 à 8%. C'est certes un taux moindre que les années précédentes, mais cela reste relativement élevé. Il y a bel et bien de la création de richesse.

Une récente analyse de Natixis mettait en avant une diminution de la demande domestique par le crédit en soulevant la question de savoir si finalement la Chine ne connaissait pas une crise de pays avancé. Qu'en pensez vous ?
Je ne pense pas que la baisse de la demande de crédit indique forcément la baisse de la consommation. Il faut considérer les indicateurs macro économiques qui sont annoncés. Un indicateur en particulier mérite l'attention. Il concerne la vente au détail.
Le consensus pour 2009 table sur croissance de la vente au détail pour l'ensemble de la population chinoise se situant entre 12 et 15%.
A novembre 2008 la vente au détail avait progressé de 20% en glissement annuel.

Une étude de la Coface signalait récemment qu'elle mettait la Chine sous surveillance négative d'un point de vue micro économique. La thèse défendue étant que si le choc pouvait être modéré sur le plan macro économique, pour autant les entreprises chinoises pourraient montrer de grandes fragilités. Ces entreprises ont en effet été très dynamiques par le passé, ont eu des surcapacités et ont connu de fortes pressions sur leur marge.
Ces pressions devraient être difficilement soutenables dans un pays qui connaîtrait 7% de croissance. Nous pourrions avoir une amplification de la vague des faillites dans le pays. Qu'en pensez-vous ?
Je pense en effet qu'il y a de sérieuses inquiétudes à avoir s'agissant des entreprises du secteur exportateur. Nous avons par exemple une société de fabrication de papier qui est cotée à Hong Kong, Nine Dragon et qui a fait d'importants profits warnings et a eu beaucoup de difficultés dans la négociation du refinancement de ses dettes.

De multiples sociétés ont d'ailleurs du mettre la clé sous la porte en raison de la baisse des commandes venant de l'extérieur. C'est le résultat naturel de la forte chute de l'exportation en Chine.

Cependant, les grandes entreprises chinoises sont soutenues par l'Etat. On peut alors raisonnablement penser que si ces entreprises venaient à rencontrer d'importantes difficultés au niveau de leur solvabilité financière, elles seraient immédiatement renflouées par les fonds publics, directement ou indirectement.

Pour ceux qui veulent investir dans des valeurs individuelles, le tout est donc d'éviter les sociétés de petite capitalisation et les sociétés qui appartiennent au secteur lié à l'exportation. Il faut noter que la bourse chinoise locale et l'indice H reflètent essentiellement l'économie domestique comme les financières qui opèrent sur le marché local, plutôt que les secteurs liés à l'exportation.

De quelle manière appréhendez-vous le comportement des autorités chinoises s'agissant de la monnaie nationale. De quelle manière considérez-vous la dévaluation compétitive du yuan ?
Sous la pression internationale, en particulier celle exercée par le Congrès américain, la Chine a laissé sa monnaie s'apprécier de manière non négligeable, de 6,6% par rapport au dollar et de 10,5% par rapport à l'euro en 2008.
Il y a eu récemment une légère dépréciation de la monnaie, mais qui me semble tout à fait logique. La Chine n'est pas épargnée par la crise économique et s'efforce de gérer comme elle peut les difficultés auxquelles elle est confrontée. Continuer à laisser s'apprécier sa monnaie de manière massive aurait conduit à une mise à mal encore plus significative de son secteur exportateur.

Ce qui est important ce n'est pas tant le pourcentage de la dépréciation mais le message que souhaite véhiculer les autorités politiques par une telle action : à savoir qu'ils ont mis fin à l'appréciation de leur monnaie.

Par ailleurs, si nous regardons d'autres monnaies asiatiques, nous remarquons que des monnaies comme le Taiwan dollar, la roupie de l'Inde, et le Korean won se sont beaucoup dépréciés contre le dollar, respectivement de -1%, -19%, -29%.
Je pense sincèrement que le gouvernement de Pékin a fait preuve de collaboration avec les principales économies mondiales pendant ces dernières années.

Pensez-vous qu'il y aura d'autres dévaluations en 2009 ?
Je ne crois pas qu'il y aura de fortes fluctuations de la monnaie. Il y aura un équilibre entre les pressions venant d'un coté de l'international, de l'autre du besoin de soutenir son secteur exportateur.

De quelle manière investissez-vous sur le marché chinois ?
Nous n'avons pas de fonds spécifique à la Chine. Nous suivons de près ce marché dans le cadre de notre fonds ADI ExplorAsia, établi en février 2008. ADI Explorasia est un fonds à rendement absolu investissant sur les marchés asiatiques avec deux moteurs de performance, l'un sur la stratégie directionnelle qui mise sur une allocation pays et sur nos convictions fondamentales tout en gérant dynamiquement l'exposition au marché, l'autre moteur sur la stratégie de pair trading intra-sectoriel qui constitue un relais important de performance pendant la baisse de marché.

Quelle a été la performance de ce fonds l'année passée ?
De -10,8%. Le MSCI Asie hors Japon a perdu quant à lui 54%.
Depuis le début de l'année jusqu'au 11 février, le fonds affiche une performance de 3.4% (contre -10% pour le nikkei, -3,5% pour le HSI index, -1% pour le HSCEI index, -1,5% pour Taiwan, -0,8% pour l'Inde).
Notre surperformance s'explique par le fait nous sommes longs sur le marché local chinois qui a gagné 24% et nous sommes short sur le marché H (sociétés chinoises cotées à Hong Kong), le marché de Taiwan et le marché indien.

Comment expliquez-vous ce positionnement ?
Par la combinaison du momentum de marché et des fondamentaux.

A cause de son plancher de protection implicite, nous sommes longs sur sur le marché A chinois. Le PE sur ce segment est de 14 fois, ce qui est un niveau plus élevé que la plupart des marchés en Asie mais il faut systématiquement lui accorder une prime étant donné son dynamisme économique et la nature d'un marché « enfermé» (accessible uniquement par les acteurs locaux, QFII et des trackers). Par ailleurs, le marché traite au niveau de PE le plus bas depuis 10 ans.

Investissez-vous directement sur le marché local ?
Non, nous investissons dans un tracker, le 2823 HK qui se compose de 50 valeurs locales.

Comment expliquez vous votre allocation géographique ?
Nous sommes longs sur le Japon parce que les sociétés japonaises possèdent beaucoup de cash.
Nous sommes short sur Taiwan car c'est le marché le plus cher actuellement. Sa valorisation si on tient compte du PE 2009 est à 22 fois. Une révision à la baisse importante des profits est attendue.
Nous sommes également short sur l'Inde du fait des tensions internes au pays à la suite des attentats et en raison du scandale qui a frappé le groupe informatique Satyam. Nous pensons que la confiance des investisseurs a été sévèrement impactée et qu'elle ne sera pas de retour rapidement.

De quelle manière pouvez-vous augmenter votre exposition au marché local afin de capter davantage le rebond de celui-ci ?
Au-delà de l'indice, il est possible d'investir sur les sociétés chinoises cotées à la fois sur le marché A et sur le marché de Hong Kong.
Lorsque l'indice H touchera aux alentours de 6500 points, il faudra être plus agressif pour ces valeurs domestiques cotées à Hong Kong.
Nous pourrions aller jusqu'à investir la moitié du biais long de notre fonds.

Propos recueillis par Imen Hazgui 

- 11 Février 2009 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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