En préambule, faisons une distinction. Les taux d'intérêt nominaux, ceux que l'on observe lorsqu'on emprunte ou prête, ont récemment connu une forte hausse. Cependant, une fois l'inflation retranchée, les taux d'intérêt réels restent négatifs.

7 siècles de données compilées

L'étude de Schmelzing, qui porte sur les années 1311 à 2018, a nécessité un travail de recherche colossal pour rassembler des données sur 7 siècles, provenant de sources très diverses. Le chercheur a compilé des témoignages de prêts auprès de particuliers, de pays, de ville ou encore d'homme d'Etat : on retrouve par exemple les traces d'un prêt du Hollandais Van Halen au roi d'Angleterre Edward III à 35% par an en 1340 ou encore des prêts de la famille Rothschild au pape en 1832 à un taux de 6%. Il constate une tendance baissière claire des taux d'intérêt réels sur cette période : de 1 à 2 points de base par an, c'est-à-dire entre 0,01 et 0,02 % par an (même si parfois, sur de longues périodes, les taux se détachent de cette tendance). 

Schmelzing suggère donc que les taux d'intérêt réels actuels, proches de zéro ou négatifs, ne sont pas une anomalie. Ils sont en fait en ligne avec ce que l'on pouvait attendre en suivant la tendance observée depuis 700 ans.

L'effet McNamara et l'atténuation des risques 

Une autre recherche a tenté de trouver des raisons à cette baisse régulière des taux d'intérêt. Plusieurs hypothèses ont été testées, comme la croissance économique, la démographie, ou l'arrivée des banques centrales. Aucune raison significative n'a toutefois permis d'expliquer catégoriquement la tendance. L'étude semble être victime de l'effet McNamara, qui consiste à utiliser certains indicateurs parce qu'ils sont facilement disponibles. 

En réalité, l'amélioration des conditions économiques, des transports, de la réglementation et des conditions de stockage de l'argent pourrait expliquer une grande partie de la baisse des taux d'intérêt. Prenons un exemple : prêter au Roi d'Angleterre au XIVème siècle signifiait déjà prêter de l'or "physique", le transporter par bateau puis calèche (une entreprise déjà coûteuse !), se heurter donc au risque de vol ou de naufrage. C'était également risquer de ne pas être remboursé, en l'absence de réglementations internationales, en cas de conflit armé, de faillite d'un État, de perte de territoire ou encore de changement de souverain. 

La mise en place de lois, nationales et internationales, et d'institutions bancaires fortes, la dématérialisation des monnaies, l'amélioration des transports et des conditions économiques ont donc contribué à l'atténuation du risque et donc, à la baisse des taux d'intérêt. Enfin, sur le Vieux Continent, le passage à l'euro a aussi facilité les échanges transfrontaliers de capitaux.