* Le ministère de la Santé de Gaza affirme qu'au moins 5.791 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre

* L'Onu lance un appel à l'aide humanitaire pour Gaza

* Macron propose à Israël l'aide de la coalition internationale contre l'Etat islamique

GAZA/JÉRUSALEM, 24 octobre (Reuters) - Plus de 700 Palestiniens, dont de nombreuses femmes et enfants, ont été tués dans la nuit de lundi à mardi dans les frappes aériennes israéliennes, a déclaré le ministère de la Santé de la bande de Gaza, avançant le bilan le plus élevé en 24 heures depuis qu'Israël a promis d'y éliminer les islamistes du Hamas après leur attaque du 7 octobre.

Israël dit avoir tué des dizaines de combattants du Hamas lors des frappes nocturnes qui ont ciblé l'enclave assiégée, mais a reconnu que l'éradication totale du groupe islamiste prendrait du temps.

Alors que les agences humanitaires dénoncent une catastrophe humanitaire sans précédent à Gaza, le président français Emmanuel Macron s'est rendu en Israël pour offrir au Premier ministre Benjamin Netanyahu le soutien de la France à la lutte d'Israël "contre le terrorisme".

Les Nations Unies ont exhorté Israël à autoriser davantage d'aide à entrer à Gaza, soulignant que l'aide acheminée jusqu'à présent via la frontière égyptienne ne répond qu'à une infime partie des besoins de la population. Le carburant, toujours bloqué, est notamment crucial pour permettre aux générateurs électriques de fonctionner, en particulier dans les hôpitaux.

"Nous sommes prêts à nous mettre à genoux pour que cette opération humanitaire soit renforcée et sécurisée", a déclaré le Dr Rick Brennan, directeur régional des urgences de l'OMS.

Emmanuel Macron a assuré avoir discuté avec Benjamin Netanyahu des moyens d'apporter une aide concrète à la population civile de Gaza, mais il ne semble y avoir aucune perspective de cessez-le-feu ou même de trêve humanitaire à court terme.

Dans un communiqué, le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, a fait état d'un bilan particulièrement lourd lors des frappes de la nuit passée, recensant 704 morts. Selon lui, cela porte au moins 5.791 le nombre de Palestiniens tués depuis 17 jours, dont 2.360 enfants.

S'exprimant au côté d'Emmanuel Macron à Jérusalem, Benjamin Netanyahu n'a montré aucun signe de vouloir alléger la riposte déclenchée par Israël après les attaques coordonnées du Hamas qui ont fait plus de 1.400 morts israéliens le 7 octobre.

Malgré la surenchère militaire, le Hamas a libéré lundi deux femmes israéliennes qui faisaient partie des plus de 200 otages pris lors de ces attaques. Il s'agit des troisième et quatrième femmes libérées à ce jour après des médiations du Qatar et de l'Egypte.

L'une d'elles, Yocheved Lifshitz, 85 ans, a raconté avoir été bien traitée pendant sa captivité à Gaza, après avoir été brutalisée lors de son enlèvement. "J'ai connu l'enfer", a-t-elle dit.

À LA FRONTIÈRE

La présence de nombreux otages et l'important réseau de souterrains construit par le Hamas dans le sol de Gaza ont pour l'instant dissuadé l'armée israélienne de lancer l'offensive terrestre de grande ampleur promise depuis le début du conflit.

Alors que chars et soldats se massent autour de l'enclave palestinienne, l'aviation israélienne poursuit ses bombardements méthodiques des zones autrefois les plus peuplées du nord de Gaza. Selon l'armée, plus de 400 cibles ont été bombardées dans la nuit, provoquant la mort de dizaines de combattants du Hamas, dont trois commandants.

L'armée a précisé qu'un tunnel qui permettait au Hamas d'infiltrer des combattants en Israël ainsi que plusieurs centres de commandement du mouvement islamiste dissimulés dans des mosquées avaient été visés. Reuters n'a pas été en mesure de confirmer ces informations.

Le chef d'état-major de l'armée israélienne, le général Herzi Halevi, a laissé entendre qu'Israël poursuivrait sa campagne militaire aussi longtemps qu'il le faudrait.

"Nous voulons totalement démanteler le Hamas", a-t-il déclaré dans un communiqué. "Nous sommes bien préparés pour les opérations terrestres dans le sud (de Gaza)."

Le porte-parole de l'armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, a assuré que l'armée n'attendait que le feu vert du gouvernement pour lancer l'offensive annoncée, sans que l'on sache si et quand celle-ci interviendra.

