Londres (awp/afp) - La chute de la société financière Greensill, qui espère un sauvetage partiel, menace des dizaines de milliers d'emplois, dont ceux de l'empire du magnat de l'acier Sanjeev Gupta et ses sites industriels en France comme Ascoval et Hayange.

Inconnue du grand public, Greensill, spécialisée dans les prêts de court terme aux entreprises, fait désormais les gros titres de la presse financière.

En raison de doutes sur la valorisation de ses actifs, cette multinationale dont le siège est à Londres, a déposé le bilan lundi au Royaume-Uni.

Le cabinet Grant Thornton a été nommé administrateur avec l'espoir de négocier la vente des actifs les plus rentables à la société d'investissement américaine Apollo. Cette dernière devrait racheter notamment pour 60 millions de dollars la propriété intellectuelle et une plateforme technologique de Greensill, selon une source proche du dossier.

Greensill tombe de haut. Créée en 2011, elle compte parmi ses conseillers l'ex-Premier ministre britannique David Cameron et a bénéficié d'un investissement de 1,5 milliard de dollars du japonais SoftBank.

Cette faillite plonge surtout dans la plus grande incertitude ses clients, qui font appel à ses services pour payer leurs factures.

Privées de ces financements, ces entreprises pourraient se retrouver confrontées à des défauts de paiement, même s'il est difficile d'évaluer précisément l'impact social.

Analyste chez Hargreaves Lansdown, Susannah Streeter évoque une "vague de panique dans les cercles financiers et industriels qui étaient dépendants de ses financements et de ses possibilités d'investissement".

Greensill n'est pas une banque à proprement parler, mais une société qui prête de l'argent à des entreprises pour qu'elles payent leurs fournisseurs.

Dans un schéma qui peut rappeler les montages hasardeux de la crise financière de 2008, elle se finance quant à elle en transformant les dettes que lui doivent ces entreprises en produits financiers qu'elle vend à de grands investisseurs.

Greensill a été lâchée par un assureur qui couvrait ces transactions et dans la foulée par de grandes institutions comme Credit Suisse qui a évoqué des "incertitudes considérables" sur la valorisation des actifs.

"Effet domino"

Les regards se tournent désormais vers les grands clients, parmi lesquels GFG Alliance, le groupe industriel de l'Indo-britannique Sanjeev Gupta.

Cet empire industriel compte 35.000 salariés dans 30 pays, avec une forte présence au Royaume-Uni (5.000 emplois) mais également en France, où il possède trois sites, l'aciérie Ascoval à Saint-Saulve (nord), l'usine de rails d'Hayange (Moselle) et un site d'aluminium à Dunkerque.

"Nous craignons bien évidemment l'effet domino dans ce dossier et les risques sont forts sur l'emploi et sur les sites français", a déclaré à l'AFP Stéphane Destugues, secrétaire général de la fédération syndicale CFDT de la métallurgie.

Chez Ascoval, "nous n'avons donc pas encore tous les tenants et aboutissants (...) mais nous avons appris à être sur nos gardes", explique Nicolas Lethellier, du syndicat CGT.

Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire a assuré que l'Etat serait "derrière les salariés".

Sanjeev Gupta a de son côté tenu une réunion qualifiée de "fructueuse" avec les syndicats au Royaume-Uni, où sa branche Liberty Steel, est l'un des principaux groupes de sidérurgie.

Le groupe reconnaît que la situation est "difficile", mais qu'il dispose des fonds nécessaires à son activité tout en cherchant à diversifier ses sources de financements.

Trouver ces nouveaux canaux "n'est en aucun cas une certitude, ce qui menace des milliers d'emplois", avertit Mme Streeter.

Le gouvernement suit de près le dossier, selon un porte-parole de Downing Street, évoquant des informations "évidemment très inquiétantes pour les salariés du groupe".

Dans une récente décision de justice australienne sur des contrats d'assurance, Greensill estimait que sa débâcle menaçait jusqu'à 50.000 emplois dans le monde dont 7.000 en Australie d'où est originaire son fondateur Lex Greensill.

Sa déroute ne concerne pas que les entreprises.

En Allemagne, où la société possède une filiale bancaire, une cinquantaine de communes, attirées par les hauts rendements proposées, pourraient en subir les conséquences, selon le quotidien économique Handelsblatt.

La cité industrielle de Monheim-Am-Rhein (ouest), 43.000 habitants, craint par exemple de perdre "la totalité" de ses 38 millions d'euros investis, a déclaré un porte-parole de la mairie à l'AFP.

afp/rp