par Agnieszka Flak et Danilo Masoni

MILAN, 4 mars (Reuters) - Une hausse de plus de 11% du cours de Bourse en une semaine satisferait sans doute plus d'un dirigeant d'entreprise. Mais il loin d'être certain que ce soit le cas pour Marco Patuano, l'administrateur délégué de Telecom Italia.

La réunion à laquelle il a participé mercredi à Paris avec les dirigeants de Vivendi, son premier actionnaire, a en effet nourri les spéculations sur la volonté du groupe français et de son président, Vincent Bolloré, d'infléchir la stratégie du groupe italien, avec ou sans lui.

Certains investisseurs estiment qu'en faisant monter la pression, Vivendi pourrait bien préparer le terrain à une révision en profondeur de la stratégie de l'ex-monopole italien des télécommunications.

"Patuano est un peu un homme du passé et je ne sais pas combien de temps il pourra rester en selle, à moins de se ranger derrière Vivendi", déclare ainsi Tommaso Iaquinta, de la banque d'investissement Livolsi-Iaquinta & Partners.

Depuis son arrivée à la tête de Telecom Italia fin 2013, Patuano s'est employé à diriger le groupe tout en conciliant les intérêts hautement sensibles et parfois divergents de l'Etat, des salariés et des actionnaires.

Il a notamment augmenté les investissements dans le haut débit et le mobile, une stratégie compatible avec la volonté du gouvernement de Matteo Renzi de placer la péninsule parmi les pays les mieux connectés d'Europe.

Il a aussi conclu des accords avec différents fournisseurs de contenus, comme Sky Italia, Netflix et Mediaset pour tenter de trouver de nouvelles sources de revenus et de ne pas se laisser distancer par ses rivaux.

A la différence de son prédécesseur, Franco Bernabe, qui s'opposait aux cessions d'actifs et prônait une augmentation de capital, Patuano a vendu des activités jugées non-stratégiques pour désendetter Telecom Italia, ramenant la dette à environ 27 milliards d'euros.

Il a ainsi cédé la participation de contrôle du groupe dans Telecom Argentina et scindé la filiale d'antennes et de relais INWIT.

DES ENJEUX STRATÉGIQUES, FINANCIERS ET POLITIQUES

Mais les relations de Patuano avec Vivendi ont été tendues dès le début, a déclaré une source proche du dossier.

Le groupe français a reçu 8% du capital de l'italien en juin dernier en paiement de la vente du brésilien GVT à l'espagnol Telefonica, jusqu'alors premier actionnaire de Telecom Italia. Vivendi a depuis régulièrement augmenté sa participation, ce qui lui a permis de faire monter la pression sur Patuano, appelé à réduire les coûts et à décider de l'avenir de la filiale brésilienne TIM Participacoes.

Le dossier brésilien est à lui seul un sujet de tension. "Vivendi veut vendre le Brésil et Patuano ne veut pas", résume la source.

Le mois dernier, Telecom Italia a renoncé à une proposition de fusion entre TIM et son concurrent Oi parce que, selon une source proche du dossier, il n'aurait pas pu avoir le contrôle du nouvel ensemble.

Parallèlement, l'émergence d'un troisième protagoniste en la personne de Xavier Niel, fondateur d'Iliad, la maison mère de Free, susceptible de devenir le deuxième actionnaire de Telecom Italia puisqu'il détient des options sur 15,1% du capital, n'a fait que compliquer les choses.

Vivendi et Niel ont assuré à plusieurs reprises ne pas agir de concert mais leurs objectifs à long terme dans le dossier Telecom Italia ne sont pas clairement établis.

En décembre, Vivendi a obtenu quatre sièges au conseil d'administration de l'italien et il a depuis continué d'augmenter sa participation, la portant récemment à 23,8%.

Une autre source souligne toutefois que le français, même s'il prône des changements, n'est pas en position d'agir seul puisqu'il ne détient que quatre des 17 sièges d'administrateurs.

"Telecom Italia est stratégique pour l'ensemble de l'industrie, pour le secteur financier et pour le pouvoir politique en Italie. Rien ne peut se faire sans l'implication de ces grands pouvoirs", dit la source.

Pour certains analystes, la volonté de Vivendi pourrait être de rapprocher Telecom Italia d'un autre opérateur de télécoms ou de médias. Pour l'instant, le français a simplement expliqué vouloir utiliser Telecom Italia pour se développer dans le sud de l'Europe et augmenter son offre de contenus.

"L'investissement de Vivendi dans Telecom Italia est une plate-forme de lancement pour quelque chose de plus gros, comme une fusion-acquisition, car le secteur européen des télécoms est appelé à se concentrer", estime Enrico Vaccari, gérant de Consultinvest.

(avec Valentina Za à Milan et Gwenaëlle Barzic à Paris; Marc Angrand pour le service français)