Washington (awp/afp) - L'économie américaine est-elle prête à voler de nouveau de ses propres ailes, sans l'aide de sa banque centrale (Fed)? Le président de l'institution, Jerome Powell, pourrait donner quelques indications, vendredi lors de son discours annuel de Jackson Hole.

S'il ne donnera sans doute aucun calendrier précis, le patron de la Fed devrait garder le cap, consistant à "se diriger sur la pointe des pieds vers la réduction (d'achats d'actifs)", anticipe Mickey Levy, chef économiste de Berenberg Markets.

Il doit prononcer vendredi à 14H00 GMT son discours, l'unique d'un symposium annuel au format inhabituel, entièrement virtuel pour la deuxième année d'affilée, à cause du Covid, et très resserré, sur une journée seulement.

L'écran d'ordinateur remplace donc, de nouveau, les paysages grandioses de la station de ski huppée du Wyoming.

La traditionnelle grand-messe des banquiers centraux et économistes se passera aussi, cette année, de la présence des autres banques centrales. Outre le discours de Jerome Powell, sont prévues des tables rondes entre économistes, dont l'économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), Gita Gopinath.

Prudence

Le discours de Jerome Powell sera donc scruté de très près, alors que, déjà, le moindre indice distillé sur les intentions de la Fed fait bouger les marchés.

Le banquier central "devrait renouveler avec prudence les récentes indications données par des responsables de la Fed selon lesquelles une annonce sur la diminution (des achats d'actifs) est probable lors de la réunion de novembre", estime Steve Englander, économiste pour Standard Chartered.

"Il devrait rejeter l'idée d'une hausse des taux directeurs automatique après la diminution des achats d'actifs", anticipe-t-il également.

Depuis le début de l'épidémie, la Fed achète chaque mois pour 120 milliards de dollars de bons du Trésor et autres titres pour soutenir la reprise. Elle entend désormais alléger ce soutien qui, en fluidifiant le crédit et poussant les taux à la baisse, a permis aux marchés de rebondir de manière spectaculaire.

L'étape suivante sera de relever les taux directeurs, abaissés dans une fourchette de 0 à 0,25% en mars 2020. Mais cela ne devrait pas se produire avant 2023.

"Je n'anticiperai pas les remarques du président. Mais ce que je sais, c'est que la priorité de tous les responsables de la Fed en ce moment est (de déterminer) le moment approprié pour réduire ce niveau de soutien, pour commencer la réduction", a déclaré Mary Daly, présidente de la Fed de San Francisco, samedi sur la chaîne Fox Business.

Trop tôt, plutôt que trop tard

Le très attendu calendrier de la réduction des achats d'actifs ne sera donc pas pour cette fois, selon les analystes.

Tous les signaux semblaient pourtant au vert il y a quelques semaines encore, sur les deux fronts qui intéressent particulièrement la Fed: l'inflation et l'emploi.

La hausse des prix a largement dépassé, depuis plusieurs mois, la cible de 2%. Quant au marché du travail, il continue à se redresser, avec notamment de très bons chiffres en juillet.

Lors de leur dernier comité monétaire fin juillet, les responsables de la Fed avaient envisagé de commencer à réduire leur soutien d'ici la fin de l'année, mais restaient divisés sur le moment le plus opportun pour lancer le mouvement, certains plaidant même pour attendre début 2022, selon les minutes de cette réunion.

Mais depuis, le variant Delta, qui a fait repartir les cas de contamination au Covid-19 dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis, a déjà commencé à faire ralentir la reprise, ajoutant une nouvelle incertitude.

"Je regarde comment l'économie évolue", a commenté jeudi Esther George, présidente de la Fed de Kansas City et hôte du symposium de Jackson Hole, sur Fox Business Network.

Pour elle, le plus important, c'est surtout de commencer à réduire les achats dès que possible, et il vaut mieux que ça soit trop tôt plutôt que trop tard

afp/al