Une intervention terrestre comporte d'importants risques pour les soldats israéliens dans un environnement urbain propice à la guérilla. Les capacités réelles du Hamas, qui s'est doté d'un puissant arsenal avec l'aide notamment de l'Iran, demeurent par ailleurs difficiles à évaluer.

Mettant le Hamas sur le même plan que le groupe Etat islamique (EI) et Al Qaïda, et assurant que c'est "la priorité de toutes les démocraties de vaincre ces groupes terroristes", Emmanuel Macron s'est pour sa part dit favorable à ce que la coalition internationale qui a combattu l'EI en Irak et en Syrie s'engage contre le Hamas au côté d'Israël, proposition dont on ne sait pour le moment si elle a la moindre chance de se concrétiser.

En attendant, Israël continue à raser des quartiers entiers de Gaza, réduisant les immeubles à des amas de gravats et de métal tordu, ce qui a contraint un million d'habitants du nord de la petite enclave à chercher refuge dans le Sud, près de la frontière égyptienne.

Malgré l'entrée de quelques camions d'aide humanitaire ces derniers jours, la nourriture, l'eau potable, les médicaments et le carburant s'épuisent rapidement.

Des habitants ont déclaré qu'un missile israélien avait touché une station-service à Khan Younis, où étaient rassemblées des personnes ayant fui la partie est de la ville. Plusieurs personnes ont été tuées ou blessées, ont-ils indiqué.

"C'est une station-service et il y a des panneaux solaires ici, donc les gens viennent recharger leurs téléphones et faire le plein d'eau. Ils les ont bombardés dans leur sommeil", a déclaré Abdallah Abou al Atta, qui habite à proximité.

Plus de 40 centres médicaux ont arrêté leurs opérations faute de carburant pour alimenter les groupes électrogènes et après que certains d'entre eux ont été endommagés par les bombardements israéliens, a déclaré le porte-parole du ministère de la Santé.

PAS DE FEU VERT

La communauté internationale a exprimé son inquiétude face au risque de contagion du conflit. Des affrontements ont déjà eu lieu en Cisjordanie occupée par Israël et le long de la frontière entre le Liban et Israël.

Les regards se tournent en particulier vers les alliés de l'Iran en Syrie, en Irak ou au Yémen, alors qu'un embrasement de la région comporterait des risques importants pour les intérêts occidentaux, notamment américains, et pour l'approvisionnement énergétique mondial.

L'émir du Qatar, qui a tenté de servir de médiateur entre Israël et le Hamas, a exhorté la communauté internationale à retenir le bras de l'Etat hébreu.

"Nous disons que cela suffit. Israël ne devrait pas bénéficier d'un soutien inconditionnel ni d'une autorisation de tuer illimitée", a déclaré Cheikh Tamim ben Hamad al Thani dans un discours devant le conseil des États du Golfe.

Emmanuel Macron n'en a pas moins proclamé le "droit légitime d'Israël de se défendre face à ceux qui oeuvrent à sa destruction ; cette cause est juste, point final."

"La lutte doit être sans merci, mais pas sans règles", a toutefois ajouté le président français, invitant au respect du droit de la guerre et humanitaire, et rappelant que "les démocraties ne prennent pas pour cible les civils, ni à Gaza, ni nulle part".

Le président américain Joe Biden, qui s'était lui-même rendu en Israël il y a une semaine, a salué la libération des deux otages et a souligné la nécessité de maintenir "un flux continu" d'aide humanitaire à Gaza lors d'un entretien téléphonique avec Benjamin Netanyahu, selon la Maison Blanche.

En public, les États-Unis ont eux aussi déclaré qu'Israël avait le droit de se défendre, mais deux sources ont déclaré à Reuters que la Maison Blanche, le Pentagone et le Département d'État avaient multiplié les appels privés à la retenue lors de leurs échanges avec les Israéliens.

Interrogé sur la possibilité d'un cessez-le-feu, Joe Biden a répondu : "Nous devons obtenir la libération des otages et ensuite nous pourrons discuter."

(Reportage de Nidal al-Mughrabi à Gaza et Ari Rabinovitch à Jérusalem, avec Matt Spetalnick, Steve Holland, Rami Ayyub et Humeyra Pamuk à Washington, Dan Williams et Emily Rose à Jérusalem, Moaz Abd-Alaziz au Caire ; rédigé par Michael Perry et Angus MacSwan ; version française Tangi Salaün, édité par Jean-Stéphane Brosse)

par Nidal al-Mughrabi et Ari Rabinovitch