Paris (awp/afp) - Le géant informatique français Atos s'est fait renvoyer dans les cordes pour sa proposition de rachat du groupe américain DXC Technology, rejetée par le groupe cible et incomprise par les analystes financiers et le marché boursier.

DXC, aux États-Unis, puis Atos ont annoncé dans la nuit de lundi à mardi l'échec des pourparlers pour une énorme opération qui aurait plus que doublé la taille du groupe français.

DXC (un peu moins de 140.000 salariés) représente une capitalisation boursière d'environ 6,5 milliards de dollars, tandis qu'Atos (110.000 collaborateur) est valorisée 7,3 milliards d'euros à la Bourse.

Après les annonces des deux groupes, l'action Atos a bondi à l'ouverture de la Bourse de Paris de plus de 4% avant de se stabiliser en milieu de journée avec un gain d'environ 2,5%, à 66,5 euros.

A l'annonce des négociations le 7 janvier, à la suite d'une fuite dans la presse, l'action Atos avait perdu près de 10 euros, passant d'environ 75 euros à 65 euros.

Les analystes financiers et le marché n'ont jamais compris ce projet d'acquisition, qui faisait revenir Atos à une stratégie avec laquelle le nouveau directeur général Elie Girard, successeur de Thierry Breton, avait semblé vouloir rompre: construire la croissance par de grosses acquisitions, avec pour corolaire une croissance organique faible.

De plus DXC - qu'Atos proposait d'acheter 10 milliards de dollars, selon la presse - n'incarnait pas non plus les métiers présentés comme au coeur de la nouvelle stratégie par M. Girard, qu'il s'agisse du cloud, de la cybersécurité, ou de la "décarbonation", la réduction de l'empreinte carbone avec le numérique.

DXC conserve en effet une part substantielle de son activité dans l'infogérance - la sous-traitance de l'informatique des grandes entreprises - un métier aujourd'hui considéré comme n'ayant plus de perspective de croissance.

"Le marché privilégiait des cibles plus petites et en plus forte croissance" pour Atos, a expliqué à l'AFP Nicolas David, analyste financier chez Oddo Bhf.

Doutes dans l'esprit des investisseurs

"La réputation de DXC n'est pas bonne sur le marché. Et les investisseurs craignaient le risque d'exécution pour intégrer une société de cette taille", a-t-il ajouté.

"Les investisseurs ont eu l'impression d'être un peu mené en bateau" sur la nouvelle stratégie d'Atos, a expliqué un autre analyste financier parisien, sous couvert de l'anonymat.

"Juste parce que DXC n'est pas cher, Atos se met dessus", a-t-il poursuivi. "C'est de l'opportunisme", qui peut se comprendre d'un strict point de vue financier, mais n'est pas très cohérent avec la vision exposée par le nouveau directeur général, explique-t-il.

Elie Girard va devoir remonter la pente pour prouver au marché que les ambitions qu'il avait affichées - privilégier la croissance organique, faire des acquisitions ciblée par exemple dans la cybersécurité - n'étaient pas que de façade, estiment désormais les analystes.

"S'il nous semble plausible qu'Atos revienne" désormais à l'approche de croissance organique et d'acquisitions ciblées, l'offre ratée sur DXC "aura probablement généré des doutes dans l'esprit des investisseurs" avertit Matthieu Lavillunière, d'Invest Securities.

"Le marché souhaite toujours qu'Atos fasse des acquisitions, y compris des acquisitions de taille importante, à condition qu'il s'agisse de sociétés en croissance, à un prix modéré et que le groupe puisse financer ces opérations sans augmentation de capital", estime de son côté Nicolas David d'Oddo Bhf.

DXC technologies a réalisé un chiffre d'affaires de 19 milliards de dollars lors de son exercice clos en mars 2020.

De son côté, Atos a réalisé en 2019 un chiffre d'affaires de 11,6 milliards d'euros. Le groupe prévoit une baisse de 2 à 4% de son chiffre d'affaires en 2020, du fait de la crise sanitaire.

afp/rp