L'ouverture par l'Union européenne d'une procédure contre l'Allemagne après le jugement de la Cour constitutionnelle allemande sur la politique monétaire de la Banque centrale européenne "affaiblirait ou menacerait" l'UE elle-même, a déclaré l'un des juges de Karlsruhe.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a évoqué dimanche la possibilité d'une procédure contre l'Allemagne après la décision de la plus haute juridiction allemande. Cette dernière a donné la semaine dernière trois mois à la BCE pour justifier l'un de ses programmes d'achats d'actifs censés soutenir l'économie du bloc sous peine de voir la Bundesbank, la banque centrale allemande, cesser d'y participer.

Pour le juge Peter Huber, cité par le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung, "une procédure d'infraction constituerait une escalade considérable, qui plongerait l'Allemagne et d'autres Etats membres dans un conflit constitutionnel difficile à résoudre".

"A long terme, cela affaiblirait et menacerait l'Union européenne", a-t-il ajouté, en affirmant qu'une procédure d'infraction n'était "en aucun cas inévitable".

Des responsables européens ont déclaré lundi que la Commission n'allait probablement rien entreprendre dans l'immédiat.

Le président de la Cour de Karlsruhe, cité mercredi par l'hebdomadaire Die Zeit, a quant à lui qualifié la décision rendue la semaine dernière de contribution au débat.

"Nous sommes fermement convaincus que cette décision est bonne pour l'Europe parce qu'elle renforce l'Etat de droit. Cela apparaîtra à moyen et à long terme", a dit Andreas Vosskuhle.

La Cour de justice de l'UE (CJUE), qui a pour sa part validé les achats d'actifs de la BCE en 2018, a rappelé vendredi qu'elle seule avait le pouvoir de se prononcer sur la conformité des initiatives prises par les diverses instances européennes.

Qualifiant le jugement de la Cour de Karlsruhe d'"impératif", Peter Huber l'a décrit comme "un processus dialectique dans lequel chacun considère l'autre avec sérieux, discute les arguments de l'autre, est prêt à apprendre et à se corriger".

"La CJUE, d'un autre côté, semble plutôt avoir une conception hiérarchique, dans laquelle la dialectique ne joue pas un rôle aussi central", a ajouté le juge de Karlsruhe.

(Paul Carrel; version française Bertrand Boucey, édité par Blandine Hénault et Jean-Philippe Lefief)