New York (awp/afp) - Boeing a enchaîné ces derniers mois les problèmes de production qui ont poussé le régulateur américain (FAA) et l'avionneur lui-même à disséquer son processus de contrôle qualité après le récent incident sur un vol d'Alaska Airlines.

L'agence américaine de régulation de l'aviation civile a annoncé enquêter "sur les pratiques industrielles et les lignes de production de Boeing, y compris celles impliquant son sous-traitant Spirit AeroSystems". Un "renforcement de la supervision" décidé après l'incident du 5 janvier.

Ce jour-là, une porte obstruée de la carlingue d'un Boeing 737 MAX 9 d'Alaska Airlines s'est décrochée en vol.

Dans la foulée, la FAA a ordonné le maintien au sol jusqu'à nouvel ordre de ce modèle aux Etats-Unis. Elle a annoncé mercredi soir un "vaste" programme de maintenance et d'inspections en vue d'une reprise des vols, sans donner de calendrier.

C'est le premier problème majeur survenu en vol sur un Boeing depuis les accidents mortels du 737 MAX 8 en 2018 et en 2019 (346 morts au total), qui ont entraîné une longue immobilisation de toute la famille des 737 MAX dans le monde.

Mais, en avril 2023, l'avionneur américain avait signalé des défauts sur des pièces fournies par Spirit Aerosystems pour "la partie arrière du fuselage" de certains 737.

Quelques mois plus tard, le groupe avait justifié des retards de livraison du 737 MAX par un problème sur une cloison étanche. Fin décembre, il avait aussi prévenu d'un risque de "boulon desserré" sur le système de contrôle du gouvernail.

La mésaventure du 5 janvier, après cette accumulation, a convaincu Boeing de nommer un conseiller indépendant.

L'amiral à la retraite Kirkland Donald est chargé, avec une équipe d'experts extérieurs, "de procéder à une évaluation en profondeur du système de gestion de la qualité commerciale", y compris la supervision de ses fournisseurs, a indiqué le constructeur.

"Nous voulons savoir ce qui a fait défaut dans nos batteries d'inspections", a déclaré le patron Dave Calhoun le 11 janvier sur CNBC, "ce qui, dans le travail originel, a dysfonctionné et permis ce raté".

Introspection

Les compagnies aériennes peuvent condamner une porte quand le nombre d'issues de secours existantes est suffisant au regard du nombre de sièges dans l'appareil. C'est cette porte-bouchon qui s'est décrochée en vol.

Cette modification a été effectuée sur 171 des 218 Boeing MAX 9 fabriqués à ce jour, ainsi que sur environ 380 des 539 Boeing 737-900ER, dont le dernier exemplaire a été livré en 2019.

L'introspection de Boeing paraît d'autant plus cruciale que le patron d'Alaska Airlines a réitéré mardi avoir découvert de "nombreux" boulons mal vissés sur les portes-bouchon de ses 737 MAX 9.

United Airlines, qui détient la flotte la plus importante des versions reconfigurées (79 avions), avait signalé la même chose le 8 janvier. Peu après l'annonce de la FAA mercredi soir, elle a annoncé préparer une reprise du service de ces appareils à partir de dimanche.

"Nous n'envoyons pas d'avions dans les airs dans lesquels nous n'avons pas 100% confiance", a assuré Dave Calhoun mercredi à la presse avant une réunion avec des sénateurs à Washington, reconnaissant "la gravité" de ce qui s'est passé.

Pour Michel Merluzeau, du cabinet spécialisé AIR, "Boeing a un système de contrôle qualité très rigoureux, mais il y a une série d'incidents depuis un an qui pose des questions. Ça interpelle".

Selon l'expert, les conséquences de la pandémie "sont sous-estimées", avec de nombreux départs et un "brassage de compétences et de talents" qui a nui à la transmission du savoir-faire et à la formation des nouveaux embauchés.

Boeing doit tenir jeudi dans son usine de Renton (Etat de Washington) la première d'une série de journées de formation, avec des ateliers centrés sur la qualité, destinées à tout le personnel de ses sites de production.

L'agence américaine de sécurité des transports (NTSB) enquête également sur l'incident du 5 janvier. Sa patronne Jennifer Homendy a indiqué après une rencontre avec des sénateurs le 17 janvier que la porte incriminée avait été fabriquée en Malaisie par Spirit Aerosystems.

"Même s'il s'agit d'un défaut de production à la base, il aurait dû être intercepté", a relevé Michel Merluzeau. "Ce n'est pas possible que cela passe à travers les mailles du filet".

Le patron de la compagnie irlandaise Ryanair Michael O'Leary - qui ne possède pas de MAX 9 mais qui a commandé en mai 300 Boeing 737 MAX 10 - a prévenu que l'avionneur américain et son rival européen Airbus devaient "améliorer considérablement le contrôle qualité".

Pour Aengus Kelly, patron de la plus importante société de leasing d'avions Aercap, Boeing "ne peut pas se permettre un autre faux pas".

Selon lui, le constructeur "doit désormais se focaliser à 100% sur les critères de qualité et de sécurité. Les critères financiers sont totalement secondaires à ce stade pour l'avenir du groupe".

afp/jh