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M. Frans Timmermans

Vice-président exécutif désigné

pour un Green deal européen

Bruxelles, le 07 octobre 2019

Objet : Lettre ouverte sur le futur Green Deal européen: les agriculteurs européens peuvent et sont prêts à apporter leur pierre à l'édifice, à condition que cela se fasse dans un cadre cohérent et avec des soutiens

Monsieur Timmermans,

La lettre de mission que vous avez reçue de la Présidente-élue von der Leyen met en exergue un certain nombre de défis de dimension mondiale pour l'élaboration des politiques de l'Union européenne. À cet égard, le Copa et la Cogeca reconnaissent l'accent mis par la future Commission sur la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies et sur la neutralité climatique du continent européen.

En votre qualité de Vice-président exécutif responsable du Green Deal européen, et en amont de votre audition au Parlement, je voudrais attirer votre attention sur un certain nombre de questions qui revêtent une importance considérable non seulement pour les agriculteurs et les coopératives agricoles européens, mais également pour les différents domaines sur lesquels votre stratégie sera axée. Nous sommes fermement convaincus que le cycle politique qui s'ouvre en Europe aura le pouvoir de façonner en profondeur le modèle agricole européen pour les générations à venir. En tant qu'agriculteurs et membres des coopératives, nous avons conscience de ces défis et nous sommes prêts à les relever et à affronter les changements qui nous attendent. Par ailleurs, en tant qu'agriculteurs et membres des coopératives, nous souhaitons également offrir aux citoyens l'agriculture qu'ils désirent et revendiquent, à savoir une agriculture qui fournit un niveau élevé de sécurité alimentaire avec des normes élevées en termes de qualité, de bien-être, de durabilité et de protection environnementale.

Une telle approche représente autant un défi qu'une chance. Toutefois, cela ne peut se faire qu'avec une chaîne alimentaire qui fonctionne mieux et qui soit capable de protéger les investissements dans la durabilité sur les exploitations face à des pratiques dont notre société ne veut pas. Les agriculteurs sont les premiers producteurs de denrées alimentaires. Ils ont, à ce titre, besoin d'outils sûrs et efficaces pour mener à bien leur activité, qui consiste à lutter contre les nuisibles et les maladies afin de garantir à la fois la sûreté alimentaire et la sécurité alimentaire de la population mondiale, aujourd'hui et demain.

La durabilité, reposant sur un équilibre entre ses trois piliers, est fondamentale pour que les agriculteurs puissent produire à la fois des biens publics et privés.

Neutralité climatique et objectif de réduction des émissions pour 2030

Les agriculteurs sont les premiers à être touchés par le changement climatique et sont confrontés à une augmentation des coûts de l'adaptation et de l'atténuation L'Europe, qui a l'ambition politique de devenir le premier contient neutre sur le plan climatique, doit adopter une approche large. En effet, il est important de reconnaître les objectifs, mais il est fondamental de concevoir des politiques et des programmes durables qui

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Numéro au Registre européen de transparence | Copa 44856881231-49 | Cogeca 09586631237-74

accompagnent nos agriculteurs et leurs coopératives vers cette transition et de reconnaître l'importance des outils existants.

L'agriculture et la sylviculture de l'UE jouent un rôle crucial dans l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de ses effets ,car elles offrent un potentiel important de réduction des émissions, de piégeage du carbone et de dynamisme économique durable. Toutefois, nous devons également reconnaître que les émissions provenant de l'agriculture résultent de processus naturels. Une fois les intrants agricoles décarbonisés, il reste des émissions inévitables, qui font partie d'un cycle naturel. Le piégeage du carbone doit être pris en considération dans la mise en œuvre des outils législatifs relatifs au climat. Un marché du carbone ou des systèmes de crédits carbone devraient faire partie de la boîte à outils d'incitation à la réalisation des objectifs climatiques. Plus d'ambition avec un budget de la PAC réduit n'aboutira à aucun résultat si le secteur privé n'est pas correctement impliqué.

