Washington (awp/afp) - La Banque centrale américaine (Fed) va adopter une attitude résolument "patiente" sur les taux d'intérêt si l'on en croit le compte-rendu de sa dernière réunion monétaire et les opinions de plusieurs de ses membres exprimées mercredi.

Déjà lors de sa dernière réunion monétaire du 19 décembre où elle avait pourtant relevé les taux d'intérêt, la Fed a laissé entendre qu'elle pouvait "se permettre d'être patiente" avant de procéder à de futurs tours de vis, selon les minutes de cette réunion publiées mercredi.

Même si tous les membres du Comité monétaire avaient alors voté en faveur de cette 4e hausse de l'année, plusieurs participants auraient préféré les laisser en l'état alors que des craintes d'un ralentissement économique ont rendu les marchés financiers très nerveux.

Dans les minutes, les participants se sont dits frappés par "le contraste entre la solidité des données économiques et les inquiétudes des marchés financiers" vis-à-vis des risques de ralentissement liés aux tensions commerciales et à l'affaiblissement de l'activité à l'étranger.

Cette invitation à la "patience" fait écho aux commentaires du patron de la Fed Jerome Powell la semaine dernière qui, en évoquant la prudence, a rasséréné les marchés qui n'avaient pas bien accueilli la dernière hausse des taux de décembre, pourtant déjà inscrite dans les prévisions.

Plusieurs membres votant du Comité cette année ont en outre fait une salve de discours prônant également la patience. Certains comme Eric Rosengren de la branche régionale de Boston ou Charles Evans de celle de Chicago restent optimistes sur la vitalité de la croissance mais d'autres comme James Bullard de Saint Louis (Missouri) craignent que des taux plus élevés "ne précipitent l'économie dans la récession".

M. Rosengren a jugé les marchés financiers extrêmement volatils ces derniers mois comme étant "trop pessimistes". "Je trouve personnellement que les marchés financiers affichent peut-être un pessimisme excessif", a-t-il déclaré.

"Je reconnais que le risque de ralentissement de l'économie américaine, du fait de la faiblesse à l'étranger, s'est accru. Mais la politique monétaire demeure accommodante, de même que la politique budgétaire", a-t-il souligné.

Risques

Mais pour James Bullard de la Fed de Saint Louis, la Banque centrale "est sur le point d'aller trop loin et pourrait mener l'économie à la récession" si les taux grimpaient davantage.

Lors de la réunion de décembre, la Fed a indiqué ne plus prévoir que deux hausses d'un quart de point de pourcentage en 2019 au lieu de trois.

Les membres du Comité ont donc été très attentifs au fait que "les marchés financiers ont été volatils et que les conditions financières se sont durcies, avec un déclin important du prix des actions".

Mais dans le même temps, ils continuent à souligner "la force persistante de l'économie" que reflètent les dépenses des ménages et des entreprises ainsi que la vigueur du marché de l'emploi.

Le Comité a longuement discuté des risques que court la première économie mondiale, même s'il les considère comme "équilibrés". La liste des nuages revient à plusieurs reprises dans ces minutes de la réunion que ce soit la possibilité "d'un ralentissement mondial plus prononcé, la dilution plus rapide de l'impact positif des réductions d'impôts, une escalade des tensions commerciales ou encore un durcissement plus prononcé des conditions financières".

Situés désormais entre 2,25% et 2,50%, les taux au jour le jour que les banques se facturent entre elles et qui conditionnent le coût de tous les crédits se situent "au niveau ou proche du bas de l'échelle du taux neutre à long terme", le taux idéal qui ne restreint ni ne dope trop l'économie.

Le Comité monétaire entend en outre abandonner, dans sa politique de communication, son message dit "d'orientation monétaire ("forward guidance") pour souligner qu'il va devenir davantage "dépendant des données économiques".

Les indications d'orientation monétaire où la Fed promettait par exemple de conserver une politique "accommodante" à moyen terme, avaient été adoptées par la Réserve fédérale après la crise financière de 2008 pour conforter les acteurs financiers dans l'assurance d'une reprise durable soutenue par une politique de l'argent bon marché.

Le FOMC tient sa prochaine réunion le 29 et le 30 janvier et Jerome Powell donnera une conférence de presse, comme il a promis de le faire après chaque réunion.

afp/rp