Moscou (awp/afp) - La banque centrale de Russie, enfin convaincue par le rebond des prix du pétrole, a abaissé vendredi son taux directeur pour la première fois en dix mois pour favoriser une reprise économique "imminente", un geste demandé de longue date par le gouvernement.

Cet assouplissement du coût de l'emprunt, très lourd à porter pour l'activité économique, constitue un soulagement pour les autorités russes, confrontées à la plus longue récession depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin en 2000.

Souhaité par de nombreux investisseurs, il intervient à moins d'une semaine de leur principal rendez-vous annuel, organisé à Saint-Pétersbourg par le Kremlin qui devrait y promettre des réformes pour l'après-crise.

Dans un communiqué publié à l'issue de sa réunion de politique monétaire, la Banque de Russie annonce réduire son taux de 11% à 10,5%. Elle relève "la tendance à une inflation plus stable, à une diminution des attentes et des risques inflationnistes dans un contexte de reprise économique imminente".

Elle ajoute qu'elle "envisagera la possibilité d'une nouvelle baisse de taux en fonction de son évaluation des risques inflationnistes". Sa prochaine réunion est prévue le 29 juillet.

"Maintenant qu'elle a décidé de reprendre son cycle d'assouplissement monétaire, nous pensons que les taux vont être abaissés plus que ce qui était attendu", ont estimé les économistes du cabinet Capital Economics, anticipant un taux directeur à 9% fin 2016.

- 'Plus confiants' -

Hérité de la crise financière causée par le plongeon des cours des hydrocarbures et les sanctions imposées par les Occidentaux, le taux directeur était fixé à 11% depuis août dernier. Même abaissé, il reste très loin de son niveau d'avant l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014 (5,5%).

Le ministère de l'Economie n'avait pas caché sa déception après le statu quo d'avril et avait clairement indiqué espérer un assouplissement.

Depuis l'été dernier, la déroute du marché pétrolier, plombant au passage le rouble, empêchait la Banque de Russie d'ouvrir le robinet du crédit en baissant ses taux, au risque d'une spirale vers le bas et d'un nouveau choc d'inflation.

Malgré un changement de tendance depuis février, l'institution se montrait jusqu'à présent sceptique, craignant un mouvement de court terme.

Cette fois, "l'évolution est positive et nous sommes plus confiants dans le fait que nous allons atteindre notre objectif d'inflation", à 4% à moyen terme, a assuré la présidente de la banque centrale, Elvira Nabioullina, lors d'une conférence de presse.

Le taux annuel d'inflation s'est en effet stabilisé à 7,3% contre plus de 15% une grande partie de l'année dernière. Et une nouvelle poussée des prix est désormais moins probable vu le rebond du baril de pétrole au delà de 50 dollars, qui a ramené le rouble au plus haut depuis novembre.

"La remontée des prix du pétrole aide fortement à améliorer les perspectives d'inflation, grâce à la hausse du rouble", ont constaté les analystes de la banque russe Alfa.

Plus généralement, la Banque de Russie constate que l'économie russe montre ces dernières mois "une plus grande résistance aux fluctuations des prix du pétrole", dont elle est très dépendante.

Elle attend une amorce de reprise "pas plus tard que le second semestre", d'où une prévision moins pessimiste qu'avant avec une baisse du PIB attendue cette année entre 0,3% et 0,7. Pour 2017, elle attend une expansion de 1,3%.

Commentant le scénario d'une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, Elvira Nabioullina a estimé que cela n'aurait pas de conséquence "directe" ni "significative" sur l'économie russe. Mais que l'économie russe pourrait être affectée si les marchés financiers européens étaient eux ébranlés.

Si l'idée que l'économie russe sorte prochainement de récession est désormais partagée par de plus en plus d'économistes, les perspectives de croissance à long terme sont moroses.

Dans un tribune publiée jeudi, le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev a estimé que le pays était "en état de stagnation" et prévenu qu'un retour aux forts taux de croissance des années 2000 était "quasiment impossible". Pour stimuler l'économie, il a proposé d'investir dans les infrastructures, d'augmenter l'âge de départ à la retraite ou encore de faciliter les licenciements.

afp/rp