Le groupe minier kazakh ENRC a droit à des dommages et intérêts de la part du Serious Fraud Office (SFO) britannique pour une enquête sur la corruption qui a duré dix ans et que le SFO a finalement interrompue, a décidé la Haute Cour de Londres jeudi.

ENRC a toujours nié toute malversation et a soutenu que le SFO n'aurait pas lancé son enquête si l'organisme de lutte contre la fraude n'avait pas d'abord incité l'ancien avocat de la société à agir contre ses intérêts.

Le groupe minier réclamait environ 21 millions de livres (26,6 millions de dollars) pour des travaux "inutiles" qu'il imputait aux actions du SFO et de ses anciens avocats Dechert, dont l'ancien coresponsable de la lutte contre la criminalité en col blanc, Neil Gerrard, avait mené une enquête interne pour l'ENRC.

Dans le dernier coup porté au SFO, qui a longtemps fait l'objet de critiques quant à sa conduite de l'enquête, la Haute Cour a statué en faveur de l'ENRC ce jeudi.

Le juge David Waksman a estimé que, "sans les actes répréhensibles du SFO", l'agence de lutte contre la fraude n'aurait pas ouvert l'enquête.

M. Waksman a déclaré dans un jugement rendu l'année dernière que M. Gerrard, qui avait mené une enquête interne pour ENRC entre 2011 et 2013, s'était engagé avec des hauts fonctionnaires du SFO sans autorisation, dans un "manquement imprudent à ses devoirs", et que le SFO l'avait incité à le faire.

Les avocats de M. Gerrard ont refusé de faire des commentaires jeudi.

La somme à payer pour les travaux inutiles n'a pas encore été décidée, selon la décision du tribunal de jeudi, mais elle est dérisoire par rapport au montant de près d'un milliard de dollars réclamé par ENRC pour les pertes qu'elle estime avoir été causées par l'enquête du SFO, qui fera l'objet d'un autre procès.

L'ancienne société du FTSE 100 faisait l'objet d'une enquête depuis 2013 dans le cadre d'une affaire de corruption présumée visant à obtenir des contrats miniers en République démocratique du Congo entre 2009 et 2012.

Le SFO a abandonné son enquête en août, sans qu'aucune charge n'ait été retenue.

L'avocat d'ENRC, Michael Roberts, associé chez Hogan Lovells, a déclaré que le jugement "envoie un message clair selon lequel l'utilisation par les forces de l'ordre d'avocats de la défense comme informateurs secrets contre leurs clients est illégale et ne sera pas tolérée".

Un porte-parole du SFO a déclaré que le jugement concernait "la conduite d'anciens membres du personnel du SFO qui a eu lieu il y a plus de 10 ans", ajoutant que l'agence de lutte contre la fraude était déçue par les conclusions du tribunal et qu'elle "examinait attentivement" le jugement.

Un porte-parole de Dechert a déclaré que l'agence s'efforcerait de "résoudre dès que possible les questions de dommages-intérêts résultant du jugement". (Reportage de Sam Tobin ; Rédaction d'Alexander Smith)