par Kevin Drawbaugh et Donna Smith

A l'issue de longues négociations au Capitole qui se sont achevées dimanche aux premières heures, les leaders parlementaires démocrates et républicains ont présenté les grandes lignes d'un projet qui modifie des parties essentielles du plan de sauvetage initialement proposé par la Maison blanche.

Ce compromis résulte de plusieurs jours de discussions à rebondissement qui ont joué sur les nerfs des places financières et pesé sur la campagne présidentielle, à moins de six semaines du scrutin.

"Nous avons accompli de grands progrès", a déclaré Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants, à la fin de la séance nocturne.

Mais on ne sait pas encore quand la Chambre et le Sénat voteront le texte, ni s'il sera maintenu en l'état. "Il nous faut le coucher sur le papier pour pouvoir l'accepter formellement", a précisé Pelosi.

A la Chambre, les discussions reprendront à 13h00 (17h00 GMT). Les élus des deux partis entendront, séparément et à huis clos, le compte rendu des négociations.

La Maison blanche, qui espère une adoption du plan avant l'ouverture des places asiatiques lundi, afin de calmer les marchés, a salué "les efforts des deux partis pour stabiliser nos marchés financiers et protéger notre économie".

Barack Obama a de son côté apporté son soutien conditionnel au projet, estimant qu'il correspondait aux conditions qu'il avait lui-même posées. "J'attends avec impatience de pouvoir examiner la formulation de ce texte législatif, mais il apparait que le projet d'accord intègre ces principes", a dit le candidat démocrate à la présidence dans un communiqué.

Son rival républicain John McCain a également indiqué qu'il se rangerait probablement derrière l'accord. "Chacun d'entre nous devra avaler la pilule et faire avec", a-t-il dit à la chaîne ABC. "L'option de ne rien faire n'est tout simplement pas acceptable."

Ce plan - la plus vaste opération de renflouement dans l'histoire des Etats-Unis - vise à empêcher que le marché du crédit ne s'enraye sous le poids des créances hypothécaires douteuses émises par les banques en pleine euphorie immobilière.

A un moment des discussions, les parlementaires ont consulté par téléphone le milliardaire Warren Buffett, qui a investi la semaine dernière cinq milliards de dollars dans la banque Goldman Sachs et a prévenu que les marchés étaient dans une "situation dangereuse" et menaçaient de s'effondrer.

PROTECTION DU CONTRIBUABLE

S'ils ont entendu le message, les parlementaires sont aussi restés attentifs au contribuable américain, en créant toute une série de clauses de protection.

L'accord bipartite proposerait un versement des fonds en plusieurs étapes. Les premiers 250 milliards seraient fournis dès l'adoption du plan et l'injection des 100 milliards supplémentaires serait laissée à la discrétion du président.

La seconde moitié de l'enveloppe, le solde de 350 milliards, devrait faire l'objet d'un examen par le Congrès, ont expliqué les services de Nancy Pelosi dans un communiqué dimanche matin.

Le texte impose également que les institutions revendant les actifs émettront des certificats d'investissement donnant au contribuable un titre de propriété et une partie du bénéfice éventuel des sociétés concernées par le plan.

Les parlementaires ont aussi décidé de supprimer les indemnités de départ de plusieurs millions de dollars - les "parachutes dorés" - versées aux dirigeants des entreprises du plan et de limiter les primes encourageant les patrons à prendre des risques excessifs.

Un comité de surveillance, comprenant notamment le président de la Réserve fédérale, superviserait l'application du plan, dont la gestion serait regardée à la loupe par les commissions du Congrès et un inspecteur général indépendant.

Le projet, ajoute encore le communiqué Pelosi, prévoit un "examen en profondeur des actions du secrétaire au Trésor".

Le gouvernement pourrait enfin utiliser son statut de détenteur de prêts immobiliers ou de titres adossés à des prêts immobiliers pour aider les propriétaires en difficulté à modifier les termes de leur emprunt.

PEUR D'UNE CONTAGION

L'adoption du plan de sauvetage paraît d'autant plus urgente aux yeux de l'administration Bush et des opérateurs de marchés que la restructuration du secteur bancaire se poursuit à un rythme soutenu.

Les autorités américaines ont prononcé jeudi soir la faillite de la caisse d'épargne Washington Mutual, la plus grosse faillite de l'histoire bancaire des Etats-Unis.

Parallèlement, Wachovia, la sixième banque des Etats-Unis en termes d'actifs, a entamé des discussions avec plusieurs partenaires potentiels, selon des articles de presse diffusés avant le week-end.

Les investisseurs craignent aussi un effet de contagion vers l'Europe, où le groupe belgo-néerlandais Fortis a perdu vendredi plus de 20% en Bourse sur des inquiétudes liées à sa trésorerie. Le groupe envisagerait de trouver un repreneur ou de céder les activités du néerlandais ABN Amro qu'il a acquis l'an dernier, à en croire le Financieele Dagblad.

A Londres, la nationalisation de la caisse de crédit Bradford & Bingley (B&B) serait imminente, quelques mois après le sauvetage par l'Etat de Northern Rock.

A Sao Paulo, lors d'un meeting en vue des élections municipales du 5 octobre, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a dénoncé un plan qui "aide les banques sans aider les pauvres".

"Pourquoi donner 700 milliards aux banques et rien aux pauvres types qui perdent leurs maisons?" s'est interrogé le chef de l'Etat avant d'ajouter: "Ce n'est pas ma faute s'ils ont transformé leur économie en casino."

Version française Jean-Stéphane Brosse