Genève (awp) - Credit Suisse aurait accueilli des avoirs non déclarés appartenant à l'ancien Premier ministre français Raymond Barre. Le politicien, décédé en 2007, détenait des titres pour 11 millions de francs suisses sur un compte numéroté, rapporte mercredi Le Canard Enchaîné.

L'hebdomadaire satirique reproduit l'extrait d'un courrier adressé en 2015 par l'autorité fiscale française aux héritiers de Raymond Barre. Sur ce compte ouvert à Bâle à une date non précisée, l'administration fait état d'un "portefeuille de valeurs mobilières" pour quelque 6,8 millions d'euros à fin août 2007, soit quelques jours après le décès de l'homme d'Etat.

Le fisc français a lancé une procédure en 2013, explique le journal, sur la base d'une copie d'écran du réseau intranet de Credit Suisse fournie par un informateur. Les fils de Raymond Barre auraient payé à ce jour 1 million d'euros au titre de "rectifications, pénalités et intérêts de retard".

Côté pénal, le Parquet financier national a ouvert une information judiciaire en 2016, après deux ans d'enquête préliminaire, selon l'article. La famille Barre est soupçonnée de s'être livrée à un "blanchiment de fraude fiscale". Le Canard Enchaîné ne mentionne aucune procédure à l'encontre du numéro deux bancaire helvétique.

Une source judiciaire en France a confirmé à AWP l'ouverture de l'information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale le 29 avril 2016. Pour le reste, secret de l'instruction, a-t-elle ajouté.

Credit Suisse a pour sa part indiqué dans une prise de position écrite s'engager "à mener ses affaires bancaires en stricte conformité avec toutes les lois, règles et réglementations applicables sur les marchés où il opère".

L'origine des fonds n'est pas clairement identifiée. Dans son article, Le Canard Enchaîné a mentionné des "fonds secrets" destinés à payer des "primes de membres de cabinet" ou des "costumes". Ils auraient atteint 23 millions de francs suisses français en 1979.

Argent retiré en espèces

Le reliquat de ces fonds a été retiré en espèces par des émissaires de Raymond Barre après la victoire de la gauche à la présidentielle dans l'Hexagone en 1981. La trace de cet argent - le journal satirique évoque une somme de 12 millions de francs suisses français - a été perdue.

Economiste reconnu, Raymond Barre avait publié un manuel d'économie qui avait rencontré beaucoup de succès. L'homme d'Etat disposait également d'un portefeuille d'actions bien garni, selon l'hebdomadaire.

Politicien centriste, Raymond Barre a été ministre des Finances puis Premier ministre sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981). Ses deux fils, Nicolas et Olivier, sont domiciliés à Genève.

Cette affaire rappelle celle, plus récente, d'un autre ministre français, Jérôme Cahuzac, qui disposait également d'un compte non déclaré en Suisse doté de 800'000 francs suisses. En décembre 2017, l'ancien ministre du Budget du président socialiste François Hollande a été condamné à Paris à trois ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment.

La justice française a également infligé une amende de 1,875 million d'euros à la banque genevoise Reyl & Cie pour avoir été "l'instrument de la dissimulation des avoirs" de M. Cahuzac. François Reyl a quant à lui été condamné à un an de prison avec sursis et 375'000 euros d'amende.

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