Il est essentiel d'encourager les agriculteurs à investir dans les technologies permettant de réduire les émissions de GES, d'augmenter le piégeage du carbone ainsi que le recyclage et qui soient rentables. Parmi ces technologies on retrouve, entre autres, l'agriculture de précision et les installations de biogaz permettant de piéger le méthane émanant du fumier entreposé. L'utilisation d'énergie externe et fossile (électricité et carburant) devrait être diminuée dans le cadre de la production agricole en utilisant des machines et systèmes de lumière plus efficaces et, si possible, remplacée par des biocarburants et d'autres formes d'énergie renouvelable. Un programme énergétique pour les exploitations serait utile pour renforcer l'efficacité énergétique de l'exploitation, diminuer la consommation d'énergie et faciliter la substitution des carburants fossiles utilisés sur l'exploitation par des ressources renouvelables. Les agriculteurs européens doivent être viables sur le plan économique et compétitifs pour atteindre leurs objectifs en matière de durabilité environnementale et sociale.

Une transition durable doit être financée dans tous les secteurs agricoles. Les forêts ont également un rôle majeur à jouer dans le piégeage du carbone. Avec plus de 40 % de la superficie de l'UE couverte de forêts, il est évident que le Green Deal européen doit inclure une Stratégie européenne sur les forêts post 2020 actualisée. Cela renforcera

le rôle des propriétaires forestiers et de leurs coopératives et leur permettra d'atteindre des résultats concrets en matière d'atténuation du changement climatique et d'adaptation. La future taxonomie (outils volontaires de financement durable) doit tenir compte de la législation européenne et nationale existante et contribuer à une gestion durable des forêts. En outre, il doit également créer un cadre qui encourage les investissements actuels et futurs dans des solutions durables à long terme, y compris dans l'agriculture.

Recherche et Innovation

La recherche et l'innovation sont essentielles pour développer et fournir des outils et des solutions innovants permettant aux agriculteurs de l'UE, à leurs coopératives et aux propriétaires forestiers d'améliorer leur productivité et de s'adapter au changement climatique tout en réduisant l'impact sur l'environnement.

Les solutions d'innovations ne seront adoptées que si les agriculteurs participent aux activités de R&I, parallèlement à des investissements adéquats dans les technologies, dans le haut débit (y compris la fiabilité), l'interopérabilité, les compétences numériqueset les services de conseil, les pôles d'innovation numérique, ainsi que les nouveaux modèles commerciaux et de gouvernance. L'accès aux technologies modernes est crucial pour maintenir la compétitivité de l'agriculture européenne sur le marché mondial et maintenir nos normes élevées. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps en renonçant à des technologies de pointe telles que les nouvelles techniques d'obtention végétale, l'intelligence artificielle et les technologies numériques. Les nouvelles techniques de sélection permettraient particulièrement de rendre les végétaux plus résistants face au stress hydrique et

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aux nuisibles. Les nouvelles techniques d'obtention devraient toutes faire l'objet d'analyses et de discussions par des experts au cas par cas, et sur la base de critères scientifiques stricts.

Négociations internationales

Ces dix dernières années, l'UE est devenue le premier exportateur et importateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires, faisant du secteur primaire le moteur de l'économie de l'UE et un leader de l'intégration du marché mondial. Cependant, la communauté agricole se débat, pris en tenaille entre les réalités du marché international et les préférences des consommateurs. Trop souvent, les agriculteurs et les propriétaires forestiers de l'UE sont confrontés à des coûts d'intrants plus élevés que les consommateurs ne peuvent ou ne veulent pas couvrir. Par ailleurs, leur boîte à outils se réduit.

