Sommaire :

Quelles opérations sont imposables ?

Quelle imposition ?

Comment calculer vos plus ou moins-values ?

Comment déclarer ?

Bonus : quelles alternatives ?

QUELLES OPERATIONS SONT IMPOSABLES ?

Avant de parler d’opérations imposables, faisons déjà le point sur ce que sont des “actifs numériques” pour l’administration fiscale et qu’on appellera le plus souvent “crypto” dans ces lignes par souci de simplicité. Les crypto-actifs sont en effet nombreux mais tous ne relèvent pas du régime spécifique instauré en 2019.

Sont donc concernés :

  • toutes les crypto-monnaies, y compris les stablecoins (enfin… a priori ! mais pour votre santé mentale je vous épargnerai les débats juridiques sur le sujet)
  • et les jetons, définis comme “des biens incorporels représentatifs de droits”, et regroupant essentiellement les tokens émis lors d’ICO

Quid des NFT, les Non-fungible tokens, popularisés par les CryptoKitties et dont la presse s’est récemment fait écho avec la vente par Jack Dorsey de son tout premier tweet ? Comme leur nom l’indique, ces jetons ne sont pas interchangeables. Du fait de cette unicité, ils ne constituent pas une crypto-monnaie. Et bien qu’ils soient dénommés “jetons”, ils ne semblent pas en détenir les caractéristiques : un CryptoKitty est en effet un objet en soi. Certes incorporel, mais un objet malgré tout. Certains NFT pourraient à l’inverse être qualifiés de jetons au sens fiscal mais là aussi, pour votre santé mentale, faisons simple : les NFT ne sont pas des “actifs numériques” au sens fiscal. 

Un NFT qui fait la une récemment : les NBA Top Shot, version 2.0 des cartes Panini

Précisons que la simple détention de cryptos n’est pas imposable. Ce qui est imposable, ce sont les opérations susceptibles de générer une plus-value, à savoir :

  • La cession d’un actif numérique en contrepartie d’une devise ayant cours légal
  • L’échange d’un actif numérique contre un bien ou un service
  • L’échange de cryptos avec soulte 

Vous êtes donc imposable lorsque vous changez vos cryptos contre une monnaie fiat (ou monnaie fiduciaire, de son vrai nom en français) et ce, même si votre argent reste sur la plateforme d’échange. 

Vous êtes également imposable chaque fois que vous utilisez les cryptos comme monnaie afin d’acquérir un bien ou un service. 

En revanche, vous n’êtes pas imposable si vous échangez des cryptos entre elles. A moins que cet échange ne s’accompagne d’une soulte, c’est-à-dire d’une somme d’argent. En effet, un échange de cryptos sans soulte est une simple opération intercalaire, qui sera imposée lorsque la crypto reçue en échange sera à son tour échangée contre de l’argent, ou servira comme monnaie de paiement d’un bien ou service.

NB : Les éventuelles plus-values sont exonérées dès lors que le montant total des cessions (au sens large) réalisées au cours d’une année d’imposition ne dépasse pas 305€. Le contribuable n’aura donc pas à calculer ses plus ou moins-values mais devra tout de même se conformer à quelques obligations déclaratives (voir plus bas). 

QUELLE IMPOSITION ?

Après quelques errements, la loi de finances 2019 a instauré un régime d’imposition spécifique pour les actifs numériques. Ce régime, cohérent et aligné sur la fiscalité des valeurs mobilières, consiste à imposer au taux global de 30% (12,8% d’imposition forfaitaire et 17,2% de prélèvements sociaux) la plus-value globale réalisée au titre d’une année d’imposition.

Précisions que ce régime ne concerne cependant que les plus-values réalisées à titre occasionnel par des personnes physiques dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé.

Si les plus-values résultent en revanche de l’exercice habituel d’une activité d’achat en vue de la revente de cryptos, ce n’est plus cette flat tax de 30% qui s’applique, mais le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). A cet égard, et comme en matière de valeurs mobilières traditionnelles, c’est tout un faisceau d’indices qui sera pris en considération par l’administration pour apprécier le caractère occasionnel ou habituel de l’activité de trading : quantité et ampleur des opérations réalisées, sophistication des techniques employées, savoir-faire déployé, etc. 

Et si les gains réalisés ne résultent pas d’une activité de trading, occasionnelle ou habituelle, mais constituent la contrepartie de votre activité de minage, alors vous relevez du régime des bénéfices non commerciaux (BNC).

Simple, non ? 

COMMENT CALCULER VOS PLUS OU MOINS-VALUES ?

Attention, ici on attaque la spécificité du régime d’imposition des crypto-actifs. 

Pour calculer les plus ou moins-values sur actions, c’est simple : on se contente de faire la différence entre le prix de cession et celui du prix d’acquisition. Logique, me direz-vous. 

En matière de cryptos, on raisonne différemment : au lieu de retenir le prix d’acquisition réel des actifs, on retient une proportion du prix d’acquisition du portefeuille pris dans sa globalité. Pour cela on applique la formule suivante et ce, à chaque opération imposable :

Arrêtons nous quelques instants sur chacun des éléments de cette formule. 

Le prix de cession

Première chose à noter : le prix de cession, comme l’ensemble des autres éléments de détermination de la plus ou moins-value, doit être converti en euros, par application du taux de change à la date de chaque opération.

Et si l’opération imposable n’est pas une cession au sens propre mais un échange de cryptos contre un bien ou service, le prix de cession sera alors égal à la valeur vénale, en euros, à la date de cession, du bien ou service acquis.

