(Actualisation: contexte historique, réactions des dirigeants, enjeux et conséquences de l'opération).

Le suisse Holcim (HOLN.VX) a levé vendredi l'un des derniers obstacles à son rapprochement avec le français Lafarge (>> LAFARGE), en obtenant de ses actionnaires réunis en assemblée générale le feu vert à l'augmentation de capital qui doit permettre cette fusion.

Près de 94% des actionnaires du cimentier suisse ont voté en faveur de l'émission de 264 millions de nouvelles actions Holcim, en vue de l'offre d'échange qui sera ouverte en juillet. Les actionnaires du géant français du ciment recevront neuf actions Holcim pour 10 actions Lafarge apportées.

Le vote des actionnaires d'Holcim, réunis en assemblée générale extraordinaire à Zurich, permet à l'opération initialement annoncée il y a un an de franchir un nouveau palier vers sa réalisation. Holcim et Lafarge veulent créer un leader mondial au chiffre d'affaires annuel de 32 milliards d'euros et présent dans 90 pays.

Retournement de situation

Les deux entreprises veulent créer de la valeur en fusionnant, ce qui leur permettra de réaliser des économies sur les achats ainsi qu'en recherche et développement. Ensemble, ils seront également en mesure d'accélérer le déploiement de nouveaux produits à l'échelle globale, et ainsi de couper l'herbe sous le pied de leurs concurrents.

Les deux groupes pensent finaliser l'opération avant la fin du mois de juillet.

"Il ne s'agit pas seulement d'une fusion parmi d'autres", a déclaré Wolfgang Reitzle, le président d'Holcim et futur co-président de LafargeHolcim, aux actionnaires du groupe suisse. "Nous avons l'opportunité de créer le nouveau numéro un de notre industrie", a-t-il ajouté.

Le feu vert des actionnaires d'Holcim traduit un retournement spectaculaire de sentiment en l'espace de seulement deux mois. En mars, l'opération a failli échouer parce que les actionnaires des deux groupes n'étaient pas d'accord sur le ratio initial d'échange de l'opération - une action Lafarge contre une action Holcim - et sur la direction du futur groupe.

Mais le ratio d'échange entre les actions Lafarge Holcim a depuis été modifié, et les deux entreprises se sont entendues pour nommer Eric Olsen, un des dirigeants historiques de Lafarge, à la tête de la direction générale du futur groupe. Bruno Lafont, l'actuel PDG de Lafarge, devait initialement en prendre les rênes.

Les principaux actionnaires d'Holcim en soutien

"L'opération est désormais pratiquement bouclée", a déclaré Phil Roseberg, analyste financier chez Sanford C. Bernstein. D'après Phil Roseberg, il est peu probable que les actionnaires de Lafarge n'apportent pas les deux tiers des titres du groupe français à l'offre d'échange. Ce seuil doit être atteint pour pouvoir finaliser l'opération.

Pendant l'assemblée générale des actionnaires de Lafarge, qui a eu lieu jeudi, Bruno Lafont a déclaré que les principaux actionnaires de Lafarge soutenaient l'opération et apporteraient leurs titres à l'offre d'échange. Une poignée d'investisseurs particuliers du groupe français ont toutefois protesté, parce que les nouveaux termes d'échange réduiront leur influence au sein du futur ensemble.

Wolfang Reitzle, le président d'Holcim, a fait campagne ces dernières semaines pour permettre au projet d'aboutir. Là où il avait émis des doutes sur la fusion il y a quelques semaines, il estime à présent que les actionnaires de Lafarge apporteront également leur soutien au rapprochement.

La semaine dernière, Eurocement Holding AG, le deuxième actionnaire de Lafarge, et Harris Associates, un autre actionnaire significatif du groupe, ont tous les deux soutenu l'opération. Le principal actionnaire d'Holcim, Thomas Schmidheiny, qui détient 20,1% du groupe suisse, est en faveur du rapprochement.

Les réserves de plus petits actionnaires

Quelques actionnaires d'Holcim ont cependant émis des réserves sur la fusion pendant l'assemblée générale du groupe. Parmi leurs inquiétudes, ils ont évoqué les conséquences potentielles de l'opération sur le plan social, ainsi qu'une possible incompatibilité entre les cultures d'entreprise de Lafarge et Holcim.

"La plupart des fusions entraînent une destruction de valeur pour les actionnaires", a déclaré Vincent Kaufmann, un des dirigeants d'Ethos, une société fédérant plusieurs caisses de retraite suisses. "Nous craignons que ce scénario se répète dans ce cas", a-t-il déclaré.

Sept des membres du conseil d'administration de Lafarge siègeront à celui de LafargeHolcim, y compris Bruno Lafont qui en sera le co-président aux côtés de Wolfang Reitzle.

Les deux entreprises ont obtenu le feu vert à leur rapprochement des autorités de la concurrence de la plupart des grands marchés où ils sont implantés. Ils notamment obtenu le droit de fusionner des Etats-Unis, de l'Union européenne et de l'Inde. Pour emporter l'adhésion des autorités de régulation de ces pays, ils ont accepté de vendre pour plusieurs milliards d'euros d'actifs dans plusieurs pays. En Europe, ils ont en particulier cédé pour 6,5 milliards d'euros d'actifs à l'irlandais CHR (CHR.DB).

-John Revill, Dow Jones Newswires

(Version française Ambroise Ecorcheville) ed/EC

Valeurs citées dans l'article : LAFARGE