Eiffage : comme c'est souvent le cas en France dans le secteur, le groupe affiche une longue histoire, qui remonte en l'occurrence à la famille Fougerolle, au milieu du XIXe siècle. Le groupe Eiffage lui-même est créé en 1993 par le mariage de SAE et de Fougerolle. La branche construction prend une nouvelle dimension en 1999 avec le rapprochement avec Quillery. En 2005, le groupe entame son développement dans les concessions via le rachat des Autoroutes Paris Rhin Rhone (APPR). Sur la base de l'exercice 2019 (moins atypique que l'année 2020), le groupe dégage 18,1 Mds€ de revenus annuels, dont :

  • 16,3% dans les concessions : autoroutes, viaduc de Millau, Aéroport de Toulouse, LGV Bretagne-Pays de Loire, Stade Pierre Mauroy, Grand Arche, Education…
  • 83,7% dans les travaux : les revenus de ce pôle sont répartis entre construction (28%), infrastructures (42%) et Energie (30%).

L'entreprise réalise les trois-quarts de son activité en France. Elle a la particularité, dans les travaux, de contracter de façon importante avec les pouvoirs publics, qui représentent le tiers des revenus de la construction et 58% de ceux des infrastructures. Des quatre branches, la concession est de loin la plus rentable : avec une marge opérationnelle de 50%, elle a dégagé 73% du résultat opérationnel 2019 d'Eiffage alors qu'elle ne pèse que 16,3% de l'activité. Les infrastructures sont l'activité la moins rentable (1% de marge), derrière la construction (3,7%) et l'Energie (4,6%). Eiffage a la particularité d'afficher le plus gros actionnariat salarié des entreprises de taille moyenne à grosse sur la place parisienne : 17,7% du capital. La dette financière nette peut paraître élevée (10,9 Mds€) mais elle repose essentiellement sur les concessions, qui génèrent des revenus élevés et récurrents (hors pandémie bien sûr).

Vinci : le groupe, dont le patronyme actuel date de l'année 2000, a été créé par le rapprochement de plusieurs poids lourds de la construction en France. En l'occurrence GTM, la SGE et Campenon-Bernard, qui affichent chacune plus d'un siècle d'existence. Vinci pèse plus de 54 Mds€ en bourse, ce qui en fait l'un des poids-lourds de la cote parisienne, quand Eiffage ne capitalise que 9 Mds€. Là encore, nous prenons pour référence les chiffres 2019, plus pertinents que ceux de 2020. Vinci a dégagé 48 Mds de chiffre d'affaires annuel, répartis ainsi :

  • 18% dans les concessions : autoroutes, aéroports, chemins de fer…
  • 80% dans les travaux, dont 28% dans la construction, 28% dans l'énergie, 21% dans les routes et 3% dans la promotion immobilière.

Vinci réalise un peu plus de la moitié de son chiffre d'affaires en France et opère sur tous les continents. Comme chez Eiffage, les marges sont immensément plus élevées dans la branche concessions. Elles atteignent 53% pour les autoroutes et 38,6% pour les aéroports. Ces deux divisions génèrent ensemble 70% du résultat opérationnel du groupe. Quant aux autres marges, elles se montent à 6% chez Vinci Energies, 4,2% chez Eurovia et 2,7% chez Vinci Construction. En somme, une répartition qui n'est pas si éloignée de celle du petit frère Eiffage. Dans la même veine, l'endettement de Vinci est conséquent mais adossé aux concessions. La société est d'ailleurs très bien notée chez les agences (A- chez S&P).

Vinci devant d'une courte tête (Source Zonebourse)
Vinci devant d'une courte tête (Source Zonebourse)

Le match

Les deux entreprises ont au final des profils assez proches, même si leur taille diffère considérablement. La majeure partie de leurs effectifs et de leurs revenus proviennent toujours de leurs branches travaux, mais leur rentabilité conséquente est assurée par les concessions. Dans ce domaine, Eiffage est concentré sur le routier, malgré quelques diversifications, tandis que Vinci s'est fait une spécialité de l'aéroportuaire, même si ses concessions autoroutières restent majoritaires dans la clé de répartition des bénéfices.

Avec ce modèle économique, les deux groupes vont évidemment profiter d'un bel effet de levier sur la réouverture des économies, qui fera plus que compenser les soucis d'approvisionnement et de surcoûts qui pourraient affecter les branches travaux. Une partie de l'embellie est certainement déjà dans les cours. Au jeu de la comparaison des notations globales Surperformance, Vinci gagne d'un cheveu, mais Eiffage bénéficie de ratios de valorisation qui semblent plus raisonnables dans le contexte actuel. Donc le biais est en faveur du petit poucet actuellement.

Les notes Surperformance détaillées (Source Zonebourse)
Les notes Surperformance détaillées (Source Zonebourse)
En complément, la liste des principaux acteurs du secteur en Europe, où l'on constate que Vinci est de loin l'acteur le plus capitalisé :
Les principaux groupes de BTP européens
Source Zonebourse