Cocorico, la France ne comptera plus aucune centrale charbon en 2023 : c'est un des engagements pris par le gouvernement dans le cadre de la "PPE", la programmation pluriannuelle de l'énergie. A la fin de l'année 2017, il restait cinq tranches de production au charbon en France, d'une puissance unitaire voisine de 600 MW : trois appartenant à Electricité de France (Le Havre et Cordemais 4 et 5) et deux à l'entreprise née de la scission de l'allemand E.ON en 2016, Uniper (Gardanne, Saint-Avold).
 
La capacité installée actuelle en France est donc de 3 000 MW environ, l'équivalent de trois tranches nucléaires. Evidemment, ces 3 000 MW sont ridiculement faibles au regard des énormes installations mondiales. A la fin de l'année 2017, les quatre plus gros opérateurs de centrales à charbon de la planète, tous chinois, cumulaient 130 fois plus de MW, comme l'illustre le tableau ci-dessous, qui montre aussi que le numéro un européen du secteur, l'allemand RWE, dépasse légèrement 20 000 MW de capacités (RWE est aussi le plus gros exploitant de mines de lignite du continent). Sur le seul continent européen, près de 300 centrales à charbon parsèment le paysage, avec une concentration marquée en Europe centrale (Allemagne, Pologne, République Tchèque notamment).


Les capacités installées actuelles (Source Coalexit – Cliquer pour agrandir)

L'un des nerfs de la guerre, c'est le financement. Sous la pression des organisations environnementales, des banquiers et des assureurs, principalement en Europe continentale, ont pris des engagements pour réduire leur soutien aux secteurs les plus polluants, charbon en tête. Réduire, mais pas forcément stopper. C'est l'une des critiques formulées régulièrement par les Amis de la Terre, qui militent pour que le secteur financier tourne totalement le dos aux 120 entreprises les plus impliquées dans le développement de nouvelles centrales au charbon.
 
En France, Axa, la Scor ou CNP Assurances ont adopté des politiques restrictives d'investissement. Les banques aussi. Mais les approches manquent parfois de radicalité. Si la plupart des sociétés financières françaises ont cessé de verser des fonds pour les projets eux-mêmes, elles continuent à les financer indirectement. Par exemple en accordant des lignes de crédit ou en organisant des placements obligataires pour des énergéticiens largement impliqués dans l'industrie du charbon. Les Amis de la Terre ont même dressé le podium ci-dessous sur les financements cumulés accordés aux 120 entreprises de la "liste noire" depuis la COP21 (2016) par les quatre établissements cotés français.

"BNP Paribas et Société Générale sont les 3ème et 10ème banques internationales à avoir financé le plus les entreprises européennes listées parmi les 120 développeurs de charbon depuis 2016", regrettent Les Amis de la Terre, qui veulent des positions plus claires de la part des banques hexagonales, qui se contentent d'exclure les acteurs qui tirent plus de 50% de leurs revenus du charbon (pour Crédit Agricole et Natixis) ou qui ne sont vraiment restrictives qu'avec leurs nouveaux clients (BNP Paribas, Société Générale). BNP et Axa ont été joints récemment par Novethic sur cette forme de duplicité. Les deux groupes tiennent le même discours : il s'agit de favoriser la transition énergétique de leurs clients. C'est un débat complexe : vaut-il mieux contribuer à accélérer la mue de certaines entreprises en continuant à les financer (et à gagner de l'argent) ou couper les ponts au risque de les voir poursuivre leur stratégie en trouvant des financements alternatifs ?
 
Globalement, les pratiques vont dans la bonne direction. Mais on peut regretter que des douze banques recensées par BankTrack qui ont pris des engagements, seule ING Groep soit considérée par les organisations comme ayant adopté un discours clair et une approche pragmatique : pas de financement de nouveaux projets charbon ni de société réalisant plus de 10% de son activité dans le charbon. Les sociétés qui réalisent jusqu'à 10% de leur activité dans le charbon peuvent être financées à condition qu'elles aient un plan de réduction à zéro de cette dépendance d'ici 2025. Les clients existants devront avoir ramené à près de 0 leur activité dans le charbon d'ici cette échéance pour continuer à être financés par ING.
 
On connaît les flux
 
Les sommes qui transitent dans les projets les plus polluants sont précisément fléchées : 345 milliards de dollars sur la période 2015-2017. Chaque année, un rapport collectif liste les projets financés par les banques dans les domaines considérés comme les plus polluants. Les spécialités varient d'un établissement à l'autre. Les sables bitumineux sont largement financés par les banques canadiennes, tandis que la Chine est évidemment très bien placée sur le charbon. Mais sur les forages arctiques, BNP Paribas se retrouve au 1er rang mondial, alors que la Société Générale talonne le leader du GNL, Morgan Stanley. En cumulé, les banques anglo-saxonnes et chinoises trustent le haut du classement.


Rapport sur l'impact des banques sur le réchauffement climatique. Cumul de financements accordés par établissement de 2015 à 2017 sur des projets de sables bitumineux, forage arctique, forage ultra-profond, GNL, mine de charbon et centrales à charbon. 
 
Précurseurs, les banques et les assureurs français ont montré la voie, mais ils doivent se remettre en question. "Leaders en 2015, les banques françaises ont depuis été dépassées par d’autres acteurs financiers ayant adopté des politiques plus ambitieuses et sophistiquées", abonde Les Amis de la Terre. Verdir les politiques et accroître les investissements dans les énergies renouvelables, c'est très bien, mais il faut aller au bout de la démarche et mettre au ban les entreprises les plus polluantes, estime l'organisation, qui doit publier le 5 décembre un rapport détaillé de son enquête sur le financement des énergies sales. 

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