Par ailleurs, bonne nouvelle : les frais supportés par le contribuable à l’occasion d’une opération imposable sont déductibles du prix de cession, sur justificatifs. Ces frais sont essentiellement de deux ordres : 

  • les frais perçus par les plateformes lors des opérations imposables
  • les frais de minage

La valeur globale du portefeuille

La valeur globale du portefeuille est égale à la somme des valeurs des actifs numériques qui la composent, évalués au moment de l’opération imposable et ce, quel que soit leur support de conservation (plateforme d’échanges, serveur personnel, hardware wallet, etc.). Or comme on le sait, les cryptos n’ont pas de cours officiel ! Pour établir cette valeur, le fisc accepte donc que le contribuable ait recours aux historiques de cotation moyenne journalière sur les principales plateformes d’échange, disponibles sur divers sites internet. 

Le prix total d’acquisition 

Afin de tenir compte des cessions préalables, il faudra penser, à chaque nouvelle opération imposable, à réduire le prix total d’acquisition de la somme des fractions de capital initial (voir exemple chiffré ci-dessous).

Quand on voit les cours des principales cryptos, il est tentant de vouloir se lancer... mais attention à bien suivre le mode d'emploi pour calculer ses plus-values !

A la fin, il n’y a plus qu’à prendre l’ensemble des plus et moins-values réalisées au cours d’une même année et à les additionner, pour obtenir une plus-value nette, qui seule sera imposée. A moins que vous n’obteniez une moins-value nette, qui ne pourra pas être imputée sur les éventuelles plus-values réalisées sur actions, en ce qu’elles sont de nature différente, mais qui ne pourra pas non plus, et c’est là une particularité du régime d’imposition des cryptos, être imputée sur les plus-values cryptos réalisées au cours des années suivantes. Votre éventuelle moins-value nette sur crypto est donc une perte sèche, sans compensation, qu’il conviendra tout de même de déclarer (voir formalités plus bas).

Prenons un exemple chiffré pour rendre toutes ces belles paroles un peu plus concrètes :

En février, un contribuable ouvre un compte et acquiert pour 1 000 € d’actifs numériques.

En mars, la valeur de son portefeuille atteint 1 300 € ; il décide de sécuriser son gain en réalisant une cession à hauteur de 500 €.

La plus-value dégagée est donc égale à : 500 – (1000 x 500 / 1300) = 500 – 385 = 115 €

Au mois de septembre, la valeur de son portefeuille atteint désormais 1 100 € ; il s’achète un ordinateur portable d’une valeur de 700 € avec une partie de son portefeuille.

Pour déterminer la plus-value réalisée à cette occasion, il convient au préalable de minorer le prix total d’acquisition de la fraction de capital initial de 385 € déduite lors de la précédente cession. La plus-value réalisée lors de l'achat de l'ordinateur portable est donc égale à : 700 – [(1000 – 385) x 700 / 1100] = 700 – 391 = 309 € 

Lors de sa déclaration annuelle, le contribuable devra donc déclarer une plus-value globale de 115 + 309 = 424 €

COMMENT DECLARER ?

Première chose à faire, si vous possédez un compte sur une plateforme de crypto étrangère : déclarer l’existence de ces comptes, à l’aide du formulaire dédié, le formulaire 3916 bis

NB : Le contribuable négligent risque une amende de 750 € par compte non déclaré, portée à 1 500 € lorsque la valeur vénale du compte non déclaré a été supérieure à 50 000 € à un moment quelconque au cours de l’année d’imposition concernée.

Deuxième étape : détailler l’ensemble des cessions réalisées par votre foyer fiscal au cours de l’année, avec calcul des plus ou moins-values, sur le formulaire 2086 qui sera annexé à votre déclaration de revenus. 

Il conviendra d’y indiquer, pour chaque cession : 

  • le prix de cession, avec les frais éventuels
  • le prix total d’acquisition du portefeuille en détaillant la somme des prix et valeurs d’acquisition à retenir
  • la valeur globale du portefeuille
  • le montant de la plus ou moins-value réalisée

A noter que si le montant total des cessions n’excède pas 305€, vous n’avez à indiquer sur l’annexe que le prix de chaque cession en détaillant, le cas échéant, les frais supportés et la soulte reçue ou versée.

Troisième et dernière étape : reporter votre plus-value ou moins-value nette sur votre déclaration de revenus. Plus précisément, il s’agit des cases 3AN et 3BN du formulaire 2042 C.

ON RESUME... ET ON TESTE SES CONNAISSANCES 

BONUS : QUELLES ALTERNATIVES ?

Vous êtes atteint de phobie administrative ? Excel vous donne des boutons ? Voici quelques “astuces” pour vous simplifier la vie :

  1. Échanger vos cryptos contre des stablecoins, tels que le Tether ou l’USD Coin, plutôt que contre des euros sonnants et trébuchants. Vous aurez l’avantage de sécuriser votre gain en vous rattachant à une monnaie fiat mais sans concrétiser de plus-value dans la mesure où vous restez investi en crypto actifs. 

  2. Recourir aux produits dérivés. Il est en effet possible de trader les cryptos sans en détenir, grâce aux CFD et autres produits dérivés, dont la fiscalité est standard (flat tax à 30%), ce qui présente l’avantage de pouvoir imputer vos éventuelles moins-values.

  3. Faire appel à un professionnel du chiffre. Cela représente un coût certain mais si vous avez réalisé des plus-values conséquentes et/ou de nombreuses opérations, prendre l’attache d’un professionnel peut s’avérer pertinent. 

  4. Solution moins coûteuse, mais qui nécessitera que vous mettiez la main à la pâte : avoir recours à des solutions logicielles fiscales et comptables qui permettent de tracer, agréger et reporter les informations des comptes que vous y importez.