Tout affaiblissement dans la protection des frontières de l'UE pour l'importation de produits agricoles pourrait fortement miner tous les efforts consentis pour réduire les émissions, notamment dans le secteur de l'élevage, et pourrait empêcher une réduction nette des émissions à l'échelle mondiale. Au vu de l'urgence climatique, tous les futurs accords de libre-échange devraient contenir un chapitre dédié à l'application des mesures climatiques.

L'avenir ne réside pas dans la diminution de la productivité et dans le déplacement de notre production, et donc des effets climatiques (fuites de carbone et pénurie d'eau), vers les pays tiers. Nous devons garantir que la consommation de produits alimentaires et non-alimentaires (biocarburants, produits chimiques et matériaux bio-sourcés) soient en adéquation avec tous les objectifs de développement durable, y compris la politique commerciale.

L'UE devrait, si nécessaire, suspendre les préférences tarifaires lorsque la violation des dispositions de l'accord sur le développement durable remet en cause l'équilibre des conditions de concurrence des producteurs européens. Les taxes carbone aux frontières doivent être envisagées avec prudence car elles peuvent également entraîner une augmentation du coût des intrants agricoles.

Protéger la biodiversité

Les agriculteurs et les propriétaires forestiers européens sont les gardiens des campagnes européennes. Ensemble, ils ont fait de réels progrès dans les domaines du climat et de l'environnement, en réduisant les émissions et en mettant en œuvre des pratiques plus durables.

Pour continuer dans ce sens, ils ont besoin d'une législation environnementale qui reconnaisse leurs efforts et leur donne suffisamment de flexibilité pour utiliser les ressources naturelles plus efficacement, tout en assurant la sécurité alimentaire.

Il est donc crucial que tous les objectifs de la future Stratégie sur la biodiversité 2030, tout en étant ambitieux, soient réalistes. En outre, ils doivent prendre en considération ces conséquences négatives du changement climatique à l'heure de se mobiliser pour la Vision mondiale 2050 pour la biodiversité de « vivre en harmonie avec la nature ».

Par conséquent, l'UE doit veiller à ce que les gènes végétaux et animaux et les caractères génétiques naturels qui peuvent être trouvés dans la nature ou obtenus par mutagenèse ne soient pas brevetables. Les brevets sur des produits, caractéristiques ou gènes dérivés de techniques du génie génétique ne devraient être possibles que pour les produits contenant un ADN qui ne peut être retrouvé dans la nature et qui ne peut être obtenu par des méthodes conventionnelles d'obtention ou par des techniques de mutagénèse.

Transports et économie bleue

Le secteur européen des biocarburants est à la pointe dans le domaine la durabilité. Le Copa- Cogeca souhaite que l'agriculture européenne puisse exploiter tout son potentiel en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports.

A cet égard, l'extension du système d'échange de quotas d'émission au trafic (secteur du transport routier) saperait les objectifs de l'UE en matière de décarbonisation

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des transports. Cela s'expliquerait par la non-incorporation de carburants durables certifiés à base de cultures agricoles et de biocarburants avancés (car ils seraient remplacés par des combustibles fossiles) et entraînerait une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. En outre, il n'est pas réaliste d'éliminer progressivement, en 2030, les biocarburants certifiés durables issus de cultures agricoles du mix énergétique liquide. Il s'agit de l'outil le plus efficace disponible sur le marché pour contribuer à la réduction des émissions de GES dans le secteur des transports.

Économie circulaire et stratégie de « la ferme à l'assiette » pour un alimentation durable

Ces dix dernières années, l'UE a réussi à soutenir et à promouvoir une bioéconomie circulaire durable. Cela a permis de développer des alternatives aux matériaux fossiles et a ainsi contribué

  • la lutte contre le changement climatique. La stratégie actualisée de l'UE en matière de bioéconomie et la mise en œuvre de son plan d'action doivent donc être un élément clé du Green Deal européen. Avec des outils concret dans EUInvest, la PAC (https://www.copa-cogeca.eu/Download.ashx?ID=3693734&fmt=pdf); (https://www.copa- cogeca.eu/Download.ashx?ID=3693732&fmt=pdf)et Horizon Europe peuvent y contribuer. Cela garantirait une meilleure utilisation des ressources existantes tout en créant de nouvelles opportunités commerciales et des emplois pour les zones rurales.

