(Actualisation: précisions sur l'enquête de l'Autorité et l'accord trouvé, commentaires de la présidente de l'Autorité de la concurrence, de la directrice juridique de Google en France et du ministre français de l'Economie, contexte)

PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'Autorité de la concurrence a annoncé lundi avoir infligé une amende de 220 millions d'euros à Google pour abus de position dominante en France sur le marché de la publicité en ligne.

L'autorité avait été saisie par plusieurs groupes de presse qui monétisent leurs contenus grâce à la fourniture d'espaces publicitaires et utilisent pour cela deux technologies publicitaires proposées par Google. Selon les sociétés à l'origine de la plainte, les deux technologies de la filiale d'Alphabet, commercialisées sous la marque Google Ad Manager depuis l'été 2018, s'avantagent réciproquement au détriment de leurs concurrents.

Google "n'a pas contesté les faits" et "a souhaité entrer en transaction avec l'Autorité, qui a fait droit à sa demande", a précisé le régulateur dans un communiqué. La filiale d'Alphabet a proposé une série d'engagements "visant à améliorer l'interopérabilité des services Google Ad Manager avec les solutions tierces de serveur publicitaire et de plateforme de mise en vente d'espaces publicitaires et mettre un terme aux dispositions qui favorisaient Google".

"La décision sanctionnant Google a une signification toute particulière car il s'agit de la première décision au monde se penchant sur les processus algorithmiques complexes d'enchères par lesquels fonctionne la publicité en ligne 'display'", a souligné la présidente de l'Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, citée dans le communiqué.

Un modèle pour d'autres pays

Les engagements pris par Google ne sont actuellement contraignants qu'en France, mais devraient servir de modèle à Google dans d'autres pays, entraînant des changements dans la manière dont Google exploite son système dans le monde entier. Google testera ces changements "au cours des prochains mois avant de les déployer plus largement, y compris au niveau mondial dans certains cas", a indiqué la directrice juridique de Google en France, Maria Gomri, dans un message publié lundi sur le blog du groupe.

Google s'est engagé à "travailler en collaboration avec les régulateurs et à investir dans de nouveaux produits et technologies qui donnent aux éditeurs plus de choix et de meilleurs résultats lorsqu'ils utilisent nos plateformes", a souligné Maria Gomri.

Les engagements de Google seront contraignants pendant trois ans, a précisé l'Autorité de la concurrence. Un observateur indépendant, nommé et rémunéré par Google, sera chargé de vérifier la mise en place de ces engagements et présentera ensuite son rapport au régulateur français.

Dans une déclaration transmise à l'agence Agefi-Dow Jones, le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno le Maire, a salué la décision de l'Autorité de la concurrence, jugeant "essentiel" de faire appliquer les règles de concurrence aux géants du numérique qui exercent leur activité en France.

"C'est d'autant plus vital que les pratiques mises en place par Google pour favoriser ses propres technologies publicitaires ont affecté les groupes de presse, alors même que leur modèle économique est fortement dépendant des revenus publicitaires. Ce sont des pratiques graves et elles ont été sanctionnées à juste titre", a commenté Bruno Le Maire.

Un an d'enquête

L'Autorité de la concurrence a enquêté pendant environ un an sur cette affaire, suite à une plainte déposée en 2019 par News Corp, le propriétaire du Wall Street Journal, par Le Figaro et par le groupe Rossel La Voix.

A l'automne dernier, le gendarme de la concurrence a présenté à Google ses conclusions montrant un comportement jugé en infraction avec les règles de la concurrence. Le géant du numérique a alors proposé de trouver un accord afin de résoudre le différend et une audition sur la proposition de règlement s'est tenue en mai, a indiqué l'Autorité.

L'amende, qui représente moins de 2% des bénéfices de Google en 2020, a été calculée sur la base du montant des revenus des entreprises du secteur des technologies publicitaires qui ont été pénalisées par les pratiques de Google, a expliqué Isabelle de Silva lors d'une conférence de presse.

La division de Google en charge de la vente d'espaces publicitaires a représenté 13% des 182,53 milliards de dollars de chiffres d'affaires d'Alphabet l'année dernière.

L'accord entre Google et l'Autorité de la Concurrence s'inscrit dans le cadre d'une vague d'enquêtes antitrust visant de grandes entreprises technologiques des deux côtés de l'Atlantique. La semaine dernière, la Commission européenne et la Competition and Markets Authority (CMA), l'autorité britannique de la concurrence, ont annoncé avoir ouvert des enquêtes parallèles sur les pratiques de Facebook en matière d'utilisation des données recueillies auprès de tierces parties, en particulier des annonceurs. L'UE a également ouvert des enquêtes sur les pratiques d'Apple et Amazon.com. Les entreprises démentent avoir enfreint les règles et contestent ces accusations.

-Sam Schechner, The Wall Street Journal

(Version française et contribution Alice Doré et Valérie Venck) ed: LBO - ECH

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June 07, 2021 08:44 ET (12:44 GMT)