Deux lieux risquent de concentrer l'attention médiatique aujourd'hui, dans des registres un peu différents. A New York, un ancien président des Etats-Unis sera probablement mis en accusation pour avoir versé des pots-de-vin en échange du silence d'une ancienne actrice porno. La presse américaine souligne que cette péripétie dans le parcours de Donald Trump ne devrait pas avoir de conséquences sur une éventuelle candidature à la fonction suprême l'année prochaine, dans la mesure où la constitution américaine n'exige pas que les candidats à la présidence aient un casier judiciaire vierge. Un peu plus tôt à Zurich, le Crédit Suisse tient ce qui sera sans doute sa dernière assemblée générale avant son absorption par UBS, dans le cadre d'une opération de sauvetage décidée à Berne, pour éviter un choc systémique à la Suisse et au système bancaire mondial. J'ignore si les actionnaires et les créanciers ont prévu de se rendre au Hallenstadion avec des fruits pourris ou du goudron et des plumes, mais la direction de la banque va passer un sale moment.
Hier, le bel enthousiasme récent des investisseurs a été mis en pause. Oh, ce n'est pas que le goût du risque s'est évaporé, non. Mais un événement inattendu a apporté une petite dose de complexité additionnelle. L'OPEP+, le cartel pétrolier qui compte 19 pays, a fait parler son pouvoir en annonçant une importante réduction de production. La réduction totale portera sur 1,66 million de barils par jour en mai, principalement en provenance de Russie et d'Arabie Saoudite (500 millions de barils chacune). L'Irak, les Emirats Arabes Unis et le Koweït font aussi partie des gros "contributeurs" à cette réduction. Les prix du baril ont logiquement pris la pente ascendante. L'effet a été maximisé par plusieurs éléments. A commencer par une petite perfidie à l'ancienne puisque les membres du cartel qui avaient été interrogés avant le weekend avaient tous laissé entendre qu'il n'allait rien se passer lors de la réunion. Ensuite, l'annonce coïncide avec le début de la haute saison pour la consommation avec la reprise du tourisme et des récoltes. Enfin, les réserves stratégiques américaines sont faibles depuis que l'administration Biden pioche dedans pour atténuer l'impact de la crise énergétique. Globalement, c'est une manifestation de puissance du cartel.
La réaction des investisseurs hier était assez prévisible. Ils ont commencé par se ruer sur les valeurs pétrolières et ont un peu abandonné leurs chères valeurs technologiques. Si le CAC40 français a terminé en hausse de 0,3%, c'est essentiellement à cause de TotalEnergies. Quand le titre qui pèse le plus lourd dans les échanges de l'indice gagne 5,9%, tout devient plus facile. La bonne tenue d'Airbus et de BNP Paribas, deux autres dossiers de poids, a aidé aussi. Les indices dépourvus de pétrolière ont plutôt baissé, à l'image du DAX et du SMI. Aux Etats-Unis, on a assisté à un nouveau grand écart entre le Nasdaq 100 et le Dow Jones. Mais au profit du vieil indice, tracté par sa pétrolière, Chevron, et sa plus grosse pondération, UnitedHealth, qui a bénéficié d'une mesure plus favorable que prévu dans le cadre du programme Medicare. Le Dow Jones a repris 1% pendant que le Nasdaq 100 cédait 0,25%.
Les investisseurs se sont aussi (un peu) alarmés des conséquences du rebond du pétrole sur l'inflation : après tout, leur pari de base passe par l'arrivée à court terme d'une politique monétaire plus favorable. D'ailleurs les rendements obligataires se sont un peu tendus. Mais la publication de deux indicateurs de production manufacturière particulièrement faibles autour de 16h00 a encore fait se retourner le sentiment. Je rappelle que les mauvaises nouvelles macro sont de bonnes nouvelles pour les financiers actuellement, car elles renforcent l'hypothèse d'une banque centrale qui finira par être forcée de réduire ses taux pour éviter un ralentissement économique trop brutal. Si je résume cette explication indigeste en quelque chose de plus simple, ça donnerait :
- "Mon Dieu Micheline, mais la hausse du pétrole va mettre par terre tous nos rêves de baisse des taux !
- Mais non Raymond, les statistiques économiques sont si pourries que la Fed sera forcée de limiter la casse.
- Ah OK, en attendant, je vais quand même acheter des pétrolières. Mais c'est pas dangereux si l'économie s'effondre ?
- Sois pas con Raymond, on s'en fout de l'économie, l'important c'est que les taux baissent".
A ce propos, James Bullard, de la Fed, va bientôt devenir un martyr s'il finit par avoir raison. Il a encore mis en garde hier les investisseurs qu'il juge trop optimistes sur la trajectoire des taux. "Les marchés devraient m'écouter sur les taux", a-t-il déclaré en substance sur Bloomberg. Mais ni Micheline, ni Raymond ne regardent Bloomberg.
Donc ce matin, ambiance un peu mitigée à cause des suites de la ruade de l'OPEP+, mais pas de changement fondamental à ce stade dans la narration dominante qui anime les marchés. A l'heure où j'écris, c’est-à-dire trop tôt pour être complètement réveillé, les indicateurs avancés européens sont haussiers et les futures américains baissiers. En Asie-Pacifique, Tokyo, Séoul et Sydney sont en hausse paresseuse. L'Inde et Taiwan font relâche pour un jour férié. Shanghai est à l'équilibre. Le marché le plus volatile est comme souvent Hong Kong, où tout est amplifié, surtout quand les technologiques baissent. Le Hang Seng perd 1% en cours de séance (la clôture a lieu à 10h00 heure de Paris). Le CAC40 gagnait 0,5% à 7382 points à l'ouverture.
