* Le texte voté dans la nuit par les sénateurs diffère légèrement de la réforme adoptée par les représentants

* Un vote définitif est prévu ce mercredi à la Chambre des représentants

* Donald Trump annonce une conférence de presse aux alentours de 18h00 GMT

par David Morgan et Amanda Becker

WASHINGTON, 20 décembre (Reuters) - Le Sénat américain a finalement voté dans la nuit de mardi à mercredi la réforme fiscale voulue par le président Donald Trump et l'a renvoyée à la Chambre des représentants qui doit l'adopter définitivement dans la journée.

Cette réforme, qui prévoit 1.500 milliards de dollars de baisse d'impôts sur dix ans, est d'une ampleur sans précédent depuis la refonte du code des impôts adoptée en 1986 sous la présidence républicaine de Ronald Reagan.

Elle doit marquer, onze mois après l'investiture de Donald Trump à la Maison blanche, le premier succès législatif majeur pour la nouvelle administration.

Mais le vote, obtenu mercredi vers 00h45 du matin (05h45 GMT) par 51 voix contre 48, n'a pas été exempt de soubresauts, les républicains ayant dû annuler trois dispositions du texte tel que voté précédemment par la Chambre des représentants mais non conformes aux règlements en vigueur au Sénat.

"Ecoutez, ça arrive à tout le monde de se planter. Un membre de l'équipe s'est planté, ce n'est pas la fin de la civilisation occidentale", a commenté mardi soir sur MSNBC le sénateur républicain John Kennedy.

A la Maison blanche, le directeur des affaires législatives, Marc Short, a estimé qu'il n'y avait rien d'anormal à ce qu'une réforme de cette ampleur doive repasser par la Chambre des représentants, où le camp républicain dispose d'une très large majorité de 239 voix contre 193.

L'opposition démocrate a vu dans ce faux-pas embarrassant au Sénat la preuve que cette réforme a été élaborée dans la précipitation et le secret. "Le fait que la Chambre doive revoter est une nouvelle preuve de la façon bâclée dont est rédigée l'arnaque fiscale du GOP (ndlr, Grand Old Party ou républicains)", a déclaré la chef de file du groupe démocrate à la Chambre, Nancy Pelosi.

"LA PLUS GRANDE RÉFORME FISCALE DE L'HISTOIRE"

Du fait des modifications mineures apportées par les sénateurs, la réforme va en effet de nouveau être soumise aux voix des représentants - le vote est prévu ce mercredi - avant que Donald Trump ne puisse la promulguer.

Dans son vote initial de mardi, la Chambre des représentants l'a approuvée par 227 voix contre 203, douze élus républicains ayant voté contre le texte ainsi que 191 des 193 élus démocrates - les deux derniers démocrates ne se sont pas exprimés.

"Le Sénat des Etats-Unis vient d'adopter le plus grand projet de loi réduisant et réformant les impôts de l'Histoire", a commenté le président américain sur Twitter.

Trump ajoute que la réforme sera transmise dans la matinée (heure américaine) à la Chambre des représentants pour un vote définitif. "Si elle est approuvée, il y aura une conférence de presse à la Maison blanche aux alentours de 13h00" (18h00 GMT), poursuit-il.

La dernière grande réforme fiscale votée par le Congrès remonte à 1986, sous la présidence du républicain Ronald Reagan. Le processus avait pris plusieurs années et la réforme fiscale avait été un travail bipartisan né de dizaines d'auditions et de débats publics qui avaient duré plusieurs mois.

La réforme voulue par Donald Trump a été rédigée elle dans le secret par six très hauts responsables du camp républicain membre de l'administration et du Congrès, les "Big Six" (1). Ils ont retenu peu de suggestion venues des rangs du Parti républicain et aucune du camp démocrate.

CADEAUX FISCAUX

Ses deux principales dispositions portent sur une forte baisse du taux d'imposition sur les bénéfices des sociétés, ramené de 35% à 21%, et un taux d'imposition maximal de 37% sur les revenus des particuliers contre 39,6% actuellement.

"Nous sortons de deux trimestres consécutifs de croissance à 3%. La Bourse est en hausse. L'optimisme est élevé. Conjuguée à cette réforme fiscale, l'Amérique est prête à fonctionner comme elle aurait dû le faire depuis un certain nombre d'années déjà", a déclaré Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine au Sénat.

Les démocrates jugent que le nouveau système fiscal servira d'abord les intérêts des plus aisés et des grandes entreprises au détriment de la classe moyenne et accentuera les écarts de revenus.

Cette réforme, a ainsi dénoncé l'élu démocrate Chris Van Hollen, "contient d'immenses cadeaux permanents pour les grandes banques et les grandes entreprises et réclame à nos enfants, à des millions de travailleurs et de retraités et aux générations futures d'en payer le prix".

Selon les calculs du Tax Policy Center, un organisme non partisan, les ménages de la classe moyenne devraient voir leurs impôts baisser de 900 dollars (760 euros) en moyenne l'an prochain, tandis que les 1% les plus riches bénéficieront d'un allègement moyen de 51.000 dollars.

Les Américains eux-mêmes sont loin d'être convaincus par ces mesures, puisque 52% s'y disent opposés, contre 27% qui les soutiennent, d'après un sondage Reuters-Ipsos.

Du point de vue des finances publiques, la mise en oeuvre de la réforme devrait creuser de 1.500 milliards de dollars (près de 1.300 milliards d'euros) sur dix ans la dette fédérale, déjà estimée à 20.000 milliards de dollars.

Fruit de semaines de tractations nécessaires pour rallier les voix de républicains réticents, le texte autorise aussi des forages pétroliers dans un parc naturel de l'Alaska, l'Arctic National Wildlife Refuge, et porte un coup sévère à l'Obamacare, la réforme de l'assurance maladie portée par Barack Obama, en supprimant un des piliers de son financement, l'obligation individuelle de souscrire une assurance santé.

(1) Le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, le conseiller économique de la Maison blanche Gary Cohn, le président de la Chambre des représentants Paul Ryan, le chef de la majorité républicaine au Sénat Mitch McConnell et les présidents des commissions des Affaires fiscales des deux chambres. (avec Susan Cornwell et Katanga Johnson; Pierre Sérisier, Tangi Salaün, Nicolas Delame, Danielle Rouquié et Henri-Pierre André pour le service français)