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Le 8 avril 2010, le Financial Times publiait une tribune, inquiète, du Président allemand de la Chambre de Commerce européenne en Chine. Longtemps complaisants au milieu du concert de voix critiques ou simplement inquiètes de l'émergence de la Chine, les milieux d'affaires de toute nationalité ont fini, à la longue, par faire un constat simple et implacable: s'il est possible pour Geely d'acheter Volvo, il n'aurait pas été possible pour Volvo d'acheter Geely. Ou pour l'un quelconque de ses concurrents étrangers de prendre plus que 50 % d'un constructeur automobile chinois. Ainsi l'imposent les règles, utilement floues et mal écrites, de la politique automobile édictée par la toute puissante NDRC, ancienne commission de réforme et du plan. S'il fut possible pour China Investment Corp (CIC), bras armé du gouvernement chinois, de faire un investissement de 5 milliards de dollars au capital de Morgan Stanley pour détenir 9,9 % de l'établissement américain, il n'est tout simplement pas possible de faire une opération réciproque sans l'aval souverain des autorités de Pékin. S'il faut faire le siège de la Commission européenne pour avoir le droit de perfuser l'industrie et les banques de l'Union en période de crise, Pékin subventionne librement et massivement, à coup de colossales aides d'Etat, son économie émergente.

Les milieux d'affaires étrangers, jadis soutiens objectifs des ambitions chinoises, ont donc fini par admettre que la participation étrangère dans une banque chinoise est limitée à 25%, dans une société de courtage à 33%, dans une société d'assurance vie à 50% et qu'en toutes circonstances, ces prises de participation, même minoritaires, comme le choix du partenaire lui-même, sont soumises à la direction et à l'approbation discrétionnaire des autorités de tutelle. La CBRC pour le secteur bancaire, la CSRC pour les marchés de capitaux, ou la CIRC pour l'assurance. Ils ont fini par reconnaître qu'indépendamment de secteurs réglementés précités, toute prise de participation étrangère dans une société chinoise, quel que soit le secteur concerné, était tout bonnement soumise à une approbation préalable du Ministère du Commerce à Pékin ou de ses représentations locales, voire, pour les très grands projets, à l'aval de la NDRC ou du Conseil des Affaires d'Etat.

Par ailleurs, le bilan d'un an et demi d'application du nouveau droit chinois de la concurrence stimule l'agacement des milieux d'affaires étrangers. Il faut remarquer que les premiers cas d'opérations ayant retenu une attention particulière n'ont été que des acquisitions étrangères. La première d'entre elles fut certainement le rapprochement entre les brasseurs InBev et Anheuser Bush. L'opération avait lieu offshore, mais, outre le franchissement des seuils de chiffres d'affaires exigeant une notification locale, elle avait aussi des conséquences sur le marché chinois dans la mesure où chacune des entités avaient des intérêts dans des brasseries locales. Et le bureau antitrust du MOFCOM d'assortir en novembre 2008, pour la première fois de sa pratique, son acceptation de la concentration de conditions, au premier rang desquelles l'interdiction pour InBev d'accroître sa participation dans la célèbre brasserie Tsingtao ou l'interdiction de se porter acquéreur des Beijing Yanjing Breweries. Les raisons de ces restrictions n'ont pas été clairement motivées et l'on peut aussi nourrir quelques doutes sur leur opportunité.

Le premier vrai test de mise en œuvre du texte fut surtout celui du premier refus pur et simple d'une transaction en mars 2009. Là encore, il s'agissait d'une prise de participation étrangère, à savoir le rachat par Coca-Cola des jus de fruits de Huiyuan, cotée sur le marché hongkongais. A la seule lecture du communiqué du MOFCOM, qui peinait depuis des mois sur le sujet, on eut du mal à saisir l'analyse concurrentielle et la réalité du problème sur les marchés pertinents.

L'attractivité des perspectives chinoises, l'étourdissement que provoque toute mesure chiffrée de cet isolat d'un 1,4 milliard d'individus, a longtemps suffi pour que chacun confonde ses désirs de profit et de conquête commerciale avec la réalité chinoise. Il aura fallu que la crise vienne doucher leurs ambitions, que les règles chinoises, pourtant inchangées dans leur principe, se doublent d'un discours de fermeté, sinon de fermeture.

Dans cet esprit, on peut souligner la publication le 14 avril dernier d'un nouveau document d'encadrement des investissements étrangers au titre anglais évocateur, Several Opinions of the State Council on Doing a Good Job in Utilisation of Foreign Investments. C'est que, du point de vue chinois, le capital étranger fut parfois mal utilisé ou mal orienté et qu'il ne saurait dorénavant être accueilli avec la même bienveillance que par le passé dans tous les secteurs de son économie. Certes le texte annonce d'apparentes simplifications en décentralisant certaines procédures, mais il souhaite surtout décourager ou interdire les investissements qui n'auraient pas un fort contenu technologique, une haute valeur ajoutée ou qui s'orienterait vers des secteurs en surcapacité (par exemple, le ciment, l'acier, ou l'équipement éolien). Il faut voir là l'annonce dans les mois à venir d'une batterie de règlements qui viendront restreindre plus avant la liberté d'investissement en Chine, à l'inverse des principes promus par l'OMC ou l'OCDE dans les économies occidentales.

La Chine se prend aussi ces derniers temps à vouloir ajouter une couche de pouvoir discrétionnaire à son mode de décision en agitant l'épouvantail d'un contrôle additionnel des investissements concernant la sécurité nationale. On se souviendra de l'article 31 de la loi sur le droit de la concurrence et de l'article 12 du règlement sur les acquisitions par les étrangers qui laissaient entendre que des concentrations pourraient être rejetées si elles menaçaient ladite sécurité. Mais ils étaient restés lettre morte ou presque, faute de texte d'application. Or voilà que les cercles pékinois du pouvoir s'agitent de nouveau pour concevoir leur mise en œuvre en singeant le CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States) et promouvant une définition très large de ladite sécurité.

Au vu des textes et pratiques en vigueur, on aura compris qu'il est pourtant bien inutile d'invoquer ce parallélisme des formes pour compliquer les procédures d'investissement en Chine. Sauf peut-être à vouloir signifier au reste du monde un avertissement.

- 18 Mai 2010 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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