* Le numéro deux du bureau politique du Hamas tué lors d'une attaque au drone

* Le Liban dénonce un "crime israélien", une violation de sa souveraineté

* Israël intensifie son offensive dans le sud de la bande de Gaza

par Laila Bassam, Nidal al-Mughrabi et Arafat Barbakh

BEYROUTH/LE CAIRE/GAZA, 2 janvier (Reuters) - Israël a tué mardi soir le numéro deux du bureau politique du Hamas palestinien, Saleh al-Arouri, dans une attaque au drone en périphérie de la capitale libanaise Beyrouth, ont déclaré des sources sécuritaires libanaises et palestiniennes, tout en intensifiant ses bombardements dans la bande de Gaza.

Le Hamas, via sa radio Al Aqsa, a confirmé que Saleh al-Arouri a été tué dans une attaque au drone contre un bureau du groupe palestinien au sud de Beyrouth, une région considérée comme un bastion du Hezbollah - le mouvement chiite libanais est aligné sur l'Iran, comme le Hamas, qu'il soutient depuis le début du nouveau conflit à Gaza.

Numéro deux du bureau politique du Hamas, basé à l'étranger, Saleh al-Arouri était considéré comme impliqué aussi dans les affaires militaires du Hamas pour avoir cofondé la branche armée du groupe, les brigades Al Qassam, lesquelles ont planifié l'attaque du 7 octobre dans le sud d'Israël.

L'attaque au drone menée contre un immeuble situé dans une zone densément peuplée de Daniyeh, au sud de Beyrouth, a fait au total six morts, selon la presse officielle libanaise. Deux sources sécuritaires ont déclaré que l'attaque a été menée au cours d'une réunion de cadres du Hamas.

Via la messagerie Telegram, la chaîne de télévision du Hamas a indiqué que deux commandants des brigades Al Qassam ont été tués dans cette frappe, précisant qu'il s'agissait de Samir Findi Abou Amer et Azzam al-Aqraa Abou Ammar.

Contactée par Reuters, l'armée israélienne a déclaré qu'elle ne commentait pas des informations de la presse étrangère.

Un conseiller du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré dans un entretien à la chaîne de télévision américaine MSNBC qu'Israël n'avait pas revendiqué l'attaque.

Peu importe le responsable, a ajouté Mark Regev, "une chose est claire: il ne s'agit pas d'une attaque contre l'Etat libanais" mais d'une "frappe chirurgicale" contre la direction du Hamas.

RISQUE D'ESCALADE

L'attaque met en exergue le risque d'une escalade régionale du conflit entre Israël et le Hamas, alors que les échanges de tirs à la frontière israélo-libanaise entre Tsahal et le Hezbollah sont quasi-quotidiens depuis début octobre et d'une ampleur sans précédent depuis la guerre de 2006.

Le Premier ministre libanais par intérim, Najib Mikati, a dénoncé un "nouveau crime israélien", qu'il a dit considérer comme une nouvelle tentative de faire entrer le Liban en guerre. Ses services ont indiqué qu'une plainte serait transmise au Conseil de sécurité des Nations unies pour dénoncer, notamment, une violation de la souveraineté du Liban.

Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, basé à l'étranger, a déclaré dans une allocution télévisée que l'assassinat de Saleh al-Arouri représentait un "acte terroriste" et une nouvelle escalade dans l'hostilité d'Israël contre les Palestiniens.

Cette attaque survient à la veille d'un discours du chef du Hezbollah pour commémorer l'anniversaire de la mort de Qassem Souleimani, le chef de la Force al Qods, unité d'élite du corps des gardiens de la Révolution iranienne, tué dans une frappe américaine en Irak le 3 janvier 2020.

Au cours de sa première prise de parole publique depuis le début du nouveau conflit, Hassan Nasrallah avait menacé début novembre d'une "vaste guerre" si Israël ne mettait pas fin à ses bombardements.

D'après le Hezbollah et des sources sécuritaires, les bombardements israéliens dans le sud du Liban en marge de l'offensive à Gaza ont tué plus d'une centaine de combattants du Hezbollah et une vingtaine de civils, parmi lesquels des enfants, ainsi que des journalistes.

Israël a accusé Saleh al-Arouri d'ordonner et de superviser des attaques en Cisjordanie occupée en soutien aux combattants du Hamas qui affrontent l'armée israélienne à Gaza.

En réponse à l'attaque du 7 octobre qui a fait 1.200 morts et lors de laquelle environ 240 otages ont été emmenés à Gaza, Israël a lancé une vaste offensive aérienne et terrestre dans l'enclave palestinienne, avec l'objectif annoncé d'"éradiquer" le Hamas et toute menace sécuritaire provenant du territoire.

Selon le ministère gazaoui de la Santé, 207 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza au cours des vingt-quatre dernières heures, portant à plus de 22.000 le nombre de Palestiniens tués dans l'enclave depuis le 7 octobre - soit la période la plus sanglante dans l'histoire du conflit israélo-palestinien, vieux de plusieurs décennies.

