Paris (awp/afp) - Après l'Atlantique, Patrick Drahi traverse La Manche: le milliardaire a annoncé jeudi avoir acquis 12,1% du capital de l'opérateur historique britannique BT, devenant son premier actionnaire, mais assurant ne pas vouloir lancer d'offre publique d'achat.

Une société nommée Altice UK, détenue à 100% par M. Drahi, a été créée spécialement dans le but de détenir les 1,2 million d'actions de BT, selon un communiqué.

Altice UK a informé le conseil d'administration de BT, dont elle affirme soutenir la stratégie, qu'elle n'avait pas l'intention de faire une offre publique d'achat.

Dans un communiqué séparé, le groupe britannique "prend note de l'annonce d'Altice concernant son investissement dans BT et de sa déclaration de soutien à [sa] gestion et à [sa] stratégie". "Nous accueillons tous les investisseurs qui reconnaissent la valeur à long terme de notre entreprise et le rôle important qu'elle joue au Royaume-Uni", ajoute-t-il.

D'après les règles strictes de la Bourse de Londres, "si on dit quelque chose, on est lié à ces déclarations", rappelle auprès de l'AFP Tariq Ashraf, consultant télécoms au cabinet BearingPoint.

"On ne peut pas faire l'inverse, pour que les actionnaires soient au même niveau d'information et que l'action soit valorisée de la meilleure façon possible. Donc une fois que M. Drahi a dit qu'il ne veut pas monter au capital, il ne peut pas le faire pendant six mois. C'est interdit", explique-t-il.

La fibre, nouvel eldorado

Patrick Drahi a plus souvent acheté des groupes entiers par le passé. Pourquoi cette fois débourser près de 2,5 milliards d'euros pour une simple prise de participation?

"BT a une opportunité majeure pour améliorer et étendre son réseau de fibre optique au bénéfice de millions de foyers à travers le Royaume-Uni", a-t-il expliqué jeudi. "Nous estimons que l'expansion du réseau très haut débit est l'un des objectifs politiques les plus importants du gouvernement britannique."

En la matière, le Royaume-Uni est très en retard sur ses voisins, avec seulement 15% de couverture fibre dans le pays, contre 88% en Espagne, 73% en France ou 41% en Italie, selon un rapport du centre de réflexion sur le numérique Idate DigiWorld.

En décembre, le gouvernement a annoncé un plan de 5 milliards de livres pour connecter 1 million de foyers et "maximiser la couverture des zones les plus isolées dans 20% du Royaume-Uni d'ici 2025".

BT a pour sa part l'objectif de connecter, via sa filiale Open Reach, 25 millions de foyers et entreprises d'ici fin 2026. Un programme chiffré à 15 milliards de livres par Philip Jansen, son directeur général.

Ce contexte provoque une "ruée vers l'or" et la convoitise d'une "multitude d'acteurs", souligne Tariq Ashraf, citant les investissements par exemple de VirginMedia ou CityFibre.

"C'est une course de vitesse, avec une prime au plus rapide et au leader, sachant que BT a lancé une restructuration il y a déjà trois ans et qui va commencer à porter ses fruits: le cours de l'action va donc augmenter", relève le consultant.

De quoi offrir une plus-value à long terme si Patrick Drahi décidait de revendre sa participation, estime-t-il encore.

Sa prise de participation "est certainement un vote de confiance dans le potentiel à long terme du groupe. Il pourrait être plus facile pour BT de lever des capitaux pour soutenir le déploiement de la fibre optique au cours des prochaines années", souligne aussi Susannah Streeter, analyste financière à Hargreaves Lansdown.

L'investissement au Royaume-Uni survient alors que Patrick Drahi réorganise ses actifs en Europe et semble davantage se tourner vers les États-Unis, où il est implanté depuis 2015.

Fin janvier, il a pris le contrôle quasi intégral d'Altice Europe, qui chapeaute ses actifs sur le Vieux Continent, et retiré le titre de la Bourse d'Amsterdam.

Selon des informations de plusieurs médias, démenties par l'entreprise, Altice réfléchit aussi à se séparer de Meo, son opérateur au Portugal racheté fin 2014 pour 7,4 milliards d'euros.

afp/rp