Clariane, ex-Korian, recherche €1.5 milliard pour redorer son crédit. Les deux-tiers tenteront d'être obtenus via des cessions d'actifs, €300 millions via une augmentation de capital — garantie à hauteur de €200 millions par Crédit Agricole Assurances, premier actionnaire avec 25% du capital — et le solde devrait découler de transactions type cession-bail. 

Le groupe a également négocié une nouvelle ligne de crédit de €200 millions adossée à son patrimoine immobilier. Manifestement, le Crédit Agricole joue ici un rôle de chevalier blanc qu'on imagine vivement encouragé par les pouvoirs publics. Ces derniers, c'est entendu, ne peuvent s'offrir le risque de santé publique de laisser un établissement d'une telle dimension soudainement devenir insolvable. 

L'augmentation de capital envisagée est peu ou prou comparable à la valeur actuelle des capitaux propres. En toute logique, le marché n'apprécie donc guère la nouvelle, et renvoie l'action à ses niveaux de cours les plus bas jamais enregistrés. 

Avec le recul, il est facile de pointer du doigt l'évidente erreur de gestion qui consistait à recourir de manière aussi excessive à l'effet de levier, a fortiori avec un échéancier mal ventilé. Certes la pratique était d'usage courant dans le secteur, mais cela n'excuse en rien l'irresponsabilité de telles pratiques.

Pour les actionnaires, le désastre renvoie au risque inhérent qu'ils subissent à investir dans des entreprises trop endettées, nonobstant les alléchantes perspectives de croissance qu'on leur fait miroiter. Avec des structures de capital aussi tendues, le moindre petit pépin — type remontée des taux d'intérêt — entraîne un déraillement immédiat de toute la belle mécanique.

Au final, le plus sage est encore de faire le tri en amont, et de se tenir systématiquement à l'écart de ces situations.

D'autant que, dans le cas de Clariane, les signaux négatifs s'additionnaient : outre la baisse continue des marges et de la rentabilité, le profit cash — ou cash-flow libre — par action stagnait depuis dix ans malgré les €5 milliards investis dans les immobilisations et les acquisitions. 

Recourir à l'effet de levier peut faire sens si la création de valeur est réelle — et c'est encore sur la base du cash-flow libre par action qu'on peut la mesurer avec le plus de fiabilité. Or celle-ci ne suivait pas chez Clariane : la solvabilité du groupe était donc en sursis, et il ne s'agissait que d'une question de temps avant que ne sonne l'heure de vérité.