Quel est votre regard sur l’évolution du métier de conseiller en gestion de patrimoine à l’heure du 2.0 ?  
Le métier a assimilé la technologie plus qu’il n’a été remplacé par des offres digitales. La disruption technologique n’a pas eu lieu et c’est plus d’une assimilation qu’il faut parler.
Le résultat des dernières études est particulièrement intéressant. Toutes confirment ce que nous avions pressenti. Les clients des CGP ne souhaitent en majorité pas « parler » à une machine et souhaitent très clairement recevoir le conseil d’un humain.
Si on segmente les prestations que peut livrer un CGP ou qu’il doit gérer, par contre, la majorité des autres tâches qu’il doit réaliser ou des prestations qu’il peut proposer, peuvent se digitaliser et le client commence à être indifférent à ce que ce soit un humain ou une machine qui les traite, voire, il préfère le traitement digital. Il en est déjà ainsi de la souscription des produits d’épargne par exemple.
Mais quel CGP ne propose pas aujourd’hui des solutions de souscription en ligne, au moins pour une partie de son offre ?
On le voit bien, clients et CGP ont un intérêt commun dans l’équipement en « outils » digitaux pour une prestation humaine.
Pour autant une petite fraction du marché pourrait être intégralement digitale mais l’analyse de ce qui se passe doit être plus subtile que ce que beaucoup en font.
 
Que pensez-vous de l’évolution du modèle de facturation des conseillers en gestion de patrimoine ?
 
Globalement il donne l’impression de ne pas évoluer. Cependant ce serait une grave erreur de le croire.
Le modèle honoraire ou commissions au choix du professionnel, avec le système des commissions qui reste dominant est acquis en France au moins pour les 6 à 10 ans à venir et si nos élus le défendent, pour 12 à 15 ans.
En revanche la nouvelle forme de la transparence des rémunérations, les règles de lutte contre les conflits d’intérêts et de fait, les interdictions ou limitations de certaines rétrocessions ou modes de calculs, entrainent une diminution généralisée des frais prélevés au client. Leur répartition entre tous les acteurs de l’écosystème et leur mode de prélèvement sont donc en pleine « renégociation » et les honoraires devraient légèrement augmenter.      
 
En tant que Président de l’ANACOFI avez-vous une visibilité sur l’appétence des investisseurs importants sur la finance verte ou l’investissement éthique. A votre sens, est-ce de la poudre aux yeux ou une véritable vague de fond ?
 
L’ANACOFI est associée aux projets de développement de l’ISR et très franchement, les résultats obtenus sont très convenables, tant en volume que qualitativement.
Ce type de fonds représenterait 1% de la richesse nationale très foncière, presque 10% des actifs financiers et n’a pas à rougir de ses performances 2018. De plus nombre de gérants annoncent passer au tout ISR en 2019/2020.
La finance verte ou éthique est, elle, pour l’instant une affaire de quelques grands acteurs. Cependant la progression est sensible si on en croit les analyses disponibles.
Concrètement si on peut parler d’une forme de lame de fond pour l’ISR, ce n’est qu’un début de croissance notable pour l’éthique et le vert.
 
Y a-t-il une convergence des législations européennes quant au métier de gestionnaire de patrimoine ? Quid du passeport européen du produit financier ?
 
Oui et non. Le droit européen reconnait les fabricants et les conseils/intermédiaires et non les CGP tel que nous l’entendons. De ce fait, au regard du droit local ou de l’interprétation différente de certains textes européens, il peut ne pas être possible de permettre l’émergence de quelque chose de comparable à notre CGP français, qui interpelle nombre d’analystes d’autres pays. Il est toutefois notable que le Président de la FECIF (Fédération Européenne des Conseils et Intermédiaires) que je suis aussi, représente des réalités d’offres et d‘entreprises très différentes.
Ceci étant dit, si nous parlons du droit des conseils ou intermédiaires, il est très clair que, texte après texte, la convergence est de plus en plus un fait.
 
Le passeport pour les produits existe aujourd’hui. Seuls des produits ou coquilles créés selon des normes nationales et donc volontairement non européennes ne peuvent pas en profiter.
Il y a deux projets européens qui devraient encore améliorer les choses : PEPP (Plan de Pension par Capitalisation Pan-Européen) et un travail sur les fonds dits « AIFM » (donc n’étant pas des OPCVM qui eux sont déjà toujours passeportables). Les conditions de passeports de ce type de fonds très locaux sont très contraignantes. Elles pourraient être revues d’ici 2020/2021.