La stratégie « De la ferme à l'assiette » pour une alimentation durable devrait prendre en compte les trois piliers de la durabilité (économique, sociale et environnementale) dans cette discussion plus large. C'est la seule façon d'appréhender la contribution de l'agriculture et des zones rurales dans la production de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux ainsi que de biocarburants, textiles et dans le reboisement. Pourtant, les discussions actuelles négligent souvent ces aspects sociaux et économiques et oublient d'inclure le facteur humain dans le travail des agriculteurs. Toute stratégie future doit suivre une approche globale de la chaîne agroalimentaire et être fondée sur des politiques et études d'impact indépendantes et basées sur les sciences ..

Cette stratégie ne pourra pas être mise en œuvre sans la coopération des consommateurs. L'information des consommateurs est une occasion précieuse d'établir un climat de confiance entre les agriculteurs et les consommateurs dans notre chaîne agroalimentaire. Toutefois, une simplification poussée à l'extrême peut parfois occulter certaines données clé. Les citoyens ne devraient pas seulement compter sur un étiquetage simpliste pour les aider à suivre un régime alimentaire équilibré et nutritif - Il vaut mieux miser sur l'apprentissage et la compréhension pour éviter de transférer la responsabilité de la santé humaine appropriés à la seule chaîne agroalimentaire.

Une transition juste

Sur le chemin de cette nouvelle politique plus verte, on ne pourra pas faire l'impasse sur une transition juste pour tous. Comme nous l'avons souligné plus haut, nous sommes confrontés à de nombreux défis, et ce sont les agriculteurs qui seront touchés de plein fouet, dans leurs moyens de subsistance et leur activité économique. Pourtant, cela ne devrait pas être le cas. Cela ne doit tout simplement pas être le cas !

Les coûts de la mise en œuvre d'une nouvelle politique doivent être supportés par tous, des agriculteurs et transformateurs aux distributeurs et aux consommateurs. Nous ne devons laisser personne sur le bas-côté et protéger les plus vulnérables des conséquences involontaires de la nouvelle politique.

Politiques fiscales permettant de réaliser les ambitions climatiques, y compris la taxe carbone aux frontières

La fiscalité doit être une pièce maîtresse du Green Deal européen. Nous espérons que vous orienterez les travaux de révision de la Directive sur la taxation de l'énergie en vue de l'aligner sur nos ambitions et de mettre un terme aux subventions aux

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combustibles fossiles. Il s'agit d'un outil essentiel pour éviter les fuites de carbone et faire en sorte que les entreprises de l'UE puissent être compétitives avec des règles du jeu équitables. La

taxe carbone aux frontières doit respecter les normes de l'OMC.

Le principe « One In, One Out », qui est une priorité pour la future Commission, doit également contribuer à la simplification et à la réduction de la charge administrative pour les agriculteurs, en particulier au moment où ils doivent s'adapter pour accroître leur durabilité, sans perdre d'argent, leur productivité ou la qualité de leur production.

Au nom de millions d'agriculteurs et de milliers de coopératives à travers l'UE, je vous invite à tenir compte de ces éléments lors de la préparation de vos propositions pour le Green Deal européen.

Nous travaillons pour nourrir l'UE, et nous espérons aussi que l'UE nourrira notre avenir.

Sincères salutations,

Pekka Pesonen

Secrétaire général du Copa et de la Cogeca

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La Sté Copa - Cogeca a publié ce contenu, le 11 octobre 2019, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
Les contenus ont été diffusés par Public non remaniés et non révisés, le11 octobre 2019 13:47:09 UTC.

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