Les temps forts économiques du jour
L'indice des prix à la production européens de février (11h00) sera suivi aux Etats-Unis des commandes de biens durables de février et du sondage JOLTS (16h00). Tout l'agenda ici. Ce matin, la banque centrale australienne a laissé ses taux inchangés, comme prévu.
L'euro flirte à nouveau avec 1,09 USD. L'once d'or remonte à 1980 USD. Le pétrole tient ses gains, avec un Brent de Mer du Nord à 85,31 USD le baril et un brut léger américain WTI à 80,83 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans baisse à 3,43%. Le bitcoin évolue autour de 27 900 USD.
Les principaux changements de recommandations
- AssetCo : Numis reprend le suivi à l'achat en visant 77 GBp.
- Bénéteau : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 22 à 21 EUR.
- Cellnex : City groupe passe d'acheter à neutre en visant 41 EUR.
- Colruyt : Oddo BHF passe de neutre à sousperformance en visant 23 EUR.
- Covestro : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 45 à 44 EUR.
- ERG : Morgan Stanley passe de souspondérer à pondération en ligne en visant 29 EUR.
- Evotec : Morgan Stanley passe de souspondérer à pondération en ligne en visant 22 EUR.
- Haleon : Bernstein démarre le suivi à surperformance en visant 380 GBp.
- Hermès : Goldman Sachs reste à vendre avec un objectif de cours relevé de 1270 à 1340 EUR.
- Holcim : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 50,90 à 63,20 CHF.
- Huhtamaki : Davy démarre le suivi à neutre.
- Infineon : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 47 à 49 EUR.
- Merck KGaA : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 210 à 205 EUR.
- Pennon : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 940 GBp.
- Petrofac : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 70 GBp.
- Renishaw : Jefferies démarre le suivi à sousperformance en visant 3270 GBp.
- SCA : Davy démarre le suivi à neutre.
- Schroders : Numis reprend le suivi à alléger en visant 410 GBp.
- Scout24 : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 61,30 à 64,30 EUR.
- Sika : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 322 à 316 CHF.
- Stora Enso : Davy démarre le suivi à neutre.
- UPM : Davy démarre le suivi à surperformance.
En France
Annonces importantes (et moins importantes)
- L'UE ouvre une enquête approfondie sur le rapprochement entre Orange et MasMovil en Espagne.
- L'Oréal va racheter la marque australienne Aesop à Natura pour 2,5 Mds$.
- Crédit Agricole Consumer Finance finalise la création d'un leader européen de la LLD automobile avec Stellantis (Leasys) et reprend 100% de FCA Bank et de Drivalia.
- Le groupement entre Alstom et Colas Rail obtient le lot 2 de la ligne 17 du métro parisien.
- Sanofi annonce la publication dans le Lancet des résultats de deux études de phase III sur fitusiran dans l'hémophilie.
- Les ventes de Stellantis aux États-Unis baissent de 9% au premier trimestre.
- Technip Energies remporte un contrat pour un projet de GNL électrifié en Chine.
- Moody's relève la notation crédit de Verallia à "Baa3".
- Air France-KLM et CMA CGM lancent officiellement leur partenariat stratégique de long terme dans le fret aérien.
- LNA Santé a lancé son programme de rachat d'actions.
- MG International propose un coupon de 0,34 EUR par action.
- Cegedim-Media et Futuramedia, fusionnent sous le nom de C-MEDIA pour optimiser leurs solutions et leurs offres.
- Plant Advanced Technologies s'allie à Fitexia au sein du programme NGIN'S.
- Wallix lance SaaS Remote Access pour faciliter l’accès numérique des prestataires externes.
- Myhotelmatch signe avec un GDS pour améliorer ses services.
- Elles ont publié / Elles doivent publier : AdVini, Bio-UV, Delta Plus, Bluelinea, Gascogne, Adomos, Argan…
Dans le monde
Annonces importantes (et moins importantes)
- Rogers et Shaw finalisent leur fusion.
- Warner Bros serait proche d'un accord pour une série télévisée consacrée à Harry Potter, selon Bloomberg.
- La FTC demande à Illumina de se séparer de Grail.
- Givaudan finalise l'acquisition du portefeuille cosmétique d'Amyris.
- Investec va fusionner sa division Wealth & Investment UK avec Rathbones.
- La FDIC lance le processus de vente du portefeuille de prêts de l'ancienne Signature Bank.
- Amazon a détruit 6 millions de produits contrefaits en 2022.
- Enel envisage de vendre une participation majoritaire dans son activité de stockage d'énergie.
- Equinor abandonne sa participation dans un projet gazier irlandais.
- Leclanché obtient une commande pour deux ferries hybrides.
- L'avenir de Virgin Orbit est fortement remis en question en raison de sa situation de trésorerie.
- Les principales publications du jour : Acuity Brands, Etex, Synergie, Renewi… Tout l'agenda ici.
Lectures
- Tableaux faux jumeaux de Klimt : Bernard Arnault et le "Pommier" de la discorde (Libération).
- Qu'est-ce qui incite les actionnaires à s'engager auprès des entreprises ? (Klement on Investing, en anglais).
- L'enseignement de l'holocauste aggrave-t-il l'antisémitisme ? (The Atlantic, en anglais).
- Sur l’île d’Oléron, "si la mer monte d’un mètre, on n’a pas de solution" (Le Monde).
- Les journalistes peuvent-ils être des activistes ? (Project Syndicate, en anglais).