BRÉTIGNY-SUR-ORGE (awp/afp) - Tentatives d'attentat contre le président vénézuélien ou le Premier ministre irakien, survol d'aéroports londoniens ou de plate-formes pétrolières en Norvège: la menace croissante posée par les petits drones constitue un casse-tête pour tenter de s'en protéger.

Comment repérer un engin lent et volant à faible altitude au-dessus d'une foule et le neutraliser sans qu'il ne cause de dommages? La perspective de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques de Paris 2024, notamment des centaines de milliers de personnes attendues le long de la Seine pour la cérémonie d'ouverture, donne des sueurs froides aux pouvoirs publics français.

Pour les militaires également, l'usage massif de petits drones kamikazes, parfois en essaims, pendant le conflit du Haut-Karabagh en 2020, et l'utilisation en Ukraine de drones commerciaux pour la reconnaissance ou le ciblage constituent de nouvelles vulnérabilités.

Se prémunir contre les drones de petite taille, dont le nombre est passé de 400.000 à 2,5 millions en France en cinq ans, tient de la "mission (quasi) impossible", relevait même des députés dans un rapport publié l'an passé.

Signe de l'urgence, le ministère des Armées doit recevoir en début d'année les 6 premiers systèmes de lutte antidrones Parade (Protection déployable modulaire antidrones), neuf mois après la passation du contrat, d'un montant de 350 millions d'euros sur onze ans.

Attribué aux groupes Thales et CS group, Parade est "optimisé pour la détection et la neutralisation des micro et minidrones (de 100 grammes à 25 kilos) mais il peut faire plus", explique Thierry Bon, directeur de la lutte antidrones chez Thales, à l'occasion d'une démonstration sur l'ancienne base aérienne de Brétigny, en région parisienne.

Les données provenant d'un radar monté sur un trépied et capable de détecter un drone jusqu'à 5 kilomètres, de radiogoniomètres qui repèrent le drone par les ondes radio qu'il émet, et de caméras optique et infrarouge sont fusionnées sur une interface unique, gérée par un opérateur.

Une fois détecté et suivi automatiquement par la caméra, l'opérateur active un brouilleur à deux kilomètres de distance du drone qui vient de pénétrer dans la zone d'exclusion fictive, le contraignant à se poser ou à rallier un point prédéfini.

"Pas de système magique"

"Entre le moment où l'on détecte le drone et celui où il arrive sur sa cible, l'opérateur dispose d'une trentaine de secondes", selon Egidio Cau, directeur adjoint de la lutte antidrones ches CS group.

Pour couvrir de plus grandes zones, plusieurs systèmes peuvent être interconnectés.

Une des difficultés -résolue selon le consortium- a été d'éviter les fausses alarmes, car "pour un radar, il n'y a rien qui ressemble plus à un drone qu'un oiseau", relève son adjoint Tony Valin.

Mais les défis technologiques restent immenses, concède-t-il. La quasi-totalité des drones commerciaux sont pilotés à distance et émettent donc des ondes qui peuvent être brouillées.

Mais l'autonomie croissante des drones, dont la trajectoire est prédéterminée et qui n'émettent alors plus d'ondes électromagnétiques, les affranchit de ce brouillage.

L'architecture de Parade est donc conçue pour être ouverte et intégrer d'autres méthodes d'interception.

Un laser, le Helma-P de la société Cilas, capable de griller en moins de dix secondes un drone à 1.000 mètres, doit être disponible en 2024.

Thales planche de son côté sur un "effecteur électromagnétique", sorte de grosse boule qui émet une onde puissante à plusieurs centaines de mètres contre un drone, le rendant inopérant en une seconde.

D'autres ajouts potentiels pourraient être des drones intercepteurs qui jetteraient un filet sur le drone hostile ou des drones brouilleurs. Des études sont par ailleurs menées sur la détection acoustique des drones.

Pour Egidio Cau, "il faut une approche multicapteurs, il n'y a pas de système magique".

Quant aux drones iraniens, bien plus gros et lestés de plusieurs dizaines de kilos d'explosifs qui s'abattent sur l'Ukraine, "ils volent à 3.000 mètres puis descendent à pic, c'est imparable".

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