"EFFORTS INTENSES" DANS LE SUD DE GAZA

En Cisjordanie occupée, où l'Onu a déploré une "détérioration rapide" des droits des Palestiniens et exhorté les autorités israéliennes à mettre fin aux violences, des centaines de personnes se sont rassemblées mardi soir à Ramallah pour réclamer vengeance après la mort de Saleh al-Arouri.

Dans la bande de Gaza, l'armée israélienne a intensifié ses opérations autour de Khan Younès, principale ville du sud de l'enclave, afin de retrouver des commandants du Hamas qui se seraient réfugiés dans des tunnels, a déclaré le ministre israélien de la Défense.

"Nous les atteignons par tous les moyens", a dit Yoav Gallant à des soldats israéliens à Gaza, selon des images diffusées par la télévision publique. "Il y a aussi des otages ici, malheureusement", a-t-il ajouté, promettant des "efforts intenses au coeur de Khan Younès".

Israël dit penser que 129 otages sont toujours détenus dans la bande de Gaza, après qu'une partie des personnes enlevées le 7 octobre ont été libérées dans le cadre d'une trêve d'une semaine, fin novembre, tandis que d'autres ont été tuées dans des frappes aériennes ou lors de tentatives avortées de l'armée israélienne pour les récupérer.

Peu avant l'annonce de l'assassinat de Saleh al-Arouri, Ismaïl Haniyeh a indiqué avoir transmis ses réponses à la proposition de cessez-le-feu présentée par le Qatar et l'Egypte, lesquels jouent les médiateurs entre Israël et les groupes palestiniens.

Le chef du bureau politique du Hamas a rappelé que le groupe voulait l'"arrêt complet" de l'offensive israélienne à Gaza comme condition pour libérer des otages supplémentaires.

De son côté, Israël répète qu'il ne stoppera pas son offensive tant qu'il n'aura pas éradiqué le Hamas et obtenu la libération de tous les otages détenus dans la bande de Gaza.

MOTIVATION DÉCUPLÉE POUR LA "RÉSISTANCE", DIT L'IRAN

Les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont exhorté ce dernier à agir avec retenue dans ses opérations militaires, alors que les bombardements incessants menés par Tsahal ont ravagé des quartiers entiers de la bande de Gaza, déplacé une grande partie des 2,3 millions d'habitants de l'enclave et provoqué une situation humanitaire catastrophique.

Si Israël a indiqué qu'il prévoyait de retirer une partie des soldats déployés à Gaza, laissant entrevoir une nouvelle phase du conflit, des représentants ont aussi prévenu que son offensive dans l'enclave durerait encore de nombreux mois.

Un flou demeure sur les projets d'Israël après la guerre et sur les conséquences du conflit pour une quelconque solution à deux Etats, prônée notamment par la France.

Le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que l'assassinat de Saleh al-Arouri allait donner encore plus de motivation à l'"axe de résistance" qui lutte contre Israël, selon des propos rapportés par la presse officielle à Téhéran.

Alors que l'armée israélienne avait dans un premier temps focalisé son offensive sur le nord de Gaza, elle a intensifié ces dernières semaines ses opérations dans le sud, où le nombre de victimes palestiniennes s'alourdit quotidiennement.

L'Etat hébreu dit faire au mieux pour éviter les pertes civiles et reproche au Hamas d'opérer dans des zones très peuplées et d'utiliser les civils comme boucliers - des accusations rejetées par le groupe palestinien.

Des habitants ont rapporté mardi que les avions et les chars d'assaut israéliens ont intensifié leurs frappes contre des quartiers de l'est et du nord de Khan Younès, où se sont réfugiés des dizaines de milliers de Palestiniens contraints de fuir d'autres zones bombardées par Tsahal.

Le Hamas et le Djihad islamique ont déclaré dans des communiqués distincts avoir lancé des mortiers et des roquettes antichar contre les troupes israéliennes afin d'empêcher celles-ci d'avancer au sol dans l'ouest de Khan Younès.

Dans le nord de la bande de Gaza, l'armée israélienne a détruit douze régiments du Hamas, a déclaré Yoav Galant ajoutant que seuls plusieurs milliers de combattants palestiniens se trouvaient toujours dans la zone, contre plus de 15.000 auparavant.

"Cela signifie, sur le plan tactique, opérationnel, qu'il y aura des attaques (dans cette zone), des manoeuvres, des opérations spéciales", a dit le ministre israélien de la Défense. "Cela a pour but d'épuiser l'ennemi, le tuer et contrôler le territoire". (Reportage Laila Bassam à Beyrouth, Nidal al-Mughrabi au Caire, Arafat Barbakh à Gaza, Maayan Lubell et Dan Williams à Jérusalem; rédigé par Jean Terzian)