par Benjamin Mallet et Gwénaëlle Barzic

Engie considère que le projet de rachat de Suez porté par Veolia est "solide" sur le plan industriel et prévoit de se prononcer mercredi sur la première étape de cette opération, a déclaré mardi le président du conseil d'administration de l'énergéticien, Jean-Pierre Clamadieu.

Veolia a fait savoir qu'il présenterait au plus tard mercredi, date d'échéance de son offre, une proposition améliorée de rachat de l'essentiel de la participation d'Engie au capital de Suez, tout en excluant de prolonger sa proposition malgré le refus catégorique de sa cible.

Fin août, Veolia projetait d'acquérir dans un premier temps 29,9% détenus par Engie au capital de Suez (sur un total de 32%)à un prix de 15,50 euros par action, avant une offre sur le reste du capital de son concurrent, afin de former avec lui un nouveau poids lourd du traitement de l'eau et des déchets.

"Je crois que nous sommes aujourd'hui convaincus que le projet industriel est solide", a déclaré mardi Jean-Pierre Clamadieu lors d'une audition à l'Assemblée nationale, tout en précisant ne pas avoir encore connaissance du nouveau prix proposé par Veolia.

"Nous sommes convaincus que Veolia est prêt à apporter des garanties en termes d'emplois qui nous satisfont (...) et que, sur la gouvernance de l'ensemble, Veolia est prêt à offrir un certain nombre d'opportunités qui permettront de constituer un équipe de direction mixte", a-t-il ajouté.

Le président d'Engie, indiquant au passage que le choix du futur directeur général de son groupe serait probablement retardé - alors qu'il était envisagé courant septembre -, a également souligné le risque que prendrait Engie de ne pas obtenir de nouvelles offres pour Suez s'il laissait expirer celle de Veolia.

Jean-Pierre Clamadieu a aussi durci le ton envers Suez, dont la direction générale est assurée par Bertrand Camus et la présidence du conseil par Philippe Varin.

POUR CLAMADIEU, SUEZ A FRANCHI "UNE LIGNE ROUGE"

"Ma déception, c'est qu'au fil de ces quatre dernières semaines, nous n'avons pas vu de seconde offre se constituer. Nous avons vu les dirigeants de Suez très actifs, mais je dirais plutôt sur le front médiatique (...). Malheureusement, rien de concret n'est arrivé", a-t-il dit, précisant que Philippe Varin avait dernièrement demandé trois mois à Engie pour monter une offre alternative à Veolia.

Jean-Pierre Clamadieu a également estimé que Suez avait franchi "une ligne rouge" en décidant de placer son activité Eau France sous la protection d'une fondation "opaque" de droit néerlandais, une décision qui a pour effet de compliquer le projet de son rival.

"Suez, en faisant ce mouvement, s'est vraiment coupé de sa base d'actionnaires (...). On a franchi une limite et le franchissement de cette limite me paraît constituer une grave erreur de jugement", a-t-il dit, ajoutant que les récents engagements de Suez en matière de dividende n'étaient "pas raisonnables".

Ces déclarations interviennent alors que Bruno Le Maire a réaffirmé mardi que l'Etat, qui détient environ 24% d'Engie, ne céderait à aucune pression pour prendre une décision dès mercredi sur la proposition de Veolia.

LE FONDS AMBER FAVORABLE À L'OFFRE DE VEOLIA

Bertrand Camus a de son côté estimé lors d'un entretien au Figaro que son groupe était "mis en demeure de travailler dans l'urgence, face à une démarche agressive".

"Surtout, les premières déclarations qui ont été interprétées comme un soutien implicite d'Engie et du gouvernement au projet de Veolia ont dissuadé certains investisseurs de s'impliquer. Ce contexte a maintenant été rééquilibré ce qui crée une nouvelle dynamique, et nous pouvons avancer", a-t-il toutefois ajouté.

"Si Engie vend ses actions à Veolia, nous entrerons, tous, dans une période agitée. Pendant 12 à 18 mois, nos deux entreprises seraient placées dans une situation ingérable : Veolia serait notre actionnaire, mais sans droits de vote, ni représentation. Suez serait l'objet d'une intention d'offre publique dont le prix et même le lancement seraient incertains (...), a également mis en garde Bertrand Camus.

Le fonds Amber, actionnaire de Suez mais aussi d'Engie, a de son côté exhorté mardi le conseil d'administration de l'énergéticien français à prendre une décision définitive d'ici mercredi au sujet de l'offre de Veolia, qui constitue une "opportunité unique (...) qu'il est urgent de saisir".

Dans une lettre adressée au conseil d'administration d'Engie, le fonds activiste dit considérer que le rapprochement entre Veolia et Suez permettrait de créer un "champion européen" des services à l'environnement.

La cession de la participation d'Engie dans Suez "s'inscrirait dans la droite ligne du plan de recentrage sur les actifs renouvelables et les infrastructures annoncé par la société le 31 juillet 2020" et la proposition de Veolia "constitue une opportunité inespérée de la concrétiser à court terme", selon Amber.

Le fonds estime également que la création par Suez d'une fondation de droit néerlandais ne sert pas les intérêts de ses actionnaires, dont Engie.

"Nous tenons à exprimer notre profonde inquiétude quant aux méthodes hostiles du management de Suez", écrit-il.

A 11h30, le titre Suez gagnait 0,51% tandis que les titres Engie et Veolia cédaient respectivement 1,36% et 1,31%, l'indice CAC 40 reculant de son côté de 0,48%.

(Répétition intertitre, avec Amber)

(Avec Bertrand Boucey et Nicolas Delame)