par Dan Levine

SAN FRANCISCO, 21 mai (Reuters) - Le PDG d'Apple, Tim Cook, et celui de Samsung Electronics, Choi Gee-sung, se retrouveront face à face ce lundi devant un juge américain pour tenter de trouver une issue négociée au conflit qui les oppose sur des brevets que le groupe américain estime enfreints par son concurrent sud-coréen.

Les deux hommes se sont vu ordonner par un juge fédéral d'être présents lors de cette audience de médiation à San Francisco.

Ce dossier n'est que le volet américain d'une "guerre des brevets" qui oppose Apple et Samsung dans une dizaine de pays différents. Le procès proprement dit est prévu fin juillet à San Jose (Californie).

Chacun des deux géants des hautes technologies récuse les accusations de viol de brevets portées par l'autre.

Pour Florian Mueller, spécialiste des brevets, il est peu probable que la tentative de médiation permette de faire avancer significativement le dossier.

"Ce conflit n'est pas propice au règlement amiable", explique-t-il. "Les représentants des deux groupes feraient mieux de passer quelques jours dans le parc de Yosemite ou dans la Napa Valley plutôt que de se réunir au tribunal pour pouvoir prétendre avoir une attitude constructive."

Apple accuse Samsung d'avoir copié avec "acharnement" son iPhone et son iPad pour concevoir des produits fonctionnant avec le système d'exploitation Android. Samsung a contre-attaqué en accusant le groupe à la pomme d'avoir lui-même enfreint des brevets lui appartenant.

Un représentant de Samsung s'est refusé à tout commentaire. Une porte-parole d'Apple a repris les termes d'un communiqué publié auparavant par le groupe sur la nécessité de protéger sa propriété intellectuelle contre des copies "flagrantes".

L'enjeu de ce bras-de-fer juridique est évidemment énorme du point de vue commercial: Samsung a vendu 44,5 millions de "smartphones" au premier trimestre de cette année, s'arrogeant 30,6% du marché mondial de ce type de produits, contre 24,1% pour Apple avec 35,1 millions d'unités écoulées.

UNE ISSUE NÉGOCIÉE PEU PROBABLE

Dimanche à Séoul, le directeur de la division mobile de Samsung a assuré que le groupe souhaitait résoudre le conflit avec Apple.

"Il y a encore un énorme fossé dans la bataille de brevets avec Apple" a-t-il admis avant de partir pour les Etats-Unis. "Mais nous disposons de plusieurs options de négociation."

Les documents rendus publics par la justice montrent que les deux sociétés ont déjà organisé une réunion de médiation, sans préciser si Tim Cook et Choi Gee-sung y ont assisté.

L'audience prévue lundi et mardi sera arbitrée par le juge Joseph Spero, qui s'est refusé à toute déclaration.

Pour les experts, les deux groupes sont loin d'un accord.

Samsung estime par exemple que ses brevets représentent 402.000 wons (269 euros), soit 60% du prix de vente d'un iPhone, en arguant du fait que la 3G est la seule différence entre le téléphone et le baladeur numérique iPod Touch d'Apple.

Ce dernier affirme que la technologie Samsung est confinée aux puces modem, soit à 2,9% au plus du prix de l'iPhone.

Parallèlement, le groupe américain met en cause la conception et l'interface de la gamme Galaxy de Samsung et exige qu'elles soient modifiées. Mais le sud-coréen continue de lancer de nouveaux produits, donc de copier les brevets d'Apple selon ce dernier.

"Apple a besoin de plus de temps qu'il le pensait initialement pour atteindre le point où le rapport de force lui donnera l'avantage sur Samsung", note Florian Mueller.

Un éventuel accord amiable entre les deux groupes aurait sans doute des conséquences sur d'autres dossiers car Apple a également porté plainte contre le taïwanais HTC et l'américain Motorola Mobility Holdings.

La justice américaine exige de plus en plus des tentatives de médiation dans ce type de dossiers au civil mais le succès est loin d'être garanti.

L'an dernier, Larry Ellison, le PDG d'Oracle, et Larry Page, de Google, avaient tenté en vain une négociation sur le conflit les opposant au sujet d'Android. Le procès de ce dossier entre dans sa sixième semaine.

"Je n'arrive pas à croire que les patrons de grandes entreprises comme celles-là prendraient davantage au sérieux une question de cet ordre simplement parce qu'ils se retrouvent dans la même pièce", explique Vaughn Walker, ancien juge fédéral de Californie devenu médiateur. (avec Kim Miyoung à Séoul, Marc Angrand pour le service français, édité par Nicolas Delame)