Depuis plus de 30 ans, David Swensen préside à la destinée du fonds de dotation de l'université de Yale. Les fonds de dotation ("endowment" en anglais), typiques en Amérique du Nord, sont de véritables fonds d'investissement universitaires, gérant des sommes parfois colossales.

Le fonds de Yale est à la tête d'un pactole estimé à 16 milliards de dollars. Et David Swensen est le plus renommé parmi les gérants de fonds de dotation.

Il a commencé sa carrière professionnelle au sein de Salomon Brothers, où il a participé à a première opération de "swap" monétaire jamais lancée, avant de rejoindre Lehman Brothers. Puis, en 1985, Yale lui propose de prendre en main le fonds universitaire. Face à l'opportunité de piloter une structure de plusieurs milliards de dollars, il accepte, malgré une baisse de salaire de 80% par rapport à Lehman Brothers.

Pour ceux qui doutaient que la finance puisse être une vocation, Swensen en est la preuve vivante. Dès l'enfance, confie-t-il au Financial Times (08/10), il était fasciné par les marchés financiers et s'interrogeait sur les causes des variations de cours. A douze ou treize ans, il thésaurisait son argent de poche et réalisait son premier investissement en achetant des actions Kodak...

Un Socrate de la Bourse
Mais pour Swensen, l'investissement n'est pas seulement une histoire de gros sous, c'est avant tout une affaire de philosophie. Il a tout simplement révolutionné la stratégie des fonds de dotation universitaires. Avant lui, ces structures ne plaçaient leurs billes que dans les actions ou obligations. Avec lui, elles se sont tournées aussi bien vers les fonds d'investissement que l'immobilier.

Et Swensen n'a rien d'un boursicoteur : sa priorité reste l'investissement à long terme. La pierre fondatrice de ses choix de placements tient en une phrase : "n'investissez jamais dans quelque chose que vous n'arrivez pas à comprendre"... un conseil rarement suivi, hélas, admet-il.

La stratégie d'investissement de David Swensen a rencontré un succès manifeste : sur les 10 années précédant le 30 juin 2008, le rendement moyen du fonds de Yale était de 16,3% par an, de quoi faire baver d'envie bon nombre de fonds privés.

Le long terme comme crédo
Yale n'a cependant pas été épargné par la crise, le fonds perdant 24,6% de sa valeur sur son dernier exercice. Mais Swensen a senti le vent tourner dès 2007, avant même la faillite de Bear Sterns. A cette époque, il a choisi de transférer toutes ses liquidités placées sur le marché monétaire vers les bonds du Trésor américain.

S'il reste très profondément attaché à Yale, Swensen multiplie actuellement les prises de position économique ou politique. Dans une récente tribune publiée par le New York Times, il a défendu l'idée d'une reconversion des grands journaux américains, dont la plupart sont au bord du gouffre, vers un modèle économique de fonds à but non-lucratif, calqué sur les fonds de dotation universitaires.